Mali: Assimi Goïta est-il encore maitre du jeu ?

Alors que tout semblait conforter l’idée que le régime du général de corps d’armée Assimi Goïta avait maintenant les coudées franches, non sans raison, à cause de la prolongation de délai de transition de 2 à 5 ans, à l’instar des autres alliés de l’Alliance des États du Sahel (AES), car devenu président de la République, il dispose désormais d’un mandat de 5 ans, renouvelable sans élection, et sans qu’aucune limite du nombre de mandats n’ait été fixée.
Ainsi le texte adopté en Conseil des ministres le 12 juin 2025 dispose en outre que les membres du gouvernement de transition et du Conseil National de la Transition (CNT) pourront se porter candidats aux scrutins qui marqueront la fin de la transition.
Malgré tout cela, la machine s’est subitement grippée avec la dissolution des partis politiques décidée par le gouvernement, mettant ainsi un terme au débat politique.
Ainsi donc, d’ici 2027, qui donc devrait être le terme du mandat de transition, 2030 pour certains, le régime malien disposerait de toute la latitude pour se consacrer aux tâches urgentes de sécurisation du territoire national, durement mis à mal par les attaques répétées, et sur plusieurs fronts, par les djihadistes.
Mais, au moment où l’on s’apprêtait, le 22 septembre prochain, à célébrer le 65ème anniversaire de l’indépendance du pays, voilà que le régime militaire au pouvoir montre des signes de nervosité avec l’arrestation d’une trentaine d’officiers, dont deux généraux, dont une femme, selon des sources officieuses.
Le motif invoqué, que peu d’éléments peuvent aujourd’hui corroborer, est la « tentative de déstabilisation des institutions », ce qui aux yeux de certains observateurs traduit les divergences profondes dans la conduite des affaires et bien entendu au plan sécuritaire.
Il faut dire que cette série d’arrestations dans les rangs de l’armée a été précédée de celle de l’ancien premier ministre Moussa MARA, suivie de la garde à vue de Choguel Maiga, ancien premier ministre de la transition, figure de proue du mouvement M5 RFP, qui a porté la junte au pouvoir.
Ainsi, aussi bien chez les civils que les militaires, le régime du Général Goïta semble faire preuve d’une très grande nervosité, alors que le péril est aux frontières. Le Mali est assurément à la croisée des chemins, dans un contexte où la vigilance maximale devait porter sur les nombreux défis sécuritaires exacerbés par les départs successifs des forces de la MINUSMA, de Barkane et de Wagner. À cela s’ajoute le fait que la force conjointe des trois pays de l’AES, annoncée triomphalement avec des moyens mutualisés, pour contrecarrer les avancées des djihadistes, n’est pas opérationnelle à ce jour, en attestent les bilans lourds constatés.
Ouvrir un « front interne » politique, dans ce contexte, au moment où le pays a besoin de son unité, au risque de distraire les forces nécessaires à la défense du territoire est un pari risqué. Si les attentes de la classe politique sont bien connues, celles de la société civile, tout aussi nombreuses et urgentes, méritent une attention égale et légitime. Il y a les urgences sociales qui se sont corsées avec les populations déplacées et l’insécurité qui s’approche des grands centres urbains.
Il faut le dire, les résultats, au plan sécuritaire, de la mise en place de l’AES tardent à se faire jour, et particulièrement au Mali.
Aujourd’hui, il est plus que jamais nécessaire de rassurer en interne, et cela commence par l’armée, dont la motivation est essentielle. Créer un climat de suspicion dans ses rangs ouvrirait la voie à tout. Le Mali doit tirer l’expérience de la fin du mandat du Président Amadou Toumani Touré, qui, suite à un coup d’État inutile, 3 mois avant son terme, a fait basculer le pays dans une insécurité qui ne l’a jamais quitté depuis.
Le contexte n’est pas le même, dira-t-on, mais il y a des similarités troublantes, car tout avait commencé au début avec la marche des épouses de militaires, qui considéraient que leurs maris qui étaient au front étaient démunis de matériel et d’armes pour combattre. La solution militaire tarde à se dessiner, la solution politique est hypothétique, la rationalité « basic » impose de resserrer les rangs pour faire face à une rébellion de plus en plus organisée et sophistiquée.
L’option de la « chasse aux sorcières » est lourde de conséquences à court terme, et le président Assimi Goïta doit « reprendre la main », sinon le fil du dialogue franc et patriotique. L’enjeu dépasse le territoire malien, qui pourrait constituer une poche de vulnérabilité pour tous les voisins.