L’Affaire Sion Assidon : accident domestique ou agression ?


Le 11 août 2025, Sion Assidon, figure emblématique du militantisme pro-palestinien au Maroc, a été découvert inconscient à son domicile de Mohammedia. Cette découverte dramatique a plongé la communauté militante dans l’émoi et soulevé de nombreuses questions sur les circonstances de cet incident.
Selon le communiqué officiel du procureur général du Roi près la Cour d’appel de Casablanca publié le 19 août, les événements se sont déroulés ainsi : le 11 août, deux militants proches de Sion Assidon se sont présentés aux services de police, inquiets de son absence de réponse au téléphone.
Trouvant sa voiture stationnée devant son domicile, ils ont alerté les autorités.
La police judiciaire s’est rendue sur place et, après avoir fait forcé la porte ils ont découvert le septuagénaire inanimé sur un canapé du rez-de-chaussée, mais respirant encore. Il a immédiatement été transporté vers un établissement hospitalier.
Les éléments de l’enquête
L’investigation menée par les autorités a révélé plusieurs éléments factuels importants. Les caméras de surveillance installées à environ 300 mètres du domicile montrent qu’au matin du 9 août, à 10h36, Sion Assidon est arrivé seul à bord de son véhicule, qu’il a garé devant sa maison avant d’y pénétrer, vêtu des mêmes habits que lors de sa découverte. Le véhicule est resté à sa place jusqu’à l’arrivée des plaignants et de la police le 11 août.
Les recherches effectuées dans la maison n’ont révélé aucun signe d’effraction. La police scientifique a procédé à plusieurs prélèvements, qui n’ont mis en évidence que les empreintes de l’intéressé, sans trace extérieure.
Des témoignages viennent compléter ces éléments. Un ouvrier a affirmé avoir vu Assidon le samedi après-midi en train d’élaguer des arbres depuis une échelle. En repartant vers 17h00, il l’a laissé encore occupé à cette tâche. Le lendemain, l’échelle était restée sur place. Le propriétaire voisin a également confirmé avoir sollicité son aide pour tailler la végétation de son jardin ce jour-là.
Portrait d’un militant
Né en mai 1948 à Agadir dans une famille juive marocaine, Sion Assidon s’est toujours défini publiquement comme un « citoyen marocain, amazigho-arabe » plutôt que par ses origines religieuses. Mathématicien de formation, il a rejoint très jeune les rangs du militantisme de gauche, devenant membre du Parti communiste marocain et du mouvement Li-nakhduma-al-shaab.
Son engagement pour la démocratie au Maroc lui a valu douze années d’emprisonnement entre 1972 et 1984, pendant les « années de plomb » du règne de Hassan II. Libéré au début des années 1980, Assidon a mené une double vie d’entrepreneur et de militant. En 1986, il fonde sa société d’informatique puis reprend l’entreprise familiale de fabrication mécanique. Parallèlement, il devient une figure incontournable du militantisme pro-palestinien au Maroc.
Sion Assidon s’est particulièrement illustré dans la lutte contre la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Coordinateur de BDS Maroc (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), il a organisé de nombreuses manifestations et campagnes de sensibilisation. En 2005, il fonde « Transparency Maroc » dont il devient le directeur, s’engageant également dans la lutte contre la corruption.
Sa notoriété a largement dépassé les frontières du royaume, faisant de lui l’un des visages emblématiques de la solidarité internationale avec le peuple palestinien. Connu pour son intégrité et sa constance, il incarnait une parole libre, refusant toute compromission.
Selon les dernières informations communiquées par son entourage, Sion Assidon reste hospitalisé en soins intensifs à l’hôpital universitaire international Cheikh Khalifa de Casablanca. Son état est décrit comme « stable mais grave » par les équipes médicales. Il souffre d’un traumatisme crânien, d’une hémorragie cérébrale et d’une infection pulmonaire qui nécessitent une surveillance constante.
Les réactions politiques
L’hospitalisation de Sion Assidon a suscité de nombreuses réactions dans les milieux politiques et militants. Le Parti Socialiste Unifié (PSU) a demandé au parquet « une enquête approfondie et complète » pour faire la lumière sur les circonstances de cet « incident mystérieux ». Le parti a également exhorté le ministère de la Santé à « fournir les soins médicaux nécessaires à cette figure nationale et symbole de la cause palestinienne au Maroc ».

Le Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation a organisé des veillées silencieuses devant l’hôpital, témoignant de l’attachement de la communauté militante à cette figure emblématique.
Si la thèse de l’accident domestique survenu lors de travaux d’élagage semble être privilégiée par l’enquête officielle, certains militants n’écartent pas l’hypothèse d’une possible agression, au vu de la nature des blessures et du profil politique de la victime.