Tchad: dans le sud du pays, des notables catholiques dénoncent un projet de code pastoral «scélérat»

Controverse au Tchad sur le projet de code pastoral : alors que le gouvernement organise depuis le 1er septembre des ateliers dits de « relecture » de ce texte de 2014 jamais promulgué, les évêques catholiques de cinq grandes villes du sud du pays ont jeté un pavé dans la marre en refusant d’y participer et en critiquant le document de manière véhémente.
Publié le : Modifié le :
3 min Temps de lecture
Dans une lettre publiée le 31 août 2025, les évêques de Doba, Goré, Koumra, Moundou et Sarh s’attaquent avec vigueur à un projet « scélérat » qu’il faut « mettre à la poubelle », et à des ateliers qualifiés de « mascarades ». C’est ainsi qu’ils expliquent décliner l’invitation à la réunion organisée lundi 1er et mardi 2 septembre à Sarh avec les représentants de quatre provinces du sud du pays : le Logone occidental, le Logone oriental, le Mandoul et le Moyen-Chari. Selon eux, il s’agit de « justifier et avaliser » un projet qui trahit « 80% de la population », écrivent-ils.
Les évêques proposent l’élaboration de deux codes distincts : l’un pastoral et l’autre agricole, discutés directement avec les communautés. Les prélats catholiques reprennent les critiques contre un code jugé très favorable à l’élevage, aux dépens des communautés agricoles.
À lire aussiTchad: les violences agropastorales ont atteint un niveau sans précédent depuis 2021
Le sujet est particulièrement sensible dans ces régions du sud où les conflits pour l’accès aux ressources sont récurrents, d’autant plus que les bouviers transhumants viennent d’autres régions, parlent d’autres langues et sont souvent lourdement armés par les propriétaires de troupeaux.
Selon les agriculteurs, les transhumants n’hésitent donc pas à s’approprier les resosurces en eau et les pâturages pour leur troupeau, ce qui occassione des violences. En mai dernier, un accrochage ayant dégénéré dans le village de Mandakao a abouti à la mort de plusieurs dizaines de personnes. Selon International Crisis Group, entre 2021 et 2024, ces conflits agropastoraux ont fait plus d’un millier de morts et 2 000 blessés dans le sud et le centre du pays.
« Paysanicide »
La missive signée par l’évêque de Moundou, ancien président de la conférence épiscopale, Monseigneur Joachim Kouraleyo Tarounga, s’en prend directement au gouvernement qui, selon les signataires, montre « sa volonté de diviser les Tchadiens » avec un texte « partial, partisan, et paysanicide ».
Face à l’utilisation d’un tel vocabulaire, les autorités ont réagi dans la soirée du 1er septembre : dans un communiqué, le ministre de la Communication, Gassim Cherif, appelle à la pondération et à la responsabilité. Il relève également avec « préoccupation » l’emploi du terme « paysanicide » qui « prête à tort des intentions malveillantes » au gouvernement. Défendant une démarche « inclusive et participative, ni partisane, ni partiale » de recherche de « solutions idoines avec les populations », il invite enfin les évêques à « reconsidérer » leur position.
« Un instrument de régulation et de prévention des conflits »
À l’ouverture de l’atelier lundi 1er septembre à Sarh, le ministre de l’Élevage et de la Production animale, Abderahim Awat Atteib, a dit vouloir un code pastoral « juste, consensuel, équilibré et porteur de paix », qui ne doit pas être vu « comme une arme juridique contre une communauté, mais comme un instrument de régulation et de prévention des conflits ».
Ces ateliers ont pour objectif d’évoquer la gestion des espaces pastoraux, les droits d’accès aux ressources, les obligations des éleveurs, ainsi que les mécanismes de règlement des conflits entre communautés.
Redigé en 2014, ce texte avait été adopté par l’assemblée en 2015, mais le président Idriss Deby, père de l’actuel chef de l’État, ne l’avait pas promulgué, en raison déjà d’une forte opposition dans le sud du pays.
À lire aussiTchad: l’avenir des activités agropastorales en débat