Afrique: MEDays – Au-delà du score, les méga-événements sportifs, catalyseurs des stratégies nationales

La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 et le Mondial 2030 ne sont pas de simples compétitions pour le Maroc et ses co-organisateurs, mais des instruments d’accélération économique et géopolitique. Réunis en panel au forum MEDays, les experts ont analysé le basculement d’un modèle basé sur la dépense ponctuelle vers celui du « Grand Projet » à impact durable. La clé du succès, ont-ils affirmé, réside dans la capacité à intégrer ces événements dans une stratégie nationale globale, transformant l’infrastructure physique en héritage économique et social.
Le nouvel impératif économique : L’événement comme accélérateur
Les méga-événements sportifs ont une longue histoire économique. Le Professeur Gibril Faal (Directeur de GK Partners) a rappelé que cette approche, visant la création de nouvelles industries, remonte à la pensée économique des années 1920. Il a cependant mis en garde : le risque est grand si la gestion est défaillante et si l’analyse coûts-avantages est déséquilibrée. Pour lui, la vraie valeur se trouve dans l’intangible : les médias, les licences et le sponsoring, plutôt que dans les seules structures physiques.
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Abondant dans ce sens, Abdou Souleye Diop (Associé Gérant, Mazars) a affirmé que l’organisation des événements au Maroc n’est pas une fin en soi, mais un accélérateur de plans stratégiques déjà existants : « Le RER de Rabat, le RER de Casa, l’extension de la LGV à Marrakech, tout était prévu. Aujourd’hui, on ne fait qu’anticiper. Ce n’est pas de l’argent en plus, c’est un catalyseur qui avance notre plan stratégique qui devait s’étaler jusqu’à 2037 à l’horizon 2030. » a-t-il déclaré.
Ce modèle permet d’éviter le piège des « éléphants blancs » — les infrastructures inutilisées après la fête — un risque jugé réel au Qatar ou constaté après la CAN au Cameroun. Pour le Maroc, la professionnalisation du football et le développement touristique massif (340 hôtels construits cette année) assurent que les investissements, qu’il s’agisse de stades ou de lignes à grande vitesse, s’inscrivent dans une utilité pérenne.
Le défi du gigantisme et la pédagogie du coût
Dans un contexte économique et budgétaire difficile post-pandémie, organiser seul de tels événements est devenu presque impossible. Alexandre Kateb (Économiste et Fondateur Multipolarity AI) a rappelé que les coûts peuvent atteindre des chiffres astronomiques (220 milliards de dollars pour le Qatar, un exemple extrême). Il en résulte une fatigue et un faible appétit, expliquant l’absence d’autres candidatures pour le Mondial 2030.
Cette réticence est aussi sociétale. Patrice Ribaton (Spécialiste en gestion du sport) a insisté sur le défi pédagogique majeur : « Mettre 6, 10, 15 milliards sur un grand événement sportif international… Il est très dur d’expliquer ça à une population. La population voit la dépense et elle voit que cette dépense ne sera peut-être pas mise à terme dans des services publics. »
Malgré ces coûts, l’événement est un investissement. Pour M. Kateb, au-delà de l’économie, le Mondial est un symbole pour le Maroc, venant « asseoir son statut de puissance émergente qui a réussi à pacifier ses relations et à être reconnue en tant que telle au niveau international ». M. Ribaton a conclu en soulignant que l’événement offre une opportunité de rebâtir des alliances politiques précieuses entre l’Europe et l’Afrique du Nord.



