Afrique: Adaptation à un climat en évolution

Des pratiques domestiques aux priorités politiques, le changement climatique impacte la vie à travers l’Afrique.
Key findings
- En moyenne à travers 38 pays, plus de la moitié (56%) des citoyens déclarent avoir entendu parler du changement climatique. Le niveau de conscience varie de 27% au Nigéria à 91% aux Seychelles.
- Plus de quatre Africains sur 10 (43%) sont « informés sur le changement climatique », ce qui signifie qu’ils ont entendu parler du changement climatique et reconnaissent qu’il est au moins en partie causé par l’activité humaine.
- La connaissance du changement climatique s’est légèrement accrue entre 2016/2018 et 2024/2025. Elle est plus élevée chez les hommes et les citadins et s’accroît avec le niveau de richesse, d’éducation et de consommation d’informations.
- Huit répondants sur 10 informés sur le changement climatique (80%) affirment que le changement climatique rend la vie « quelque peu » ou « beaucoup » plus difficile dans leur pays.
- Quelques trois répondants sur 10 déclarent qu’en raison des changements météorologiques, eux-mêmes ou leur famille ont dû modifier leur consommation d’eau (34%), leurs habitudes de travail à l’extérieur (31%) et/ou leurs pratiques agricoles ou alimentaires (28%). Deux répondants sur 10 ont dû modifier leurs pratiques d’élevage (20%) et/ou déménager (19%).
- Dans l’ensemble, 60% des répondants déclarent avoir entrepris au moins l’une de ces cinq mesures d’adaptation, dont 38% qui en ont entrepris deux ou plus.
- Les répondants ruraux, plus pauvres et moins instruits sont plus susceptibles d’entreprendre au moins l’une des cinq mesures d’adaptation aux changements météorologiques, tout comme les personnes travaillant dans le secteur agricole.
- Les Africains informés sur le changement climatique attribuent la responsabilité première de la lutte contre ce menace à leur propre gouvernement (37%), aux pays riches ou développés (26%), aux citoyens ordinaires (20%) et aux entreprises/industries (11%). La conviction que les pays développés devraient mener la lutte contre le changement climatique semble gagner du terrain.
- Tout en encourageant fortement leurs propres gouvernements à prendre des mesures proactives (73%), une grande majorité des répondants informés sur le changement climatique exigent des pays développés qu’ils prennent des mesures immédiates pour lutter contre le changement climatique (83%) et qu’ils aident les pays pauvres (85%).
- Les Africains soutiennent fortement l’action climatique des gouvernements par le biais d’investissements dans les infrastructures (81%) et de pressions sur les pays riches pour qu’ils apportent une aide climatique (78%), avec un soutien modéré à l’interdiction de couper des arbres pour en faire du combustible (51%) et à l’obligation d’utiliser des fourneaux écologiques (47%).
Suivez-nous sur WhatsApp | LinkedIn pour les derniers titres
Les scientifiques continuent de lancer de pressantes alertes concernant l’accélération du changement climatique, chaque année apportant de nouvelles preuves de ses effets dévastateurs à l’échelle mondiale (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, 2023a ; NASA, 2024). Ces dernières années, le continent africain a connu des phénomènes météorologiques extrêmes sans précédent qui soulignent l’urgence de la crise climatique, du cyclone tropical Freddy et de la grave sécheresse en Afrique australe aux vagues de chaleur record et aux inondations catastrophiques au Sahel (Barnes et al., 2024 ; Pinto et al., 2024).
Pourtant, le contexte politique mondial en matière d’action climatique est devenu plus difficile. Les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, dont les Etats-Unis, ont fait marche arrière sur leurs engagements climatiques, menaçant ainsi de
compromettre les accords internationaux sur le climat et les politiques climatiques nationales (Dolphin, 2025). Dans le même temps, les dirigeants africains exigent davantage de soutien financier pour mettre en oeuvre des projets d’énergie verte, mais sont divisés sur le rythme auquel leurs pays devraient passer aux énergies vertes (Chime, 2025 ; FSD Africa 2025). D’un côté, l’Ethiopie, le Kenya, l’Egypte et l’Afrique du Sud ont réalisé des progrès
significatifs vers l’adoption de sources d’énergie renouvelables. De l’autre, les pays disposant d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel (par exemple le Nigéria et le Sénégal) sont plus réticents à s’engager dans la transition vers les énergies vertes et la réduction des émissions de gaz à effet de serre (Kimeu, 2023; Climate Investment Funds, 2025).
