Nigeria : Tinubu vise 7% de croissance d’ici à 2027, un pari réaliste ?


Le Président nigérian, Bola Ahmed Tinubu, a fixé un nouvel objectif économique ambitieux : porter la croissance annuelle du pays à 7% d’ici 2027, avec la perspective de quadrupler la taille de l’économie d’ici 2030 et de sortir des millions de Nigérians de la pauvreté. Mais au vu des tendances récentes et des projections des bailleurs internationaux, la marche à franchir s’annonce vertigineuse.
Au Nigeria, Bola Ahmed Tinubu affiche une grande ambition concernant la croissance économique de son pays. Le dirigeant projette un taux de croissance de 7% en 2027, année qui marque la fin de son mandat.
De 6% à 7%, une cible rehaussée
Lorsqu’il arrive au pouvoir en 2023, Tinubu se donne comme cap une croissance de 6% par an. Pour y parvenir, il engage une série de réformes radicales : suppression des subventions à l’essence et à l’électricité, dévaluations successives du naira, libéralisation partielle du marché des changes. L’objectif affiché : relancer une production nationale atone depuis dix ans et restaurer la confiance des investisseurs.
Ces décisions, saluées dans certaines chancelleries, ont toutefois déclenché la plus grave crise du coût de la vie depuis une génération, alimentée par l’inflation importée et la hausse des prix des transports et de l’électricité. Au premier trimestre 2025, le Nigeria affiche une croissance de 3,13%, après une révision à la baisse de son produit intérieur brut (PIB) à 243,55 milliards de dollars. Une performance encore éloignée des ambitions présidentielles.
Des prévisions internationales beaucoup plus prudentes
La Banque mondiale table sur une croissance nigériane de 3,6% en 2025 et 3,8% en 2027. Le Fonds monétaire international (FMI) se montre tout aussi réservé, estimant la progression autour de 3,2 à 3,4% sur la période 2025–2026. Pour atteindre l’objectif de 7%, le pays devrait combler un écart de près de 3 points de croissance par rapport aux scénarii actuels.
La comparaison régionale est également parlante : l’Afrique subsaharienne est attendue autour de 3,5% en 2025 et 4,3% en 2026–2027. Si le Nigeria atteignait effectivement 7%, il surperformerait de plus de trois points la moyenne régionale, une situation inédite depuis plus d’une décennie.
Un contexte budgétaire contraignant
Bola Tinubu reconnaît que la faiblesse de l’épargne publique — environ 5% du PIB — constitue un frein majeur au financement des infrastructures et des politiques de soutien à la croissance. Il a ordonné la révision des règles de rétention des recettes et des déductions du compte fédéral, ciblant notamment les frais prélevés par les services fiscaux, les douanes et la compagnie pétrolière nationale NNPC Ltd.
Mais, pour beaucoup d’analystes, l’essentiel reste à faire : hausser significativement l’effort d’investissement public tout en améliorant l’efficacité de la dépense, afin de créer un effet d’entraînement sur le secteur privé.
Les conditions pour espérer
Selon les institutions financières internationales, atteindre ou même approcher 7 % nécessiterait :
- de stabiliser le naira et maîtriser l’inflation grâce à une politique monétaire crédible et des filets sociaux ciblés pour atténuer les effets des réformes ;
- d’augmenter les investissements publics au-delà de 5% du PIB, avec une mobilisation accrue des recettes fiscales ;
- d’améliorer l’accès et la fiabilité de l’électricité, réduire les coûts logistiques et sécuriser les infrastructures ;
- de diversifier l’économie au-delà du pétrole, en misant sur l’agriculture à valeur ajoutée, l’industrie légère et les services numériques.
Un objectif politique et symbolique
Pour Bola Tinubu, cet objectif sert autant de boussole économique que de signal politique. En fixant un cap élevé, il cherche à mobiliser l’appareil d’État, rassurer les investisseurs et montrer aux Nigérians que la relance est possible. Mais l’histoire économique récente du pays — avec une croissance moyenne autour de 2,7% entre 2011 et 2025 et des pics supérieurs à 6% seulement avant 2014 — incite à la prudence.
À deux ans de l’échéance, l’équation est claire : sans un bond décisif dans l’investissement, la productivité et la diversification économique, le rêve des 7% pourrait rester un horizon lointain. Pour l’instant, la trajectoire la plus réaliste se situerait autour de 4 à 5% si les réformes se consolident et si l’inflation et le marché des changes se stabilisent.