Afrique: Les Émirats arabes unis, nouveau pivot des relations Afrique-Moyen-Orient

En vingt ans, les Émirats arabes unis se sont imposés comme un partenaire incontournable du continent africain. Leur rôle dépasse désormais la simple dimension économique : en multipliant investissements, partenariats et événements de coopération, le pays se place comme un relais stratégique entre l’Afrique et le Moyen-Orient.

Les flux financiers en provenance des Émirats connaissent une croissance soutenue, les liens diplomatiques se renforcent et Dubaï, Abou Dhabi ou encore Sharjah accueillent un nombre croissant de forums et sommets dédiés à l’avenir commun des deux régions.

Les Émirats, hub des rencontres Afrique  Moyen-Orient

Au-delà des capitaux, les Émirats misent sur la diplomatie des événements pour affirmer leur rôle auprès du continent africain. Dubaï et Abou Dhabi accueillent désormais une partie des grands rendez-vous Afrique – Moyen-Orient. En 2024, le lancement du forum The Africa Debate – UAE a marqué une étape significative. La prochaine édition, prévue en septembre 2025, doit mettre en avant les perspectives de coopération dans l’énergie, les infrastructures, les mines et la finance verte, consolidant la place des Émirats au centre des discussions stratégiques sur l’avenir du continent. D’autres rendez-vous majeurs tenus aux Émirats, comme l’ADIPEC, rendez-vous mondial de l’énergie, ou l’Abu Dhabi Sustainability Week, accueillent chaque année un nombre croissant de délégations africaines.

Cette stratégie trouve aussi une expression institutionnelle. La Conférence des Nations unies sur l’eau, programmée en décembre 2026 et co-organisée avec le Sénégal, en est un symbole fort. Après l’édition 2023 à New York, qui avait mobilisé gouvernements, bailleurs de fonds et acteurs de la société civile, Abou Dhabi entend lier son image à un enjeu vital : combler le déficit mondial de financement des infrastructures hydriques. Pour un État désertique, cet engagement traduit à la fois des priorités domestiques et une attention affichée aux besoins africains.

Dans le prolongement, Abou Dhabi a accueilli en 2025 le Forum Sénégal – Émirats et prépare une table ronde autour du Plan national de développement du Tchad. À ces initiatives s’ajoutent des accords bilatéraux de poids : en 2025 des partenariats économiques globaux (CEPA) ont été signés avec le Kenya, la République centrafricaine, ou encore l’Angola, ce dernier est assorti d’un engagement de 6,5 milliards de dollars d’investissements émiratis.

Les chiffres confirment l’ampleur de cette dynamique. Entre 2012 et 2022, les investissements directs étrangers (IDE) venus du Golfe ont dépassé les 100 milliards de dollars en Afrique, dont près de 60 milliards apportés par les seuls Émirats arabes unis. Depuis, le rythme s’accélère : pour les années 2022 et 2023, Abou Dhabi a annoncé des promesses d’investissements de 97,3 milliards de dollars, se hissant au premier rang mondial des investisseurs sur le continent.

Un rôle structurant appelé à durer

En combinant flux financiers, diplomatie économique et organisation d’événements internationaux, les Émirats redessinent leur position dans les relations Afrique – Moyen-Orient. Ils ne se contentent plus d’être de grands investisseurs : ils proposent aussi une plateforme de concertation entre dirigeants africains et monde arabe. Certains défis demeurent (concrétisation des engagements, critiques sur les standards sociaux et environnementaux, ou rivalités avec d’autres puissances) mais la trajectoire est claire : Abou Dhabi entend devenir un pilier durable des échanges Sud-Sud.

Cet intérêt croissant pour l’Afrique répond à une logique stratégique. Le continent représente un marché de consommateurs en expansion, essentiel pour soutenir la croissance future des secteurs émiratis comme la logistique, l’énergie, les télécommunications et le tourisme. L’Afrique dispose aussi d’un réservoir de ressources naturelles cruciales (agricoles, minières, énergétiques) jugées stratégiques pour l’économie du Golfe en transition. L’énergie occupe une place centrale : les Émirats sont l’un des principaux bailleurs de la transition énergétique africaine, avec plus de 70 milliards de dollars investis dans le renouvelable depuis 2012. Masdar et AMEA Power, deux champions nationaux, pilotent des projets allant du solaire en Zambie à l’hydrogène vert en Mauritanie.

La diversification sectorielle accélérée des Émirats permet de consolider cette présence à travers une multitude de chaînes de valeur, avec en fer de lance la logistique. DP World gère six ports africains et prévoit de nouvelles implantations, tandis qu’Abu Dhabi Ports étend ses activités en Égypte, en Guinée ou en Angola. Dans les télécommunications, l’agriculture ou encore le marché des crédits carbone, les entreprises émiraties se positionnent comme des acteurs structurants. Ces investissements confortent leur statut de partenaires de long terme.

Ce mouvement s’inscrit enfin dans un contexte géopolitique favorable. Le retrait relatif des anciennes puissances coloniales, la prudence croissante des bailleurs occidentaux et chinois, ainsi que la moindre présence américaine créent un vide qu’Abou Dhabi met à profit pour renforcer son influence. Pour l’Afrique, qui recherche de nouvelles sources de financement, En se positionnant au croisement de l’Afrique et du Moyen-Orient, le pays affirme son ambition de devenir un acteur structurant de l’ordre mondial en recomposition.

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