Afrique: G20 – Le continent accueille, le monde s'absente

Emmanuel Macron quitte les plages et les filaos de Maurice pour les grilles du Nasrec à Johannesburg, devenu le nouveau centre névralgique de la diplomatie du G20. Deux images se superposent : un petit État insulaire qui cherche sa place dans le monde et le premier G20 jamais organisé sur le sol africain… vidé d’une partie de ses grandes puissances.

Car ce G20 de Johannesburg n’est pas un sommet comme les autres. C’est le premier en Afrique, dans un format où l’Union africaine est désormais membre à part entière aux côtés de l’unique pays africain du club, l’Afrique du Sud. Le thème – «Solidarité, Égalité, Durabilité» – dit bien l’ambition : remettre la dette, les inégalités et la transition énergétique juste au coeur de l’agenda mondial.

Mais la photo de famille sera tronquée. Donald Trump a décidé de boycotter purement et simplement le sommet, annonçant qu’«aucun représentant du gouvernement américain» ne se rendra à Johannesburg, au nom d’une prétendue «persécution» des Afrikaners, récit de «génocide blanc» largement discrédité. Dans la même tirade, il juge «honteux» qu’un G20 se tienne en Afrique du Sud et promet déjà «son» G20 2026 à Miami.


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À cette chaise vide américaine s’ajoutent d’autres absences : Xi Jinping ne viendra pas, déléguant à son Premier ministre, Li Qiang ; Vladimir Poutine reste coincé dans l’ombre d’un mandat d’arrêt de la CPI ; Javier Milei fera, lui aussi, l’école buissonnière diplomatique. En clair : le premier G20 africain se déroule sans le président de la première économie mondiale, sans le numéro un chinois, sans le maître du Kremlin.

Cyril Ramaphosa tente de transformer ce camouflet en posture de dignité, parlant d’une absence qui sera «la perte des États-Unis» et allant jusqu’à annoncer qu’il remettra symboliquement la présidence du G20 2026 à une «chaise vide». Geste fort, mais aveu d’impuissance : le multilatéralisme ne meurt pas d’un coup d’État ; il se défait par usure, boycott après boycott.

Derrière le décor, l’enjeu est pourtant majeur. Depuis un an, Pretoria a mis sur la table ce que beaucoup de capitales du Sud n’osaient plus formuler : la nécessité de sortir de la spirale dette-sous-développement-climat qui étrangle les pays africains. Sous présidence sud-africaine, le G20 a adopté une déclaration sur la soutenabilité de la dette et multiplié les dialogues G20-Afrique sur le coût du capital, la réforme du cadre commun et le financement d’une transition énergétique juste.

Mais c’est tout le paradoxe : quatre présidences consécutives du «Sud global» – Indonésie, Inde, Brésil, Afrique du Sud – et, au moment où l’Afrique accueille enfin le sommet, ce sont les grands actionnaires politiques du système qui désertent la salle. Sans les ÉtatsUnis, et avec une Chine à demi-présente, que valent les engagements sur la dette, le climat, la réforme du FMI et des banques multilatérales ? Le risque est simple : que l’Afrique serve de scène, pas de scénariste.

C’est ici que la séquence mauricienne de Macron prend son sens. La France, très présente à Johannesburg, comme l’Inde de Narendra Modi, voit dans ce G20 un terrain pour occuper le vide laissé par Washington, mais aussi pour tester un axe euro-indo-africain autour de la transition énergétique, des minerais critiques et de l’architecture financière internationale.

Pour Maurice, l’enjeu est de ne pas se cantonner au rôle de joli décor dans le récit d’une «tournée sudiste» de l’Élysée. Le premier G20 africain, tenu à quelques heures de vol de Port-Louis, raconte un monde où : l’ordre multilatéral se fissure sous les coups répétés d’un trumpisme qui préfère les deals bilatéraux aux compromis globaux ; l’Afrique cherche à peser sur les règles du jeu de la dette et du climat, sans garantie que les grandes puissances respecteront la partition ; et les puissances intermédiaires – France, Inde, Brésil, Europe – se repositionnent sur un échiquier où les alliances sont plus fluides, plus transactionnelles, plus fragiles.

Dans ce monde-là, un petit État insulaire comme Maurice n’a pas le luxe de la naïveté. Il doit maîtriser ses dossiers – dette, financement climatique, sécurité maritime, accès au marché – et se brancher sur les bons relais : Union africaine, Union européenne, plateformes du G20, coalitions de petits États insulaires. Il doit parler le langage des chiffres quand d’autres parlent celui des symboles.

Le premier G20 africain aurait pu être le sommet où l’on actait enfin un rééquilibrage réel entre Nord et Sud. Il risque d’être surtout le miroir d’un monde fragmenté, où l’Afrique accueille les puissants sans être sûre qu’ils écoutent et où l’absence américaine en dit plus long que la présence de tous les autres.

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