Afrique: Initiatives Carbone Souveraine – Un outil de justice climatique validé par l'UA

L’Africa Sovereign Carbon Registry Foundation encourage les pays africains à exercer leur droit de collecte de contributions carbone qui découle du principe « pollueur payeur ». La fondation a pris la parole au deuxième sommet africain sur le climat cette semaine à Addis Abeba et a été officiellement adoubée par l’Union africaine.

Paul Sébastien, expert en marchés carbone internationaux, membre de l’Africa Sovereign Carbon Registry Foundation, expose en trois points les enseignements tirés de l’ACS2, le track record des Initiatives Carbone Souveraines, et comment elles s’inscrivent dans le cadre du vote proposé le mois prochain par l’Organisation maritime internationale pour la mise en place d’une taxe maritime mondiale.

Quels enseignements tirez-vous de cette deuxième édition du Sommet Africain pour le Climat tenu cette semaine dans la capitale éthiopienne?

Le grand message qui se dégage de cette deuxième édition du Africa Climate Summit c’est clairement la soif de justice climatique des pays africains. Le continent est le premier impacté par le changement climatique alors qu’il est celui qui pollue le moins. Il n’émet que quelques pourcents des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle globale.


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Or, l’Afrique se rend plus que jamais compte qu’elle ne peut uniquement compter sur les centaines de milliards de dollars d’aide promis des pays occidentaux lors du premier sommet africain sur le climat en 2023, qui au demeurant tardent à venir. Elle doit en attendant activer des solutions de finance climat agiles et rapidement déployables dans le respect des normes internationales.

C’est tout le propos du principe du « pollueur payeur », confirmé par l’Accord de Paris de 2015, et qui permet à chaque État souverain dans le monde d’imposer aux principaux émetteurs de gaz à effet de serre de contribuer localement à l’effort d’adaptation ou de lutte contre le changement climatique, en particulier aux compagnies maritimes et aériennes opérant dans les pays.

Plusieurs juridictions dans le monde appliquent déjà ce principe comme l’Europe via l’UE ETS. Avec les « Initiatives Carbone souveraines » promues et encadrées par l’Africa Sovereign Carbon Registry Foundation, c’est exactement le même outil de justice climatique que nous mettons en avant sur le continent. Il était donc logique que la Fondation reçoive l’appui de l’Union Africaine.

C’est ce qui s’est passé pendant le sommet quand le président de l’UA, S.E.M. Mahmoud Ali Youssouf a réaffirmé « la volonté de la Commission [ndlr : de l’Union Africaine] de soutenir la Fondation et d’accompagner ses initiatives afin de promouvoir des solutions concrètes pour l’action climatique à travers l’Afrique ». Cela constitue un signal fort pour le développement de ce mécanisme harmonisé, et standardisé, de financement souverain de l’action et de justice climatique sur le continent.

L’ASCR Foundation a participé à l’ACS2 avec la délégation de Djibouti, parlez-nous de votre expérience dans ce pays particulièrement affecté par le réchauffement climatique.

Djibouti est le pays qui a vu naître l’ASCR Foundation ; et le premier Etat africain à avoir lancé son Initiative Carbone souveraine, en 2023. Depuis deux ans, Djibouti collecte des contributions carbone auprès des pollueurs internationaux des industries maritimes et aériennes. Les contributions ont déjà permis à la Sovereign Carbon Agency de Djibouti -spécialement créée pour l’allocation de ces fonds- de financer une cinquantaine projets d’adaptation, des solutions concrètes aux bénéfices des populations les plus vulnérables, ainsi que des programmes de transition écologique et énergétique.

Parmi ces différents projets, on compte des unités de dessalement alimentées par énergie solaire pour l’accès à l’eau, la modernisation d’une maternité, l’électrification de 24 écoles par unités solaire. Mais aussi des programmes d’agroforesterie et de restauration des mangroves du pays, de préservation des tortues marines, de collecte des déchets plastique biodiversité, etc.

Chaque initiative est menée en coordination avec les ministères compétents, intégrée dans l’action gouvernementale et mise en œuvre avec le soutien des associations et communautés locales. Cela garantit que chaque contribution renforce la résilience et la souveraineté de Djibouti.

D’autres pays suivent ? Comment les « Initiatives Carbone Souveraines » s’inscrivent-elles dans la proposition de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) de mettre en place une taxe maritime mondiale lors du vote prévu à cet effet le mois prochain ?

Oui, d’autres pays ont suivi l’exemple de Djibouti à l’instar du Gabon, qui vient de lancer cette année son Initiative Carbone Souveraine (ICS) par décret présidentiel, comme Djibouti, et qui a mis en place son registre carbone souverain placée sous la gouvernance de l’Africa Sovereign Carbon Registry Foundation, garante de la conformité du mécanisme aux standards internationaux.

Libreville a aussi installé son « Agence gabonaise de développement (AGADEV) ». La Fondation travaille à faire de la pédagogie, à rencontrer les autres pays africains et à les familiariser avec ce mécanisme auquel ils ont légitimement droit et qui constitue somme toute un acte de justice climatique que chacun d’entre eux se doit d’accomplir

C’est dans ce contexte que l’OMI va proposer les 14 et 15 octobre prochains un vote finale pour la mise en place d’une taxe maritime mondiale. Si elle est adoptée, cette taxe, qui rentrerait en service à l’horizon 2028-30, sera gérée par un fonds OMI ad hoc afin de financer la recherche et développement de technologies de décarbonation de l’industrie.

Une partie des fonds collectés devraient être redistribués au pays les moins développés, mais il n’est pas clair à l’heure actuelle quelles seraient les règles de redistribution ni d’accès à ces fonds. D’où l’abstention, et dans certains cas l’opposition, de plusieurs pays africains lors du premier vote de l’OMI concernant ce mécanisme, en avril dernier.

La Fondation (ASCR Foundation) soutient l’ambition d’un mécanisme international harmonisé de tarification carbone pour l’industrie maritime et les objectifs de décarbonation de l’OMI. Mais la Fondation affirme le droit des pays, au même titre que l’Europe avec l’EU ETS, à recevoir et gérer souverainement une partie de ces fonds pour des programmes développés localement et répondant aux urgences du changement climatique et des besoin de leurs populations.

La Fondation souhaite collaborer avec l’OMI et l’industrie afin de définir une approche commune, harmonisée alignés avec leurs objectifs et intérêts, et respectant le principe de justice climatique et la souveraineté du continent. De plus, le mécanisme proposé par l’OMI serait mis en œuvre au plus tôt en 2028 tandis que les Initiatives Carbone Souveraines promues par la Fondation sont déployables en moins de trois mois, et permettent à chaque pays de générer des moyens de financement quasi immédiatement. Ces Initiatives constituent donc une solution de transition avant que le mécanisme de l’OMI, s’il est ratifié, ne soit opérationnel.

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