Dans ce contexte évolutif, il apparaît plus crucial que jamais de comprendre l’opinion publique sur le changement climatique. La coopération internationale demeurant difficile, le soutien national à l’action climatique dépend de plus en plus de la maîtrise qu’ont les citoyens des enjeux, de leur expérience, de leur adaptation au changement climatique et des politiques qu’ils soutiennent. Cela est particulièrement urgent pour les pays africains, qui subissent des impacts climatiques disproportionnés malgré leur contribution minime aux émissions mondiales (Notre Dame Global Adaptation Initiative, 2023).
Si la lutte contre le changement climatique est essentielle à l’échelle mondiale, l’adaptation est le premier défi à relever en Afrique. Prenons l’exemple du secteur agricole du continent : 80% environ des agriculteurs d’Afrique subsaharienne sont des petits exploitants qui cultivent des denrées alimentaires de base à faible rendement sur de petites parcelles, avec un
recours minimal aux intrants et aux technologies (Oyewole, 2022). Ces exploitations contribuent relativement peu aux émissions de CO2 par tête d’habitant. Mais elles sont fortement dépendantes de l’eau de pluie et des aléas climatiques ; des précipitations moins prévisibles affectent gravement les rendements et, par conséquent, les moyens de subsistance de ces agriculteurs (Oyewole, 2022 ; Lemarpe et al., 2022).
De plus, l’urbanisation rapide du continent entraîne la multiplication des quartiers informels dans les plaines inondables et sur les versants escarpés et instables, exposant ainsi leurs habitants aux inondations, aux ondes de tempête et aux glissements de terrain. De même, les zones urbaines dépourvues d’espaces verts sont nettement plus chaudes que les zones rurales environnantes, ce qui augmente le risque de maladies liées à la chaleur.
L’adaptation aux incidences négatives du changement climatique nécessite à la fois l’action gouvernementale et tout le soutien des citoyens. En évaluant les niveaux de connaissance du public sur le changement climatique, l’expérience vécue du changement climatique et les préférences politiques, les gouvernements, les organisations de la société civile et les militants de la cause climatique peuvent concevoir des interventions efficaces, cibler leurs stratégies de communication et renforcer la volonté politique nécessaire à la mise en place de politiques climatiques ambitieuses à travers le continent.
La compréhension de la position des citoyens sur ces questions est essentielle pour transformer la connaissance du changement climatique en actions significatives et transformatrices, en particulier en matière d’adaptation au changement climatique.
Les résultats du dernier round d’enquêtes sur les opinions publiques réalisé par Afrobarometer dans 38 pays africains montrent que les niveaux de conscience et de connaissance du changement climatique varient considérablement, les nations insulaires affichant les niveaux de compréhension les plus élevés. Fait essentiel, la connaissance du changement climatique s’est améliorée dans de nombreux pays depuis 2016/2018, en particulier en Afrique de l’Ouest. Ces taux ont tendance à être davantage élevés chez les hommes, les citadins et les citoyens plus aisés, plus éduqués et ayant un meilleur accès à l’information.
Nous constatons également que les retombées du changement climatique se font largement sentir à travers le continent, la sécheresse et les mauvaises récoltes en étant les effets les plus fréquemment signalés. La plupart des citoyens qui sont informés sur le changement climatique affirment que celui-ci détériore les conditions de vie dans leur pays.
En conséquence, une grande partie de la population s’est adaptée en changeant de source d’approvisionnement en eau ou en réduisant sa consommation d’eau, en réduisant ou en ajustant les heures de travail à l’extérieur et/ou en modifiant ses pratiques agricoles et alimentaires, les communautés rurales, les plus pauvres et agricoles étant particulièrement susceptibles de s’engager dans des stratégies d’adaptation.
Il importe de noter que les Africains manifestent un soutien massif en faveur de la lutte contre le changement climatique. Si les citoyens informés sur le changement climatique estiment dans leur grande majorité que les pays riches et développés devraient prendre des mesures immédiates et aider les nations plus pauvres, ils souhaiteraient également que leurs propres gouvernements prennent des mesures proactives, telles que des investissements dans les infrastructures et l’adoption de politiques visant à atténuer le changement climatique, quel qu’en soit le coût.
La responsabilité première de la lutte contre le changement climatique est le plus souvent attribuée aux gouvernements nationaux, même si l’on observe depuis quelques années une tendance notable à tenir les nations riches pour responsables.


