Guinée Bissau : Les manœuvres d’Embaló

Au fur et à mesure qu’on avance vers la tenue des élections générales de novembre en Guinée-Bissau, le Président Umaro Sissoco Embaló abat ses cartes.
Il vient de limoger son premier ministre Rui Duarte de Barros, issu du PAIGC, sans raison officielle déclarée, mais officieusement, la nomination de son successeur Braima Camara, membre de son parti le Mouvement pour l’alternance démocratique, Groupe des 15 (MADEM G15), renseigne un peu plus sur ses intentions, mais aussi sur les raisons de ce limogeage inattendu à 3 mois de l’élection.
Une chose est au moins sûre aujourd’hui, et c’est que le Président Embaló lui-même annonce qu’il sera candidat indépendant, sous la bannière de son propre mouvement « Avançons ensemble », avant d’ajouter qu’il « ne veut pas être l’otage de personne ».
A-t-il tiré les conséquences de son compagnonnage avec le Madem G15, le parti politique fondé en 2018 par les quinze membres dissidents du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), qui l’a porté au pouvoir ?
Rien n’est moins sûr. En effet, le nouveau premier ministre est l’actuel Président du Madem G15. De deux choses l’une.
Le Président Embaló , en nommant Braima Camara, cherche-t-il à faire exploser les rangs de l’opposition qui commençait déjà à s’organiser avec la société civile pour lui faire face, dès lors qu’il est officiellement revenu sur sa décision de ne pas briguer un second mandat, quoique la Constitution l’y autorise.
En effet, au sein de la coalition de l’opposition, les positions sont claires, et l’expérience des dernières législatives constitue leur ligne de conduite, car elle a permis dans le cadre d’un rassemblement des forces d’avoir la majorité au Parlement.
Aujourd’hui, l’ensemble de l’opposition se compose pour l’essentiel de 4 anciens premiers ministres (Domingos Simoes Pereira, Nuno Gomes, Bassirou Dia, Aristides Gomes). Par contre le seul responsable de parti et potentiel candidat à n’avoir jamais exercé d’aussi hautes fonctions reste Braima Camara. C’est le « moins gradé » de l’opposition, pour ainsi dire.
Embaló n’a-t-il pas visé « le maillon faible » de l’opposition ? Braima Camara, en quittant les rangs de l’opposition, parce qu’il était un allié de Nuno Gomes Nabiam, ne fait-il pas le jeu d’ Embaló , pour lui permettre de réunir une aile importante du Madem , et de passer, y compris par une petite marge, d’autant que Braima Camara dispose d’une base politique non négligeable ?
Les jours à venir pourront éclairer cette question, car du côté des partisans du nouveau premier ministre, on s’interroge sur la contrepartie de cette alliance, qui renseigne sur le sens des opportunités politiques du nouveau premier ministre.
Le Président sortant, même en position pas du tout confortable, d’ailleurs il a tenté à plusieurs reprises de reporter les élections à une date plus favorable, offre dans l’immédiat une posture de premier ministre, qui peut renforcer Braima Camara en lui conférant un statut qu’il n’avait pas. Un challenge qui ne manque pas d’intérêt, même s’il fait basculer le Madem G15 dans le camp du pouvoir, en le renforçant.
Ainsi Embaló en déclarant ne pas vouloir être l’otage de quiconque, ne se met-il pas dans une position d’otage par les engagements qu’il a pris vis-à-vis du premier ministre qu’il a rallié à sa cause ? Attendons de voir la composition du nouveau gouvernement.