Ile Maurice: Face au risque de black-out – Économie et activités quotidiennes sous tension

Maurice fait face à une grave menace de black-out qui pourrait survenir d’ici décembre si des mesures urgentes ne sont pas prises, a alerté le Deputy Prime Minister (DPM), Paul Bérenger, lors d’une conférence de presse le jeudi 7 août (voir hors-texte).

Ce phénomène, caractérisé par de soudaines coupures d’électricité, plongerait le pays dans le noir et entraînerait des conséquences lourdes pour les foyers, entreprises et infrastructures essentielles. Ce risque provient d’un déséquilibre – un parc de production vieillissant et une consommation d’électricité en forte hausse, notamment entre 18 h et 21 h en été – quand la demande atteint son pic.

«L’énergie, et en particulier l’électricité, est le coeur de notre économie. Tout le monde va être affecté. Il n’y a pas eu d’investissement dans le passé et aujourd’hui, on en paie les frais», indique l’économiste Azad Jeetun. Sans un approvisionnement stable, les industries, principales consommatrices, pourraient voir leur production s’interrompre brutalement. «Les chaînes de montage pourraient se figer, les machines s’arrêter et les matières premières risqueraient d’être perdues, générant des coûts importants pour les entreprises qui travaillent en horaires décalés.»

Le commerce et les services ne seraient pas en reste. Les interruptions d’électricité dans les centres commerciaux, cinémas, restaurants, systèmes de climatisation et d’éclairage, sans oublier les dysfonctionnements des systèmes de paiement électronique, entraîneraient une perturbation majeure des activités. Ces coupures impacteraient directement le chiffre d’affaires en limitant l’accès des clients et en ralentissant les services.

Dans le secteur financier, un black-out pourrait provoquer des blocages majeurs dans les transactions électroniques, affectant opérations bancaires, paiements par carte et services en ligne. Cette situation risquerait de semer la confusion parmi les clients et des investisseurs envers le système financier. Les institutions financières pourraient voir leur fonctionnement perturbé, avec des conséquences sur la gestion des liquidités et des marchés.

Cette incertitude freinerait également les projets de développement. Par exemple, le Central Electricity Board (CEB) doit déjà faire face à une hausse de la demande d’environ 90 MW, liée principalement à l’expansion des smart cities et des complexes hôteliers. Même dans le secteur touristique, où les hôtels – plus gros consommateurs d’électricité – disposent de générateurs, un black-out généralisé affecterait l’ensemble de la chaîne, notamment les transports, attractions et commerces liés. La réputation de Maurice en tant que destination touristique pourrait en pâtir.

Le secteur des technologies de l’information et de la communication, qui fonctionne aussi en horaires décalés, serait également impacté, perturbant les échanges et la communication indispensables, cite l’économiste. Le traitement et la distribution de l’eau potable, souligne Azad Jeetun, dépendent de l’électricité. Toute interruption menacerait la fourniture d’eau ainsi que le bon fonctionnement des hôpitaux et autres infrastructures vitales.

L’impact social serait également lourd. De nombreux travailleurs pourraient voir leur emploi du temps bouleversé, parfois sans compensation et les consommateurs pourraient faire face à des difficultés d’accès à certains produits et services. Claude Canabady, secrétaire de la Consumers’ Eye Association, souligne qu’«à l’échelle nationale, un black-out serait un véritable désastre aux conséquences multiples. Les disruptions entraîneraient un effet domino aux répercussions majeures sur la vie quotidienne des consommateurs. Notamment la circulation, la préparation des repas serait compliquée et la conservation des denrées périssables deviendrait problématique».

Face à ces risques de black-out, il est essentiel, dit-il, que les consommateurs soient bien informés. «Il faut leur expliquer ce qui pourrait se passer, comment cela pourrait les affecter directement ainsi que ce qu’ils peuvent faire pour contribuer à gérer la situation. Tout le monde peut aider, mais cela doit être organisé et planifié.» Il estime même qu’il serait nécessaire d’envisager une sensibilisation au niveau des districts et villages, afin de toucher directement les populations, en complément des campagnes médiatiques.

C’est bien que le DPM ait attiré l’attention sur ce risque, selon Azad Jeetun, faisant comprendre qu’il faut des mesures concrètes, pas seulement à court terme et moyen termes, mais aussi à long terme pour les années à venir.

