Afrique: Africa Investment Forum – L'inefficacité dans l'allocation des capitaux empêche les entrepreneures de libérer leur plein potentiel – Nialé Kaba

La ministre ivoirienne de l’Économie, du Plan et du Développement, Nialé Kaba, a estimé que les entrepreneures africaines étaient des « mines d’or » inexploitées soulignant que les bons instruments financiers et la volonté politique permettraient aux entreprises détenues par des femmes de se transformer en réussites collectives pour l’ensemble du continent.

S’exprimant lors d’un atelier de haut niveau organisé par l’Initiative Affirmative Finance Action for Women in Africa (AFAWA, sigle en anglais pour Initiative pour le financement en faveur des femmes en Afrique) de la Banque africaine de développement lors des Market Days de l’Africa Investment Forum 2025 à Rabat, au Maroc, la ministre Kaba a lancé un appel à l’action pour surmonter les obstacles persistants auxquels sont confrontées les entreprises détenues par des femmes en Afrique. La discussion a porté sur l’exploitation de la finance mixte pour combler le déficit de financement entre les genres et ouvrir la voie à une croissance économique plus inclusive en Afrique.

« Les chiffres cités ne sont pas de simples statistiques. Ils révèlent des talents gâchés, des initiatives réduites à néant et un potentiel économique inexploité. Nous ne pouvons tolérer cette inefficacité dans l’allocation des capitaux si nous visons l’émergence de notre continent », a déclaré Mme Kaba.

Bien que les femmes africaines affichent le taux d’entrepreneuriat le plus élevé au monde, soit 24 %, elles sont confrontées à un déficit de financement de près de 50 milliards de dollars. Mme Kaba, qui est également gouverneure du Groupe de la Banque africaine de développement pour son pays, a noté que les entrepreneures affichent un taux moyen de prêts non performants de seulement 2,4 %, ce qui est constamment inférieur à la moyenne du marché.

« C’est précisément face à cette défaillance du marché, dans un contexte où la rentabilité est avérée, mais où les capitaux sont bridés, que l’État et les institutions comme la Banque africaine de développement doivent intervenir pour activer des instruments correctifs », a insisté Mme Kaba.

La vice-présidente principale du Groupe de la Banque africaine de développement, Marie-Laure Akin-Olugbade, a appelé à un changement stratégique des incitations financières, grâce à la création de mécanismes allant au-delà des garanties traditionnelles pour récompenser activement les institutions financières qui accordent des prêts aux entrepreneures.

« Lorsque nous parlons de financement mixte, nous mentionnons souvent les garanties. À juste titre, car elles constituent un bouclier financier. Elles rassurent les banques et réduisent les risques. Mais ce matin, je ne veux pas parler de protection ou de défense. Nous voulons passer à l’offensive », a déclaré Mme Akin-Olugbade.

« Nous nous attaquons vraiment à la racine du problème : le coût du crédit », a-t-elle souligné.

Les résultats d’AFAWA démontrent un effet de levier exceptionnel. En Tunisie, en collaboration avec la Banque tunisienne de solidarité (BTS), AFAWA a touché près de 6 000 entrepreneures. En Afrique du Sud, en partenariat avec la banque ABSA, l’impact a été impressionnant : pour chaque million de dollars de financement fourni par les donateurs, AFAWA a généré 75 millions de dollars de financement pour les entrepreneures.

« C’est un financement moderne du développement avec un ratio de 1 pour 50, 1 pour 75 », a ajouté Mme Akin-Olugbade.

La technologie numérique offre un puissant levier pour briser ces barrières, a-t-elle observé. « Une entrepreneure à Nairobi ou ici à Rabat n’a pas forcément besoin d’une agence bancaire traditionnelle. Elle a simplement besoin d’une plateforme », a-t-elle poursuivi.

Jemima Njuki, directrice du département Genre, Femmes et Société civile à la Banque africaine de développement, a déclaré que « pendant des décennies, le discours sur le financement des femmes en Afrique a été axé sur le déficit. Nous parlions de vulnérabilité… mais ce matin, j’invite chacun d’entre nous à changer ce discours. »

Selon Mme Njuki, il y a actuellement 194 millions d’entrepreneures en Afrique, un chiffre qui devrait bondir à 239 millions d’ici 2035, soit le taux d’entrepreneuriat féminin le plus élevé au monde.

« Il ne s’agit pas d’un groupe vulnérable. C’est l’actif d’investissement le plus dynamique et le plus mal desservi de notre continent », a-t-elle déclaré.

L’AFAWA est passée du stade de la promesse à ce qu’elle a appelé la « preuve de concept », avec 2,8 milliards de dollars approuvés et 1,33 milliard de dollars déjà décaissés grâce à des partenariats avec 195 institutions financières à travers 45 pays, impactant près de 25 000 femmes entrepreneures par le biais d’un financement et d’un soutien au renforcement des capacités.

« L’architecture est prête, la stratégie est solide, les femmes sont prêtes, et la seule question qui demeure est la suivante : êtes-vous prêts à investir dans les championnes de l’avenir économique de l’Afrique ? » a déclaré Mme Njuki.

Yacine Fal, conseillère spéciale du président du Groupe de la Banque africaine de développement auprès de l’Africa Investment Forum, a animé une table ronde réunissant des entrepreneures qui ont su tirer parti de la finance mixte pour développer leurs activités et transformer les communautés.

Yemisi Iranloye, fondatrice et PDG de Psaltry International, a ainsi décrit comment elle a révolutionné la transformation du manioc dans les zones rurales du Nigeria. « À l’époque, il était très difficile pour les femmes d’obtenir des financements, se rappelle Mme Iranloye. Si un homme devait accomplir seulement cinq choses pour lever un million de dollars, une femme devait en accomplir une quinzaine ».

Mme Iranloye a connu le succès grâce à un financement mixte d’Alitheia Capital, une société de conseil financier et de capital-investissement à impact basée à Lagos et soutenue par l’AFAWA. Alitheia Capital, ancien bénéficiaire des Market Days de l’Africa Investment Forum, a donné une combinaison de capitaux propres et de dette pour soutenir l’entreprise d’Iranloye. Aujourd’hui, Psaltry exploite la première usine d’éthanol à base de manioc d’Afrique et soutient plus de 10 000 agricultrices.

Un deuxième panel a examiné les stratégies permettant de mobiliser les fonds de pension nationaux et les banques commerciales qui détiennent des milliers de milliards de dollars actuellement investis principalement dans l’immobilier plutôt que dans les petites et moyennes entreprises.

« La finance mixte est un outil stratégique que nous devons utiliser massivement pour élargir l’accès au capital pour nos soeurs entrepreneures afin de libérer leur plein potentiel », a conclu Mme Kaba.

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