Le «calvaire» de ces Centrafricains de province contraints de se rendre à Bangui pour retirer leur salaire

En Centrafrique, la période du 20 au 30 de chaque mois rime avec salaires. Administrations, départements ou encore entreprises des secteurs public et privé effectuent le virement des revenus mensuels de leurs employés dans les établissements bancaires. Mais cette date est aussi synonyme de tracasseries pour les fonctionnaires qui résident dans les villes de l’intérieur du pays. Après les multiples crises militaro-politiques, la plupart des agences bancaires ont en effet été vandalisées. Aujourd’hui, presque toutes les opérations sont centralisées à Bangui, obligeant des milliers de travailleurs à s’y rendre régulièrement pour percevoir leur salaire. Mais cette situation n’est pas sans conséquences. Reportage.
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Avec notre envoyé spécial de retour de Kaga Bandoro, Rolf Steve Domia-leu
« Percevoir notre salaire, ici, à Kaga-Bandoro, c’est un véritable parcours du combattant. Toutes les banques sont concentrées à Bangui et nous sommes ici à plus de 300 kilomètres. C’est un calvaire pour nous. » Yvon Romaric Seboulo est le Directeur général de la maison des jeunes de Kaga-Bandoro, dans le centre-ouest de la République centrafricaine. Il fait des va-et-vient dans son bureau tout en essayant d’avoir son frère au bout du fil. « Je suis obligé de laisser mes chèques à Bangui, souligne-t-il. C’est mon cadet qui va percevoir mon salaire là-bas, à la banque. Ensuite, il le dépose sur mon compte Orange Money, autrement dit, pour le transférer ici à Kaga-Bandoro. Mais pour faire le retrait, dans les petits kiosques qui sont là, c’est encore un problème. Avoir la liquidité à Kaga-Bandoro, c’est difficile ».
Contrairement à Romaric Seboulo, plusieurs milliers de travailleurs préfèrent se rendre chaque fin du mois à Bangui pour toucher leur salaire, au risque d’être attaqués par les hommes armés qui les dépouillent.
Bonaventure Ndikini, inspecteur préfectoral de l’environnement, explique : « Pour aller à Bangui, on paie le transport à 10 000 francs CFA [15 euros environ, NDLR]. Pour revenir sur Kaga-Bandoro, on paie aussi 10 000 FCFA. Avec toutes les tracasseries routières, ce n’est pas facile. Parfois, on demande une autorisation de dix jours à Monsieur le préfet de la Nana-Gribizi pour nous permettre d’aller à Bangui et percevoir le salaire avant de revenir. »
Le gouvernement doit nouer des partenariats avec certaines banques
Ces absences répétées freinent le bon déroulement des administrations. Conscient de la situation, le gouvernement noue des partenariats avec certaines banques. Hervé Kogboma, Directeur général d’une banque à Bangui, déclare : « Par le passé, le pays avait connu un certain nombre de difficultés. Les activités bancaires ont besoin de sécurité. C’est ce qui a expliqué le retranchement des banques au niveau de la capitale. Aujourd’hui, nous avons BGFI mobile, qui est une application, que nous avons mise en place pour permettre à notre clientèle de pouvoir utiliser leur argent partout. Nous sommes en train de travailler pour pouvoir déployer nos guichets un peu partout, de manière à ce que les clients de BGFI Bank soient satisfaits. »
Sur les 20 préfectures que compte la République Centrafricaine, au moins huit grandes villes sont aujourd’hui couvertes par les banques.