Adolphe Muzito (RDC): «Nous pourrons financer les infrastructures, équiper l'armée et améliorer les salaires»

En République démocratique du Congo, une augmentation des salaires des agents de l’État est à l’étude dans le budget 2026. C’est ce qu’annonce aujourd’hui sur RFI le vice-Premier ministre congolais en charge du Budget Adolphe Muzito. L’opposant modéré, qui est arrivé quatrième à la présidentielle de 2023 avec son parti Nouvel Elan, est entré au gouvernement il y a un mois. En ligne de Kinshasa, l’ancien inspecteur des finances Adolphe Muzito répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Après presque sept ans dans l’opposition, vous avez accepté il y a un mois d’entrer dans un gouvernement sous la présidence Tshisekedi. Pourquoi ce changement de cap ?
Adolphe Muzito : Face à l’agression de notre pays et au vu de l’élan pris par le pays, je ne pouvais pas ne pas répondre à l’appel solennel du président Félix Tshisekedi afin de lui prêter main forte et mettre mon expérience à sa disposition pour faire avancer la République.
Alors, à la suite de ce que vous appelez l’agression dans l’Est de votre pays, d’autres figures de l’opposition ont accepté le principe d’entrer au gouvernement. C’est le cas de Martin Fayulu. Mais celui-ci précise qu’il faut d’abord que le pouvoir organise un dialogue politique national, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Alors, est-ce qu’en entrant dans ce gouvernement, sans dialogue préalable, vous ne mettez pas la charrue avant les bœufs ?
Bon, de mon point de vue, le dialogue ne peut se faire qu’autour de Monsieur Tshisekedi. Ce n’est pas le dialogue qui va donner la légitimité. Monsieur Tshisekedi est déjà légitime, c’est lui qui incarne la légalité nationale. S’il recourt à l’opposition, c’est parce qu’il veut associer tous les Congolais pour que nous parlions d’une même voix et qu’il puisse matérialiser la cohésion nationale de manière à faire face à l’ennemi, tout simplement. Donc, moi, je n’avais pas besoin d’attendre, tout en sachant que Monsieur Tshisekedi représente la légalité nationale. Nous sommes agressés. C’est lui qui est à la tête du pays. Il veut l’apport de tout le monde pour que tous les Congolais parlent d’une même voix, pour que psychologiquement, on puisse affaiblir nos agresseurs, notamment le Rwanda et ses sous-fifres. Donc, je n’avais pas besoin d’une légitimité autre que celle dont il est porteur, parce que c’est lui, finalement, qui a été élu par le peuple.
Adolphe Muzito, de 2008 à 2012, pendant près de quatre ans, donc, vous avez été le Premier ministre du chef de l’État de l’époque, Joseph Kabila. Or, aujourd’hui, celui-ci est en exil et il est poursuivi par la justice militaire congolaise pour complicité avec les rebelles du M23. Le 25 août, le ministère public a même requis contre lui la peine de mort pour crimes de guerre et trahison. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Oh, ce que j’en pense, c’est que d’abord, un, il faut respecter la justice. C’est elle qui va se prononcer. Quant au président Kabila, le moment venu, il devra éventuellement faire appel. Je crois que nous sommes un pays démocratique. La justice va toujours examiner son appel. Je trouve Monsieur Tshisekedi d’autant plus généreux que je ne le vois pas en train d’appliquer une telle peine de mort. Mais à ce stade, il faut respecter la justice et attendre son verdict.
Mais vous qui connaissez bien Joseph Kabila, puisque vous avez travaillé à ses côtés pendant près de quatre ans, qu’est-ce que vous pensez de son attitude politique actuelle ?
Moi, je n’ai pas beaucoup apprécié qu’il soit passé par le Rwanda parce qu’il avait fait la guerre en son temps, il avait repoussé les rebelles. Je ne vois pas comment il peut se hasarder à organiser une rébellion contre le pays ou à soutenir les sous-fifres que sont ces rebelles. Je n’ai pas compris cette attitude. Ce n’est pas une attitude responsable de sa part.
Adolphe Muzito, vous êtes le vice-Premier ministre en charge du Budget et vous préparez donc le budget 2026. L’an dernier, le Congo avait prévu un budget de plus de 17 milliards de dollars pour 2025. Mais en juin dernier, le Congo a dû réviser ce budget à la baisse à cause de la guerre et d’un manque à gagner de quelque 700 millions de dollars. Quel budget prévoyez-vous pour l’année prochaine ?
Pour 2026, je prévois un budget qui sera autour de 12 milliards en ressources propres. Ça va correspondre, par rapport au budget dont a hérité Monsieur Tshisekedi, ça sera un doublement. Et nous pourrons, je pense, Monsieur Tshisekedi et sa Première ministre pourront, à ce moment-là, dégager les ressources nécessaires pour financer les infrastructures et équiper l’armée et peut-être améliorer les salaires du personnel, des agents de l’État, en dégageant d’autres économies grâce au contrôle que nous pourrions faire, sous le contrôle de la Première ministre, pour extirper des effectifs de l’administration publique tous les agents fictifs introduits par les différents responsables. Donc, il y aura une tendance à l’amélioration des salaires des agents dans une certaine proportion. Donc, nous sommes dans le bon avec ce budget qui pourrait être autour de 12 milliards en ressources propres, avec des ressources extérieures autour des cinq, 6 milliards de dollars.
Alors, vous parlez d’un budget en ressources propres de 12 milliards de dollars qui représenterait un doublement par rapport à quel budget, de quelle année ?
Par rapport au budget de la fin du quinquennat précédent de Monsieur Tshisekedi, qui était de 8,5 milliards, ça va être un doublement.
Oui, parce que, à ces 12 milliards, vous pourriez ajouter 4 milliards de ressources extérieures. C’est ça ?
Oui, plus ou moins 5 milliards de dollars grâce au financement de la communauté internationale.
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