Maroc: La reprise des productions mondiales de blé ouvre de nouvelles options au Royaume – Vers une plus grande marge de manoeuvre

A l’heure où le Maroc cherche à renforcer sa sécurité alimentaire et à réduire sa dépendance à un nombre limité de fournisseurs, les perspectives mondiales de production céréalière offrent un contexte favorable. Selon Alena Shatkova, responsable du département analytique du centre fédéral Agroexport en Russie, la saison 2025-2026 pourrait marquer un tournant pour les importations marocaines de blé. L’experte estime que les approvisionnements devraient être à la fois plus diversifiés et plus accessibles, grâce à une reprise de la production dans plusieurs grands pays exportateurs. Alena Shatkova: Les perspectives mondiales de production céréalière offrent un contexte favorable qui pourrait marquer un tournant pour les importations marocaines
Cette embellie s’explique d’abord par la remontée attendue des rendements dans l’Union européenne, où plusieurs campagnes successives avaient été affectées par des aléas climatiques. Le retour à une production plus abondante permettrait à l’UE d’augmenter ses exportations, estimées à 32,5 millions de tonnes contre 26,5 millions la saison précédente.
Le Maroc, client historique du blé européen, pourrait ainsi retrouver un flux plus régulier de céréales en provenance de France, d’Allemagne ou de pays d’Europe de l’Est, même si la concurrence demeure forte sur ces débouchés traditionnels.
La situation ukrainienne constitue un autre facteur à suivre de près. Ecarté de son accès préférentiel au marché européen, le blé ukrainien cherche désormais de nouveaux horizons. Cette redirection forcée des flux pourrait bénéficier aux pays d’Afrique du Nord, dont le Maroc, qui se retrouveraient en position d’accéder à des volumes plus importants, potentiellement à des conditions commerciales attractives. Dans un marché international marqué par l’intensification des rivalités entre exportateurs, le Royaume pourrait tirer profit de cette redistribution des cartes.
L’offre mondiale ne se limite pas à l’Europe et à l’Ukraine. Dans l’hémisphère Nord, les perspectives restent solides en Russie, au Canada et aux Etats-Unis, où les exportations devraient atteindre 23,1 millions de tonnes. Dans l’hémisphère Sud, l’Australie et l’Argentine annoncent également de bonnes récoltes, avec respectivement 28 et 13 millions de tonnes destinées à l’export. Cet afflux simultané de disponibilités, venant de zones géographiques diverses, a un double effet : il accroît la concurrence entre fournisseurs et exerce une pression baissière sur les prix. Pour un pays importateur net comme le Maroc, cette situation se traduit par une possibilité d’accéder à un marché plus fluide et à des conditions d’achat potentiellement plus avantageuses.
La Russie, pour sa part, conserve un rôle central. Ces dernières années, son blé a représenté jusqu’à un quart des échanges mondiaux. Si ses exportations se sont établies à 43,5 millions de tonnes lors de la dernière saison, en deçà du record de 54,1 millions, Moscou a renforcé sa présence sur le continent africain.
L’Egypte reste son principal client, mais l’Algérie a accru ses volumes et le Maroc a émergé comme un marché en expansion pour le blé russe. Cette diversification des fournisseurs, amorcée par Rabat, répond à un impératif stratégique : sécuriser les approvisionnements face aux aléas climatiques, aux tensions géopolitiques et aux fluctuations du commerce mondial.
La région nord-africaine, dans son ensemble, maintient une forte demande d’importations. Les besoins structurels en Égypte, en Algérie et au Maroc demeurent élevés, en raison d’une consommation intérieure soutenue et d’une production locale insuffisante pour couvrir la demande.
Pour le Royaume, qui dépend historiquement de l’Europe mais a progressivement ouvert la porte à d’autres origines, l’arrivée de nouveaux flux ukrainiens, la consolidation du partenariat avec la Russie et la disponibilité accrue de blés australiens ou argentins offrent une marge de manoeuvre inédite.
La question des prix restera néanmoins décisive. Si l’abondance mondiale tend à contenir les cours, les fluctuations liées à la logistique, aux coûts de transport maritime et aux tensions géopolitiques pourraient limiter les gains espérés. Le Maroc devra aussi arbitrer entre la qualité des blés disponibles, les coûts de fret et la fiabilité des partenaires, dans un marché où les positions peuvent rapidement évoluer.
Au-delà des considérations conjoncturelles, la perspective d’une offre mondiale élargie est une opportunité pour le Royaume de consolider sa politique de sécurité alimentaire. En diversifiant ses fournisseurs, il réduit son exposition aux chocs externes et gagne en flexibilité dans ses négociations. La saison 2025-2026, qui s’annonce abondante pour la planète céréalière, pourrait donc devenir pour le Maroc une année charnière, à condition de transformer cette conjoncture favorable en stratégie durable d’approvisionnement.