Présidentielle en Côte d’Ivoire: Alassane Ouattara peut-il briguer un quatrième mandat?

En Côte d’Ivoire, le président sortant, Alassane Ouattara, 83 ans, a déposé mardi 26 août sa candidature en vue de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025. Au pouvoir depuis 2011, il brigue ainsi un quatrième mandat. Si cette décision rassure ses partisans, elle suscite des interrogations de l’opposition, qui soulève des questions de légalité.
De notre correspondante à Abidjan,
« Après mûre réflexion et en toute conscience, je vous annonce que j’ai décidé d’être candidat à l’élection présidentielle du 25 octobre 2025 », affirme Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011. Cette annonce, diffusée le 29 juillet 2025, met fin à un long suspense entretenu par le chef de l’État ivoirien. « Je suis candidat parce que la Constitution de notre pays m’autorise à faire un autre mandat et ma santé le permet », poursuit-il.
Cette démarche découle en effet d’une jurisprudence. « Le Conseil constitutionnel a tranché en sa faveur en 2020 », relève le juriste Geoffroy-Julien Kouao. À l’époque, l’opposition était vent debout contre un troisième mandat. Mais en retenant son dossier en 2020, « le Conseil constitutionnel a considéré que la Constitution adoptée en 2016 remettait les compteurs à zéro, explique cet analyste. L’élection de 2020 correspondait au premier mandat de la IIIe République… Donc, aujourd’hui, dans cette logique, Alassane Ouattara brigue un deuxième mandat de la IIIe République », poursuit ce chercheur.
Pour l’opposition, cet acte de candidature est illégal. « Je suis contre le quatrième mandat », a martelé l’ancien président, Laurent Gbagbo, 80 ans, samedi 16 août, face à plusieurs milliers de ses sympathisants réunis sur la Place Figayo et portant des t-shirts bleus marqués du slogan « Trop, c’est trop ». « La Constitution interdit à un citoyen de faire plus de deux mandats, poursuit-il. Et toi, tu es là, tu veux en faire quatre. Le troisième mandat qu’il finit, là, est illégal. »
Cette posture renvoie au « débat sur la continuité de la Constitution », observe Ousmane Zina, enseignant-chercheur à l’université Alassane Ouattara, de Bouaké. « Il y a ceux qui défendent la continuité de la Constitution de 2000 avec celle de 2016, et qui disent qu’il n’y aurait pas de rupture entre les deux textes ; que la limitation de mandat dans la Constitution de 2000 est valable dans la Constitution de 2016. Pour cette raison, Ouattara ne devrait pas se présenter en 2020 et encore moins en 2025 », explique ce chercheur.
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Face à cette interprétation, poursuit-il, « il y a ceux qui considèrent qu’il y a une rupture entre les deux Constitutions, qu’il y a une nouvelle République, qui permet donc au candidat Ouattara d’être présent en 2020. Et d’être candidat en 2025 ».
« Pour moi, conclut Ousmane Zina, le débat ne va pas plus loin que ça : Alassane Ouattara brigue un dernier mandat, au regard de la Constitution de 2016. »
Pour l’heure, la question n’a pas encore été tranchée : le Conseil constitutionnel a jusqu’au 10 septembre pour publier la liste définitive des candidats.
Transition générationnelle ?
Pour plusieurs opposants se pose, en revanche, la question de la morale. En 2019, Alassane Ouattara évoquait son souhait de transmettre le relais à une nouvelle génération. Mais suite au décès de son dauphin, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, survenu le 8 juillet 2020, soit quelques semaines seulement avant la fin du dépôt des candidatures pour la présidentielle 2020, Alassane Ouattara a dû briguer un nouveau mandat.
« Les années passées à la tête de notre pays m’ont fait comprendre que le devoir peut, parfois, transcender la parole donnée de bonne foi », affirme aujourd’hui Alassane Ouattara, invoquant notamment, l’importance de maîtriser un contexte sécuritaire instable dans la sous-région.
![[Image d'archives] Le président ivoirien Alassane Ouattara prononçant un discours le 14 décembre 2020 lors de sa cérémonie d'investiture.](https://afrique.news/wp-content/uploads/2025/09/000-8X48HL.jpg)
« J’accepte l’argument d’exception, émis en 2020, admet un opposant, engagé à l’époque dans le mouvement de désobéissance civile. Mais Ouattara avait cinq ans pour préparer une nouvelle génération. Les arguments présentés en 2020 ne sont plus valables aujourd’hui », poursuit cette source. « Le gouvernement a beaucoup investi dans le domaine sécuritaire. Notre armée est solide aujourd’hui, il faut passer la main », abonde le député du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA), Simon Doho.
Plusieurs cadres du parti au pouvoir ont été nommés à des postes clés au sein du gouvernement. « C’est ça la transmission générationnelle : le chef est là, de là-haut, il nous observe. Et nous, on est à côté, pour le soutenir. Il nous guide », estime Kobénan Kouassi Adjoumani, ministre d’État et ministre de l’Agriculture. « Quand il aura fini de nous guider, ajoute-t-il, que nous-mêmes nous serons prêts, […] nous lui demanderons, s’il le veut, de s’éclipser. Mais pour l’heure, insiste-t-il, c’est le ciment de notre union. C’est lui qui garantit la Côte d’Ivoire. Nous n’avons pas besoin d’aller nous chamailler pour le remplacer ».
« En réalité, observe Geoffroy-Julien Kouao, la candidature d’Alassane Ouattara montre qu’il y a un problème de casting au sein du RHDP [Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, le parti au pouvoir, NDLR] pour représenter le parti à l’élection : il n’y a pas d’autre personnalité capable de porter le parti à la victoire », affirme ce politologue.
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