Rwanda: Non-lieu pour la veuve Habyarimana en France

A Kigali beaucoup dans le cercle du pouvoir font grise mine depuis mercredi dernier. En cause, une conjonction de mauvaises nouvelles.
C’est d’abord l’ONG américaine Human Rights Watch qui a publié le 19 mai un rapport détaillé sur le massacre de plus de 140 personnes dans l’est de la RDC par les rebelles du Mouvement M 23, en précisant que ces derniers sont soutenus par le Rwanda. Ensuite, ce sont 2 juges d’instructions parisiens qui déclarent un non-lieu retentissant dans le « dossier Aghate Habyarimana », accusée par le parquet national anti-terroriste français, « de complicité ou d’entente en vue de commettre un génocide ». Les juges français fondent leur arrêt sur « une insuffisance de charges ».
Après plus de 22 ans d’instruction et pendant qu’un appel pour élargissement des enquêtes reste pendant devant les tribunaux français, ce non-lieu pour la veuve du président Habyarimana, assassiné dans l’attentat contre son avion en avril 1994, est plus qu’un camouflet pour le président Paul Kagame. Cet ex-maquisard qui fait feu de tout bois du génocide des Tutsis, il y a plus de 40 ans, pour garder le Rwanda sous coupe réglée d’un pouvoir personnel, passe pour un chouchou de bien de pays et ONG du Nord.
Dans une attitude altière, il fait fi de toute opposition ou critique des exclusions à rebours de certains Rwandais, au nom des nécessaires réparations du massacre de plus de 800 mille Tutsis entre avril et juillet 1994. C’est toujours au nom de la poursuite des présumés génocidaires, les miliciens d’Interahamwe, et pour la sécurité d’Etat du Rwanda, que Paul Kagame parraine au vu et au su de tout le monde, les rebelles congolais, notamment le M23. Et tant pis si ces derniers se muent en terroristes, contrebandiers de minerais ! La raison d’Etat chez Kagame ignore les appels à la réconciliation nationale et pour des relations de bon voisinage.
Dans cette croisade contre les présumés génocidaires où qu’ils se cachent, la veuve d’Habyarimana était une cible de premier choix. C’est donc sur la plainte ou les bénédictions de l’Etat rwandais que l’association des parties civiles dans ce dossier a multiplié les procédures et les appels contre Agathe Habyarimana pour la faire condamner pour « complicité ou entente en vue de commettre un génocide ». Pour sûr, le parquet français, spécialisé dans la lutte contre le terrorisme n’aura pas chômé sur ce dossier. Les juges d’instructions dans leurs investigations devraient mettre en exergue le rôle de la veuve Habyarimana au sein de « l’Akuza », le premier cercle du pouvoir du président assassiné, accusé par le régime rwandais d’avoir ordonné les massacres génocidaires de 1994.
La veuve Habyarimana avait beau nier d’avoir ordonné un quelconque génocide, le parquet national anti-terroriste français, s’est montré teigneux dans la poursuite. Et puis patatras, le 20 août, tout semble s’être effondré pour l’association des parties civiles, pour Kigali, et Paul Kagame dans ce dossier judiciaire. Non seulement les juges qui ont prononcé le non- lieu ont assené qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre elle, mieux, ils soulignent qu’elle est plutôt victime qu’auteure de génocide. De fait, dans l’attentat du 6 avril 1994 elle a vu périr son époux de président, un de ses frères et plusieurs autres proches.
Si le vent du soutien occidental à Paul Kagame ne change pas de direction, ce non-lieu des juges d’instructions parisiens, après les accusations de massacres à l’Est de la RDC par des filleuls encombrants, sont pour lui un camouflet de l’arroseur arrosé.