Magal de Touba 2025 : entre ferveur religieuse et galère sur les routes


À l’occasion du Magal de Touba 2025, la ferveur religieuse mobilise des millions de fidèles prêts à tout pour rallier la ville sainte. Mais derrière l’élan spirituel se cache une réalité plus éprouvante : trajets chaotiques, flambée des prix, circulation anarchique… Le pèlerinage prend des allures de parcours du combattant. Entre dévotion profonde et obstacles logistiques, le Magal révèle chaque année les limites du système de transport sénégalais et le besoin urgent d’une meilleure organisation.
Chaque année, le Magal de Touba attire des millions de fidèles mourides venus célébrer l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du mouridisme. Si la ferveur religieuse reste intacte, le voyage vers la ville sainte de Touba devient de plus en plus éprouvant pour de nombreux pèlerins, en raison de la flambée des prix du transport, de la rareté des véhicules au départ de Dakar, et du comportement dangereux des motocyclistes sur les routes.
Un ticket vers la foi… à prix d’or
À la gare routière des Baux Maraîchers de Dakar, la tension est palpable. Sous un soleil de plomb, des dizaines de voyageurs attendent désespérément de trouver un véhicule pour Touba. Les prix ont doublé, voire triplé, par rapport à une semaine ordinaire.
« L’année dernière, j’ai payé 4 000 francs CFA pour aller à Touba. Aujourd’hui, on me demande 10 000 francs pour la même distance », s’indigne Fatou Diop, une commerçante de Grand-Yoff, visiblement épuisée après plusieurs heures d’attente. « On profite de notre foi pour nous arnaquer. C’est injuste ». Les transporteurs, de leur côté, invoquent la hausse du prix du carburant et les longues files d’attente pour justifier cette augmentation.
Dakar, ville presque vide de voitures
« Le gasoil coûte cher, et les contrôles routiers sont nombreux. C’est normal qu’on ajuste nos tarifs », explique Modou Faye, un chauffeur de « 7 places ». « Mais je comprends aussi que pour les pèlerins, c’est dur ». En cette veille de Magal, Dakar semble tourner au ralenti. Les taxis sont rares, les bus Tata bondés, et de nombreux Dakarois renoncent à leurs déplacements habituels. « J’ai mis plus d’une heure pour trouver un taxi. C’est comme si tout le monde avait quitté la ville », confie Abdoulaye Diallo, un étudiant à l’Université Cheikh Anta Diop. « Même les transports en commun circulent moins ».
Cette situation est accentuée par le fait que de nombreux véhicules de transport public sont réquisitionnés pour faire la navette entre Dakar et Touba, laissant les autres quartiers de la capitale quasiment déserts. La Direction des Transports Terrestres avait promis un dispositif spécial pour réguler le flux, mais sur le terrain, les moyens semblent dépassés par l’ampleur de la mobilisation.
Sur la route de Touba, les deux-roues en roue libre
Autre point noir : la circulation anarchique sur la route nationale menant à Touba. Des centaines de motocyclistes, souvent sans casque ni immatriculation, circulent à vive allure entre les files de voitures, au mépris des règles de sécurité. « Ils déboulent de nulle part, doublent à gauche comme à droite… C’est très dangereux, » déplore Seynabou Ba, une mère de famille qui a failli être percutée par un motard en descendant du bus. « Franchement, on se demande où est la police ».
Chaque année, des dizaines d’accidents impliquant des motos sont enregistrés durant le Magal. Malgré les campagnes de sensibilisation, beaucoup de jeunes continuent de braver le danger. « Je fais le trajet Dakar-Touba en moto pour éviter les embouteillages et les tarifs élevés », avoue Cheikh Diop, un motard de 23 ans, croisé près de Bambey. « Mais je reconnais qu’il y a trop d’indiscipline. Certains font n’importe quoi ».
Un pèlerinage au-delà des épreuves
Les autorités sont régulièrement pointées du doigt pour leur manque d’anticipation. Si des efforts sont visibles, notamment avec la mobilisation de la gendarmerie, la mise en place de postes de secours et la surveillance aérienne, les problèmes structurels persistent : routes dégradées, absence de transports alternatifs, manque de régulation des prix. « Le Magal est un événement important, qui revient chaque année. Il faut une véritable stratégie de mobilité, intégrée, planifiée à l’avance », suggère Aminata Sarr, urbaniste et membre d’une ONG locale. « Sinon, ce sera toujours la même pagaille ».
Malgré toutes ces difficultés, les pèlerins arrivent à Touba avec un sentiment d’accomplissement. Les rues de la ville sainte se remplissent progressivement, les dahiras (associations religieuses) chantent des khassaïdes, et les maisons accueillent les fidèles venus des quatre coins du pays. Dans cette ambiance de foi et de fraternité, les épreuves du voyage semblent s’estomper, ne laissant place qu’à la gratitude. « C’est vrai que le trajet a été dur, mais une fois ici, on oublie tout », sourit Fatou Diop, arrivée enfin à Touba après huit heures de route. « Ce que Cheikh Ahmadou Bamba a enduré est bien plus grand que nos petites souffrances ».