Alors que l’aide publique au développement recule, les pays africains multiplient les appels à une refonte du système financier mondial. Entre philanthropie locale, fuite de capitaux et mobilisation de la diaspora, le continent cherche des solutions durables, au-delà de la dépendance extérieure.
Lors d’un panel organisé dans le cadre de la 6e édition de la Conférence sur la philanthropie en Afrique, ce 29 juillet 2025, au Caire, en Égypte, le thème « La crise du multilatéralisme, la mobilisation des ressources intérieures et l’avenir de la coopération mondiale dans le financement du développement en Afrique » a été posé par un groupe de panéliste experts en la matière.
L’aide publique au développement (APD) est en net recul. Selon l’OCDE, elle a chuté de 9 % en 2024 et pourrait encore baisser de 9 à 17 % en 2025, a fait savoir Esme Stout, représentante de l’OCDE. A l’en croire, ce sont les pays les moins avancés qui subissent le plus cette tendance, notamment en Afrique, où certaines nations enregistrent jusqu’à 28 % de réduction de leur aide, fragilisant des secteurs clés comme la santé.
En parallèle, les budgets d’aide sont de plus en plus redirigés vers des dépenses militaires dans les pays du Nord. Un choix politique vivement critiqué par les acteurs du développement africain.
Chenai Mukumba, de Tax Justice Network Africa, a alerté sur les flux financiers illicites qui saignent le continent. D’après Mme Mukumba, près de 90 milliards de dollars fuient chaque année l’Afrique via les flux financiers illicites. Une perte massive, bien supérieure à l’aide reçue. Pour les intervenants, colmater cette brèche est un levier indispensable pour renforcer l’autonomie financière du continent.
La philanthropie, un allié stratégique
Si l’aide publique se contracte, la philanthropie privée prend de l’ampleur. Entre 2020 et 2024, les fondations ont investi 53 milliards de dollars dans le développement mondial, dont 18 milliards en Afrique. L’Éthiopie, le Kenya et le Nigeria figurent parmi les plus grands bénéficiaires.
L’OCDE encourage aujourd’hui une meilleure coordination entre philanthropie, pouvoirs publics et banques de développement. L’initiative Scaling Circle vise notamment à casser les silos entre acteurs et à valoriser la philanthropie domestique.
Toutefois, les pays africains réclament une révision en profondeur de l’architecture fiscale mondiale. Objectif: transférer la gouvernance des règles fiscales de l’OCDE vers les Nations Unies, pour garantir une représentation plus équitable.
Ils souhaitent notamment pouvoir taxer les géants du numérique, qui génèrent des profits dans les pays africains sans y avoir de présence physique.
La diaspora, un levier encore sous-exploité
Avec plus de 300 millions de migrants africains dans le monde, les transferts de fonds représentent une manne précieuse. Une initiative vise à capter 1 milliard de dollars sur 10 ans, via un fonds de dotation perpétuel. 80 % des sommes seraient investies, 20 % redistribuées chaque année, pour soutenir les entreprises sociales et les ONG africaines.
Mieux valoriser la philanthropie locale
Aujourd’hui, les initiatives philanthropiques africaines restent largement sous-documentées. Pourtant, elles représentent un potentiel d’impact majeur. L’OCDE révèle que 18 % du financement mixte mondial implique déjà des fondations.
La Journée africaine de la philanthropie, prévue en novembre, devrait permettre de rassembler fondations locales, internationales, institutions publiques et décideurs politiques autour d’initiatives communes afin de basculer vers un nouveau cap pour le multilatéralisme.
Enfin, les intervenants alertent: si l’Afrique ne prend pas sa place dans les discussions sur la réforme du système multilatéral, elle risque d’en être la grande perdante. Le continent exige désormais un rôle actif dans la définition des règles financières globales, plus inclusives et adaptées à ses réalités.