Afrique de l'Ouest: 68e sommet CEDEAO – Session de rattrapage des échecs sur la stabilité régionale

Réunis hier pour son 68e sommet ordinaire à Abuja, les chefs d’Etat de la CEDEAO avaient au menu de leurs discussions des questions d’une brûlante actualité : la situation politique au Bénin, en Guinée-Bissau et la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest.
Au Bénin, le président Ahmed Bola Tinibu répresenté par son vice-président avec ses hôtes, devraient prendre des décisions sur le maintien et le mandat à conférer à la force en attente de l’organisation. Elle est intervenue en urgence pour restaurer le pouvoir du président Patrice Talon, victime d’une tentative de coup d’État le 7 décembre dernier. C’est connu, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, appuyés par la France, ont rapidement convoyé des soldats qui ont délogé les hommes du lieutenant colonel Pascal Tigri de Cotonou et remis le président Patrice Talon en selle.
Ces 3 pays ont promptement agi en sapeurs-pompiers » pour institutions démocratiques en péril dans un pays de la CEDEAO » ,au nom de l’article 45 du Protocole additionnel de cette organisation sur la démocratie et la bonne gouvernance. Après l’urgence, la gestion du quotidien dans le moyen et le long terme s’impose donc. Dans cette dynamique, les chefs d’Etat ou leurs représentats , sur proposition de l’état major de la Force en attente, devraient maintenant indiquer la durée, le nombre de soldats et la nature de leur mission au Benin. Peut-être statueront-ils également sur la forme légale de leur collaboration avec la France et pourquoi pas d’autres pays hors CEDEAO.
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En Guinée-Bissau, suivant toujours les dispositions de l’article 45 du Protocole additionnel de l’organisation sur la démocratie et la bonne gouvernance, le président Ahmed Bola Tinibu et ses pairs devraient décider des sanctions à prendre contre le général Horta Inta A Na Man et le Haut conseil militaire qui ont interrompu le processus électoral avec peu ou prou l’accord du président sortant, Emballo Cissoko qui était sur le point d’être battu au scrutin présidentiel du 23 novembre 2025.
A minima, la Guinée-Bissau risque d’être suspendue de l’organisation sous-régionale bien que des organisations de la société civile en appellent à une jurisprudence à la béninoise, c’est-à-dire la restauration du processus électoral non sans avoir chassé les putschistes du pouvoir.
Au moment ou nous mettions sous presse, les conclusions de ce sommet ordinaire aux allures extraordinaires n’étaient pas connues mais c’est peu de dire qu’elles sont très attendues. En effet, à cette rencontre d’Abuja, la crédibilité de la CEDEAO, entamée depuis fort long, était à la recherche d’un second souffle.
La naissance de l’AES, consécutive à l’inefficacité de l’organisation à lutter contre le terrorisme ni même à exprimer la solidarité appropriée à l’endroit des pays les plus affectés par la crise multidimensionnelle que le phénomène a suscité qu’il a suscitée, est la meilleure illustration de ce que cette organisation a besoin de se réinventer, 50 ans après sa création.
L’intervention militaire du Nigeria et de la Côte d’Ivoire avec l’appui de la France au Bénin, sauve les apparences d’une CEDEAO promotrice de la démocratie et de la bonne gouvernance. On l’a pourtant vue timorée dans un attentisme illustratif de son manque de cohérence à ce sujet, par exemple quand les verrous de limitation des mandats présidentiels sont dynamités ou que des opposants sont exclus des compétitions électorales loin d’être équitables.
Les coups d’Etat en Guinée-Bissau et au Bénin, s’ils prospéraient, sonneraient l’hallali d’une organisation incapable de respecter et de faire respecter ses textes fondateurs. L’intervention militaire au Bénin et le stationnement d’une force militaire de la CEDEAO dans le pays, les décisions, quelles qu’elles soient, de ce 68e sommet sur la Guinée-Bissau et plus généralement sur la lutte contre le terrorisme et le rejet des coups d’Etat, sont une leçon de rattrapage de l’organisation sur ses précédents échecs.
En effet, dans un contexte mondial et régional en pleine recomposition géostratégique, la CEDEAO à la croisée des chemins, cherche sa voie. Dans quelle direction s’orientera-t-elle ? On attend de voir les conclusions de ce 68e sommet ordinaire.



