Des collines verdoyantes de Kasese aux projecteurs du football continental, Yunus Junior Sentamu, l’attaquant emblématique des Cranes d’Ouganda, a parcouru un chemin façonné par la résilience, un talent brut et une belle part de destinée.
À l’aube du TotalEnergies African Nations Championship (CHAN) 2024, co-organisé cette fois par l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie, « Manucho » se souvient avec émotion de ses débuts fulgurants en 2014 et nourrit l’ambition de soulever enfin le trophée, devant son public, dix ans plus tard.
Un envol vers l’inconnu
« Je n’avais même pas de passeport avant le CHAN 2014, » confie Sentamu avec un sourire. « C’était mon premier voyage en avion, et l’Afrique du Sud, mon premier pays étranger. CHAN m’a offert ma première vraie scène. »
À l’époque, le jeune attaquant n’était entré dans le groupe que sur le tard, remplaçant Patrick Edema parti au Portugal.
Perdu parmi les noms prestigieux et submergé par l’ampleur du tournoi, Sentamu ne se doutait pas de ce qui l’attendait.
« J’étais nerveux du début à la fin — de la réunion d’équipe à l’échauffement, » avoue-t-il. « Puis l’entraîneur Kajoba m’a pris à part pour me dire que j’allais marquer. Et j’ai marqué. Deux fois. »
Ces deux buts lors de l’ouverture victorieuse 2-1 face au Burkina Faso firent instantanément de lui un héros national. Au final, il terminera co-meilleur buteur du tournoi avec trois réalisations, à égalité avec Bernard Parker, l’attaquant sud-africain.
Ce fut bien plus que des buts : un tournant. Un passeport, un voyage, une révélation qui allait bouleverser sa vie.
Mentors, foi et sacrifices invisibles
Bien avant son envol, le football était presque interdit chez Sentamu. Ses parents, et surtout sa mère, voulaient qu’il se concentre sur les études.
« Elle voulait que je me consacre uniquement à l’école, » explique-t-il. « Mais mon ami Kibaya m’aidait à sortir en cachette pour jouer et a même convaincu mes parents de me laisser essayer. »
Le déclic survint quand le défunt Peter Ssebulime le remarqua lors d’un tournoi local et lui promit soutien pour le foot et les études. Sentamu fut alors inscrit à St. Julian Gayaza, puis au prestigieux St. Mary’s Kitende, réputé pour sa formation.
« Ce socle et la confiance de Ssebulime, ajoutés à la passion de M. Sserugo, ont tout changé, » raconte-t-il.
Un retour chargé de sens
Dix ans plus tard, Sentamu n’est plus ce jeune anxieux en quête de confiance. Il revient au CHAN 2024, figure majeure de l’attaque ougandaise, avec la ferme volonté d’aider les Cranes à franchir enfin les phases à élimination directe, une première dans leur histoire.
« Je ne suis pas là pour la nostalgie, » insiste-t-il. « Je veux qu’on aille au-delà des phases de poules. C’est grand temps. »
Intégré au groupe C, aux côtés de puissances comme l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Niger et la Guinée, le défi est de taille. Mais Sentamu n’est pas impressionné.
« Ce n’est plus une question de noms, » martèle-t-il. « C’est une question de préparation et de foi. Le public à domicile, c’est notre douzième homme. »
Une histoire à écrire chez soi
Organiser le CHAN pour la première fois, en année du centenaire de la Fédération ougandaise, revêt une importance toute particulière pour l’attaquant du Vipers SC. Il sait que la pression est forte, mais aussi que le privilège est immense.
« On doit offrir une prestation à la hauteur, » affirme-t-il. « C’est une occasion unique — pour les joueurs, les supporters, et le football ougandais. Si on canalise cette énergie, ça peut devenir magique. »
Pour Sentamu, CHAN 2024 est bien plus qu’une compétition. C’est une boucle bouclée — la preuve que, grâce à la ténacité, aux mentors et à la foi, les rêves peuvent s’envoler, même depuis les collines de Kasese.
Alors que l’Ouganda s’apprête à accueillir l’Afrique, Yunus Junior Sentamu est prêt à briller à nouveau — cette fois avec maturité, lucidité et l’envie profonde d’écrire l’histoire.
