Afrique: Accueil d'expulsés africains des USA par le Ghana

Une quinzaine de ressortissants ouest-africains en situation irrégulière aux Etats-Unis, ont été expulsés, la semaine dernière, des USA vers le Ghana où ils devaient être renvoyés dans leurs pays d’origine respectifs.
En l’occurrence le Nigeria et la Gambie. Les autorités ghanéennes expliquent leur geste d’accueil de ces frères africains indésirables au pays de l’Oncle Sam, par des raisons purement humanitaires. Et ne manquent pas de préciser qu’elles n’ont reçu en contrepartie aucune compensation financière des Etats-Unis pour ces expulsions, tout en se défendant d’un quelconque soutien aux politiques migratoires controversées de l’iconoclaste président américain, Donald Trump.
Tout porte à croire qu’il y a des non-dits dans cette affaire d’expulsion de ressortissants étrangers vers le Ghana
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Quoi qu’il en soit, le sujet fait débat au Ghana où l’opposition parlementaire s’est saisie de la question pour voir si cette décision est conforme à la Constitution du pays de Kwame Nkrumah. De leur côté, certains des intéressés ont saisi la justice américaine pour contester la légalité de l’acte posé par les autorités de Washington. Pour en revenir aux autorités d’Accra, sur le plan humain, on peut saluer leur sens de l’hospitalité qui traduit une certaine empathie pour des compatriotes africains en difficulté. Mais au-delà des raisons humanitaires, c’est un geste qui est loin d’être anodin.
Car, en acceptant d’accueillir des ressortissants de pays tiers indésirables aux Etats-Unis, Accra s’expose à la critique, parce que, quoi qu’on dise, elle fait d’une façon ou d’une autre, le jeu de Washington. Autrement, qu’est-ce qui a coincé avec les pays d’origine de ces ressortissants ouest-africains, pour que les autorités américaines soient obligées de les envoyer ailleurs ?
Ces pays ont-ils même été saisis de la question ou bien Donald Trump, comme cela tend à être dans ses habitudes maintenant, a-t-il décidé d’en faire une fois de plus à sa guise ? Autant de questions qui restent posées et dont les réponses pourraient être autant d’éclairages dans cet accord entre Washington et Accra, qui est loin de livrer tous ses dessous.
Et puis, quand on sait que dans ce monde, il n’y a rien pour rien, tout porte à croire qu’il y a des non-dits dans cette affaire d’expulsion de ressortissants étrangers vers le pays de Kwame Nkrumah. On est d’autant plus fondé à le croire que ce n’est pas la première fois qu’un pays occidental entreprend de telles actions en direction de l’Afrique à travers des accords qui laissent parfois à désirer sur le plan éthique.
On se rappelle encore l’accord entre Londres et Kigali pour l’accueil de demandeurs d’asile par le Rwanda, contre le versement de substantielles sommes d’argent par le Royaume-Uni. Et dans le cas des Etats-Unis, le Ghana vient, après le Rwanda, l’Eswatini et le Soudan du Sud, allonger la liste des pays africains qui ont accepté d’accueillir sur leur sol, des personnes en situation irrégulière expulsées du pays de l’Oncle Sam.
Ce n’est donc pas une action inédite, tout comme ce n’est pas la première fois que le président John Dramani Mahama saisit la perche diplomatique de Washington qui réussissait déjà, en 2016, à passer avec lui un accord pour accueillir deux pensionnaires de la tristement célèbre prison de Guantanamo.
L’Afrique doit cesser de donner l’impression d’être le dépotoir de l’Occident
C’est pourquoi, les autorités d’Accra ont beau mettre en avant le côté altruiste de leur décision, on peut douter qu’elles aient agi par simple philanthropisme. Au contraire, tout porte à croire qu’en agissant de la sorte, John Dramani Mahama et son gouvernement veulent entrer dans les bonnes grâces de l’Administration Trump.
Et Dieu seul sait les bénéfices qu’ils entendent en tirer dans un contexte où le locataire de la Maison Blanche fait feu de tout bois à travers des décisions aussi controversées qu’elles paraissent drastiques. Comme, par exemple, la surtaxation des droits de douanes sur les produits étrangers ou encore les récentes mesures de durcissement de l’obtention du visa américain pour les ressortissants de nombreux pays africains. C’est dire si les voies de la diplomatie sont parfois insondables quand elles ne cachent pas des réalités parfois inavouables.
En tout état de cause, au-delà de la solidarité régionale dont les autorités ghanéennes se veulent ici les chantres, la question des expulsions de migrants étrangers reste un sujet hautement sensible qui engage la dignité humaine. En tous les cas, l’Afrique doit cesser de donner l’impression d’être le dépotoir de l’Occident. Et la situation inverse est d’autant plus impossible que dans le contexte mondial actuel, il est inimaginable qu’un pays africain puisse expulser des ressortissants occidentaux vers un pays tiers. C’est aussi au prix de sa dignité que l’Afrique gagnera le respect des autres nations.