Au Mali, les entrepreneurs de la diaspora face à l’incertitude [3/5]

Très structurée, la diaspora malienne continue d’investir au pays malgré un climat politique et économique dégradé. Depuis les coups d’État de 2020 et 2021, de nombreux projets stagnent ou perdent en rentabilité. Rencontre avec deux entrepreneurs maliens de France qui tentent de garder le cap, entre lucidité et espoir.
Djibril Maiga, entrepreneur malien basé en France, a longtemps cru dans le potentiel de l’immobilier haut de gamme à Bamako. Il y a investi dans plusieurs appartements de luxe qu’il considère aujourd’hui comme un capital mort : « Malheureusement, avec le départ des ONG et des expatriés de la Minusma, entre autres, on est obligés de fermer les appartements, de libérer le personnel » explique-t-il. « Financièrement, je regrette d’avoir investi au Mali. J’aurais plutôt visé d’autres capitales de la sous-région où il y a un certain dynamisme économique. »
Dans un tout autre secteur, Raky Keita tient encore bon. À Bamako, elle gère un magasin de puériculture et un SPA capillaire. Ses activités tournent au ralenti, mais elles tiennent. « Les affaires ne vont pas au même rythme qu’avant, mais ça continue de fonctionner », assure-t-elle.
Secrétaire générale du Club des entrepreneurs maliens de France, elle observe toutefois une dégradation nette de l’environnement économique : « Clairement, c’est très difficile. Beaucoup de connaissances et d’entrepreneurs qui avaient des salaires confortables se retrouvent au chômage. Certains ont quitté le pays, notamment ceux qui ont la double nationalité – France, États-Unis, Canada – ne serait-ce que pour assurer les frais de scolarité de leurs enfants. »
Malgré tout, elle refuse de sombrer dans le pessimisme : « Il est bon pour tout entrepreneur, pour tout patriote, de garder espoir. De se dire que c’est une phase. Et d’ici là, on doit continuer à se positionner comme entrepreneurs. »
De l’informel au formel : un pari sur la stabilité
Au-delà de la crise politique et de l’insécurité, l’absence de cap économique clair complique la tâche des investisseurs : « On navigue à vue, sans aucune visibilité », résume Raky Keita. Pourtant, elle distingue une évolution positive dans le paysage entrepreneurial malien : la progression de la formalisation des entreprises. « De plus en plus d’entrepreneurs maliens quittent l’informel pour passer au formel. Une fois qu’on a créé sa société à Bamako, on est légitime, on peut exercer dans d’autres pays de la sous-région. » Et d’ajouter : « Cette légitimité est grandissante, et pour moi, c’est un vrai salut. »
Un point crucial dans un pays où l’économie informelle représente encore 30 à 40 % du PIB, et où près de trois quarts des actifs évoluent hors du secteur formel, selon l’Organisation internationale du travail.
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