À la Une: une présidentielle sans véritable opposition au Bénin

Les mises à l’écart des opposants, menaces potentielles pour les hommes ou les partis au pouvoir, sont devenues monnaie courante sur le continent… Qu’elles soient le fait du prince ou qu’elles engagent le vernis de la légalité, ces mises à l’écart interrogent sur la bonne santé de la démocratie en Afrique.
Dernier exemple en date, le Bénin : « Renaud Agbodjo, comme un feu de paille ! », s’exclame le site béninois Afrique sur 7. « À peine apparu, l’opposant s’efface sans traces de la scène politique. Ce retrait illustre la désillusion que révèle la confrontation avec la rigidité d’un système politique bien ficelé ».
En effet, tout est allé très vite : il y a 15 jours, Renaud Agbodjo, avocat de 43 ans, est désigné par son parti comme candidat à l’élection présidentielle d’avril prochain ; mercredi dernier, la Commission électorale invalide sa candidature, faute d’un nombre de parrainages suffisant ; son parti, Les Démocrates, saisit alors la Cour constitutionnelle ; lundi, celle-ci se déclare incompétente et valide la liste provisoire des candidats ; et hier mercredi, l’opposant annonce qu’il jette l’éponge, qu’il arrête la course à la présidence.
Divisions
« Bis repetita pour Les Démocrates, constate Jeune Afrique. Comme en 2021, la principale formation d’opposition au Bénin ne sera pas sur la ligne de départ pour la présidentielle d’avril 2026. Cette décision douche définitivement les espoirs présidentiels des Démocrates, parti dirigé depuis 2023 par l’ancien chef de l’État, Thomas Boni Yayi. Elle a également rencontré fin au feuilleton politico-judiciaire entamé le 14 octobre, avec la désignation de Renaud Agbodjo ».
Un feuilleton qui met en lumière les divisions au sein des Démocrates. En effet, précise Jeune Afrique, « le fait que le choix se soit porté sur Renaud Agbodjo, l’avocat personnel de l’ex-président, à l’issue d’une primaire, au détriment d’Éric Houndété qui faisait figure de favori, avait très vite été contesté par Michel Sodjinou, député de la ville de Porto-Novo. Ce dernier avait alors refusé de parrainer le candidat officiel ».
Et comme pour être qualifié, il fallait 28 parrainages d’élus et que Les Démocrates en comptent exactement 28, cette défection leur a été fatale…
Un « plan de déstabilisation et de débauchage » ?
L’ancien président Thomas Boni Yayi, à la tête des Démocrates, a donc bien tenté de convaincre le président Talon de faire participer son parti aux élections générales de l’année prochaine, incluant les législatives, les communales et la présidentielle. Peine perdue… C’est ce que souligne La Nouvelle Tribune à Cotonou. « Boni Yayi a déclaré percevoir (chez son interlocuteur) une tendance à la concentration du pouvoir, pointe le journal. Il a évoqué l’existence d’un « plan de déstabilisation et de débauchage » visant certains responsables du parti Les Démocrates, par le biais de pressions et, à l’en croire, de promesses d’avantages matériels ».
Conséquence, pointe Le Monde Afrique, en l’absence du principal parti d’opposition, « une voie royale s’ouvre donc pour la majorité au pouvoir, représentée par le ministre des Finances, Romuald Wadagni. Patrice Talon, président depuis 2016, arrivant au terme de son deuxième mandat, le maximum autorisé par la Constitution ».
Un jeu de verrouillage électoral
« Pour un pays, le Bénin qui, depuis la Conférence nationale de 1990, s’enorgueillit d’un pluralisme politique exemplaire, la situation s’interroge profondément, soupire Afrik.com. Comment parler de démocratie lorsque le jeu électoral semble verrouillé au point d’exclure des forces politiques d’envergure ? (…) Le Bénin d’aujourd’hui donne le sentiment d’un pluralisme sous tutelle, déplore encore le site panafricain. Les voix dissidentes, souvent muselées, peinent à trouver un espace d’expression libre. Les manifestations sont encadrées, les dirigeants politiques critiques font face aux poursuites judiciaires, et les médias indépendants doivent composer avec un environnement de plus en plus hostile. Tout cela contribue à instaurer un climat de peur et de résignation, incompatible avec la vitalité démocratique qui avait jadis fait la fierté du pays ».
Certes, pointe encore Afrik.com, « les défenseurs du pouvoir en place invoquent souvent l’argument de la légalité : « les règles sont les mêmes pour tous ». Mais la démocratie ne se réduit pas à une stricte conformité juridique, affirme le site. Elle repose avant tout sur l’esprit du jeu démocratique, sur la compétition équitable, sur la possibilité pour chaque sensibilité politique de se faire entendre et de se mesurer aux urnes ».



