Haschich au cœur du détroit : les routes secrètes du trafic entre le Maroc et l’Europe

Saisie de drogue par la Garde Civile espagnole @Garde civile
Saisie de drogue par la Garde Civile espagnole @Garde civile

Aux portes de l’Europe, le détroit de Gibraltar est devenu un théâtre d’envergure du trafic de haschich entre le Maroc et le Vieux Continent. De fausses oranges aux avions clandestins, les trafiquants rivalisent d’ingéniosité pour échapper aux contrôles. En réponse, les autorités européennes renforcent leur surveillance et multiplient les opérations coup de poing. Ce commerce illicite lucratif, profondément enraciné dans la région, mobilise réseaux transnationaux, logistique sophistiquée et une guerre constante entre police et contrebandiers.

Le détroit de Gibraltar, étroit passage entre le nord du Maroc et le sud de l’Espagne, est devenu l’un des principaux axes du trafic de haschich en Europe. Au fil des années, les réseaux criminels ont développé une logistique sophistiquée et des méthodes de plus en plus ingénieuses pour acheminer la drogue depuis les côtes marocaines jusqu’au cœur du continent européen. En Espagne, pays frontalier du Maroc, les saisies de cannabis se multiplient, ce qui témoigne de l’ampleur du phénomène et des efforts constants des forces de l’ordre pour démanteler ces circuits illicites.

La dernière opération en date s’est déroulée dans la province de Malaga. Elle a permis l’interpellation de deux ressortissants marocains et la saisie de près de 1,6 tonne de cannabis. Le mode opératoire a surpris les enquêteurs par son originalité : la drogue était dissimulée à l’intérieur de fausses oranges. Ces fruits contrefaits, soigneusement rangés sur des palettes, ne laissaient rien paraître jusqu’à ce que les policiers détectent leur texture anormale.

Une vigilance accrue sur les routes espagnoles

Tout a commencé sur l’autoroute A-7, entre Vélez-Málaga et Malaga, où une voiture roulant de manière suspecte a attiré l’attention des agents de l’Unité de lutte contre les drogues et le crime organisé (UDYCO). En collaboration avec la brigade des stupéfiants de la police provinciale, ils décident de suivre le véhicule jusqu’à ce qu’il soit rejoint par un camion blanc, à l’apparence anodine.

Si la voiture a pu s’enfuir, le poids lourd a été intercepté à une sortie d’autoroute. Le contrôle a révélé l’ingéniosité des trafiquants et permis l’arrestation du conducteur et de son compagnon. Les deux hommes, tous deux de nationalité marocaine, ont été présentés devant le tribunal de Malaga puis placés en détention provisoire. L’enquête est toujours en cours, notamment pour identifier les occupants de la voiture disparue et d’éventuels complices sur les deux rives de la Méditerranée.

Du jus de fruit… au haschich dissimulé

Dans un autre point névralgique du trafic, le port d’Algésiras, les douaniers et la Guardia Civil sont également sur le qui-vive. Lors d’un contrôle de routine en provenance de Tanger-Med, un chauffeur a été arrêté après que des paquets de résine de cannabis ont été découverts dans des cartons de jus de fruit cachés dans la cabine de son camion. Un comportement nerveux a alerté les agents, qui ont rapidement décidé d’approfondir leur fouille.

Le butin : plus de 7,7 kilos de haschich soigneusement conditionnés. Le conducteur a été arrêté sur-le-champ et mis à la disposition de la justice pour répondre d’un crime contre la santé publique et de trafic de stupéfiants. Une affaire mineure en quantité, mais révélatrice de la fréquence et de la créativité des tentatives de contrebande.

Des avions clandestins pour acheminer la drogue

La sophistication du trafic ne se limite pas aux routes ou aux ports. Au Portugal, une enquête de longue haleine a permis le démantèlement d’un réseau qui utilisait… des avions pour transporter la drogue depuis le Maroc. Trois Portugais, âgés entre 63 et 70 ans, ont été arrêtés après la découverte de 500 kilos de haschich à bord d’un aéronef ayant atterri sur une route en construction dans le district de Setúbal.

Les forces de l’ordre portugaises, en coordination avec la Guardia Civil espagnole et la Gendarmerie royale du Maroc, ont mené des perquisitions dans plusieurs villes, saisissant également une avionnette, du matériel de communication, une arme à feu et un véhicule. Cette filière s’étendait aussi bien au Portugal qu’en Espagne, ce qui démontre l’ampleur transnationale de ces réseaux mafieux.

Le détroit de Gibraltar, une plaque tournante du trafic

Fin octobre 2024, la Guardia Civil a mené une vaste opération dans la région du Campo de Gibraltar, l’un des foyers historiques du trafic de drogue. Au total, 16 personnes ont été arrêtées, mettant à mal un réseau considéré comme l’un des plus actifs dans le détroit. Ce groupe utilisait les roues de camions pour dissimuler la drogue. L’un de leurs ateliers, situé dans la zone industrielle de La Menacha à Algésiras, servait de centre logistique.

Des perquisitions ont été menées dans plusieurs villes andalouses, comme San Roque, Los Barrios ou encore Roquetas de Mar, mais aussi à Murcie. L’opération a mobilisé pas moins de 150 agents de la Garde civile, soulignant la dangerosité et la structuration du réseau visé. Le trafic de haschich marocain représente une véritable manne financière pour les organisations criminelles. Selon les chiffres relayés par le média Canal Sur, 80% du haschich consommé en Europe provient du Maroc, transitant principalement par les côtes andalouses.

Des profits colossaux pour les réseaux

Une fois en Espagne, la drogue peut voir son prix multiplié par deux ou trois : un kilo de haschich, acheté autour de 700 euros au Maroc, peut se revendre jusqu’à 2 000 euros en Espagne, et bien plus encore dans le reste de l’Europe. Ainsi, les profits explosent au fur et à mesure que le produit remonte vers le nord. À titre d’exemple, 3 500 kilos de haschich peuvent générer une valeur marchande de près de 6,6 millions d’euros. En Norvège, un simple gramme de cette drogue se vend autour de 23 euros, contre une moyenne de 6,36 euros en Espagne.

Ce décalage crée un immense effet d’aubaine pour les trafiquants. Les autorités européennes sont conscientes de l’ampleur du défi. L’Espagne, en particulier, est en première ligne : en 2018, elle a saisi pas moins de 437 tonnes de haschich, un record en Europe. Cette intensification des saisies s’inscrit dans une stratégie large de coopération entre les pays de l’UE, le Maroc et les pays d’Afrique du Nord.

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