Après son départ du banc de Manchester United, où il officiait comme entraîneur adjoint, Benni McCarthy a relevé un nouveau défi de taille : prendre les rênes du Kenya pour sa première apparition au CHAN CAF TotalEnergies, dans un rôle doublement symbolique puisque le pays coorganise l’édition 2024 avec la Tanzanie et l’Ouganda. Un saut dans l’inconnu que le technicien sud-africain aborde avec l’ardeur et le charisme qui ont marqué toute sa carrière de joueur.
Dans cet entretien accordé à CAFOnline.com, Benni McCarthy évoque la préparation des Harambee Stars, l’état d’esprit de son groupe, les ambitions dans une poule relevée, et la manière dont le CHAN s’intègre dans sa vision à long terme pour le football kényan – jusqu’à la CAN 2027.
Confiant, habité par la passion et avide d’écrire l’histoire, McCarthy croit que les étoiles s’alignent pour les Harambee Stars.
Que représente pour le Kenya le fait d’accueillir ce CHAN aux côtés de la Tanzanie et de l’Ouganda ?
C’est très important pour l’Afrique de l’Est de montrer à l’Afrique et au monde qu’elle est bien structurée, organisée, et qu’elle a les moyens de faire entendre sa voix. C’est aussi une superbe occasion pour la région de mettre en valeur ses infrastructures, son organisation, et de démontrer ce qu’elle peut offrir à ceux qui viendront suivre le tournoi. En matière de football, c’est l’opportunité idéale pour afficher les progrès accomplis, et pourquoi pas devenir un jour une force incontournable sur le continent.
Le Groupe A comprend des anciens champions de cette compétition comme la RD Congo et le Maroc. Comment comptez-vous aborder cette poule très relevée ?
Celui qui a tiré ces boules… Mariga (Macdonald) nous a sacrément piégés ! (rires) Mais franchement, c’est un magnifique défi. Que ce soit en tant que joueur ou entraîneur, on sait que pour gagner, il faut battre les meilleurs. Si tu veux aller au sommet, les équipes les plus coriaces seront forcément sur ton chemin. Nous avons ici une belle opportunité face à deux anciens vainqueurs – la RDC, deux fois titrée, et le Maroc – sans oublier l’Angola, une équipe toujours respectée, et la Zambie, qui fait partie des grandes nations africaines. Et maintenant, il y a le Kenya, qui veut goûter à l’élite. Ce moment est le nôtre. L’effectif que nous avons réuni est affamé, il veut réussir. Et quel meilleur endroit pour commencer qu’à domicile ? Nous jouerons nos matchs à domicile, devant nos supporters, et c’est une occasion parfaite de frapper un grand coup, d’éliminer tôt des prétendants à la finale. Ce sera un immense défi, un bon test pour les garçons. Et je peux vous l’assurer : au CHAN, le Kenya ne craindra personne.
Qu’attendez-vous des joueurs locaux que vous avez sélectionnés pour le CHAN 2024 ?
J’ai regardé beaucoup de matchs de championnat, et je sais que nous avons choisi la qualité. Depuis mon arrivée, j’ai aussi dirigé plusieurs stages, ce qui m’a permis de les voir de près et de me faire ma propre opinion. Je vois où ils en sont, et surtout ce qu’ils peuvent devenir. Ils ont la mentalité, l’état d’esprit, l’éthique de travail et le talent pour réussir. Je connais leurs qualités. Maintenant, il faut simplement que cela se traduise sur le terrain, le jour du match.
Quel rôle la Fédération (FKF) et le gouvernement ont-ils joué dans la préparation de votre équipe ?
Franchement, ils ont été incroyables. Malgré certaines limitations, ils font tout pour nous soutenir. Ils donnent le maximum, même si ce n’est pas comparable à la situation d’un sélectionneur de l’Angleterre ou de la France, qui dispose de tous les moyens. En Afrique, c’est un processus. Mais nous avançons dans la bonne direction, et quand on voit que les gens essaient, en tant qu’entraîneur, on devient plus compréhensif. Je suis vraiment reconnaissant envers la FKF et le gouvernement : leur soutien est constant.
D’un point de vue tactique, en quoi le CHAN diffère-t-il des autres compétitions continentales ?
Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de différences. C’est une compétition continentale avec la même pression, les mêmes attentes. La seule particularité, c’est que vous jouez avec des joueurs exclusivement locaux. Mais en ce qui concerne la pression et ce qu’on veut mettre en place en tant que coach, c’est exactement pareil.
Pour la première fois, le CHAN se jouera dans trois pays. Comment comptez-vous gérer les déplacements et les défis logistiques ?
Ce sera une belle occasion de découvrir la Tanzanie et l’Ouganda, si nous atteignons les phases suivantes. Mais ce n’est pas un véritable défi. Le football, partout dans le monde, implique des déplacements, la rencontre de cultures et de langues différentes. C’est aussi une manière d’apprendre pour les joueurs. S’ils veulent faire carrière, cela fera partie de leur quotidien. Il faut s’adapter très vite. Pour nous, la chance est de disputer tous nos matchs de groupe à domicile. L’objectif est de terminer premiers pour pouvoir aussi jouer les phases à élimination directe chez nous.
Quel rôle attendez-vous du public kényan à Nairobi ?
Un rôle immense. Dans chaque tournoi, le public est crucial, surtout pour l’équipe hôte. Tout au long de ma carrière, comme joueur ou entraîneur, j’ai vu à quel point un public peut faire la différence. Nous voulons remplir le stade à chaque match, parce que ce soutien, ce « douzième homme », est essentiel. Nous sommes dans un groupe très difficile, et dans ce type de contexte, chaque petit avantage compte. Les fans vont jouer un rôle énorme. Nous avons déjà vu leur passion face au Gabon, et nous voulons ressentir cette même ferveur à Kasarani, le 3 août, pour notre premier match face à la RDC.
Quels clubs locaux ont fourni le plus de joueurs, et qu’est-ce que cela révèle du championnat kényan ?
Nous avons essayé de maintenir un équilibre entre les clubs. Évidemment, les conditions n’étaient pas idéales en fin de saison, notamment avec la fermeture de plusieurs stades liée aux préparatifs du CHAN, ce qui a limité le nombre de matchs que nous avons pu observer. Mais les rencontres que j’ai suivies, ainsi que les stages que nous avons organisés, m’ont permis de dessiner les contours de cette sélection. Le championnat kényan progresse. Nous n’avons pas encore vu le meilleur, mais il y a un vrai potentiel, de la qualité et de la compétition.
Qu’est-ce qui constituerait, selon vous, une campagne CHAN réussie pour le Kenya ?
Être champions, c’est ça, la réussite. Le reste, c’est du progrès – ce qui est déjà bien en peu de temps. Il faut mesurer combien les joueurs ont progressé, ce qu’ils ont accompli. Jusqu’ici, ils se sont hissés à un bon niveau, et nous attendons des choses plus grandes encore. Mais la réussite ultime, c’est de soulever le trophée.
Au-delà du CHAN, comment comptez-vous capitaliser sur cette expérience pour construire vers la CAN 2027 ?
Mon objectif, c’est d’avoir une équipe si bien préparée, si performante, qu’il deviendra difficile d’y intégrer les joueurs expatriés. Cela profiterait à tout le monde : à la sélection, aux joueurs locaux, et au pays. Si ce groupe devient aussi solide, la concurrence sera saine et bénéfique. Le CHAN est le meilleur test possible pour eux.