🔵La sécurité énergétique, priorité du ministère

Confronté à ces défis majeurs, le ministre de l’Énergie et des Services publics, Patrick Assirvaden, a réaffirmé à plusieurs reprises sa position face à la crise énergétique : «Je crois fermement aux énergies renouvelables, mais la sécurité énergétique reste ma priorité absolue.» Le ministère et les parties prenantes, telles que le CEB, travaillent sur plusieurs mesures. Il dispose de plusieurs options, à titre préventif, pour répondre à la demande croissante. Après huit mois de recherches, les actions à court terme sont en cours, avant de se concentrer sur les moyen et long termes.

Pour l’été prochain, un powership de 90 à 110 MW, des batteries pour couvrir les pics de consommation de trois heures ainsi que des centrales mobiles pouvant ajouter 30 à 60 MW sont prévus. Ces mesures d’urgence, valables jusqu’à quatre ans, visent à stabiliser le système énergétique. Au programme aussi, la location de turbines à gaz, une centrale photovoltaïque flottante à Tamarind Falls, le renforcement du parc éolien de Plaine-des-Roches, et 100 MW supplémentaires de photovoltaïque.

Le réseau électrique est en modernisation pour intégrer davantage d’énergies renouvelables. La Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA) présentera bientôt un plan pour accroître la part des énergies vertes dans le mix national. En parallèle, le CEB prévoit l’installation gratuite d’environ 3 000 kits photovoltaïques. La Phase 2 du Renewable Energy Scheme concerne 1 000 kits destinés aux organisations religieuses, ONG et institutions caritatives. La Phase 2B du Home Solar Project vise à installer 2 000 kits pour les ménages éligibles, notamment ceux inscrits au registre social ou bénéficiant d’aides sociales. Par ailleurs, une campagne de sensibilisation sera lancée pour encourager un usage responsable de l’électricité et limiter le gaspillage.

🔵Un délestage entre 18 h et 21 h en semaine plus significatif

De son côté, Khalil Elahee, chargé de cours à la Faculty of Engineering de l’Université de Maurice et président de la MARENA, met en garde : «Si nous échouons par rapport au powership ou aux turbines à gaz mobiles, le risque d’un délestage partiel et temporaire en été, surtout en semaine entre 18 h et 21 h, sera plus significatif, particulièrement s’il n’y a pas d’ici-là d’installations de batteries et de projets photovoltaïques avec stockage.»

Il insiste sur la maîtrise de la demande et l’efficacité énergétique comme priorités absolues, recommandant l’installation de panneaux solaires avec batteries en cas de délestage ou loadshedding. «Il faut aussi sanctionner tout gaspillage. Les 4D – décentralisation, décarbonisation, digitalisation et démocratisation des systèmes énergétiques – sont plus d’actualité que jamais. »

Selon lui, les particuliers comme les petites entreprises doivent s’engager dans cette voie pour éviter les délestages ou, à défaut, pour les gérer sans impact grave sur le quotidien et l’économie. Il encourage ceux qui ne peuvent pas investir dans ces technologies à profiter des programmes du CEB, entre autres le tarif time-ofuse et le Home Solar Project. «Sinon, il faut miser sur la gestion de la demande et s’adapter. Tout le monde sortirait gagnant si nous agissions sobrement et consciencieusement.»

Paul Bérenger, lors de sa conférence de presse du jeudi 7 août :

«Au niveau du problème de la crise de l’électricité, cela fait des années que je dis que nous allons vers une grande crise et l’ancien gouvernement MSM n’a rien fait ces dernières années. Aujourd’hui, la crise est là. Il y a deux ou trois semaines, nous avons commencé à avoir des coupures d’électricité, car il manque de production à Maurice. L’ancien gouvernement n’a pas renouvelé les machines et avec l’élection de l’année dernière, il y a eu une forte consommation. La veille du scrutin, la demande en électricité a atteint un niveau record. Nous sommes désormais contraints de faire comme en Afrique du Sud et de couper l’électricité dans certaines régions, sur une base tournante. J’ai dénoncé une situation inévitable, liée à un manque de planification, à l’usure des équipements et à une demande qui a touché le plafond. J’ai tiré la sonnette d’alarme depuis des années. Aujourd’hui, le pays risque de devoir adopter le système de rotating black-outs, à l’image de l’Afrique du Sud. De nombreux hôtels touristiques ont été forcés d’utiliser leurs générateurs à leurs propres frais, mais ces solutions de fortune ne peuvent pas durer éternellement. Nous avons acheté de nouvelles machines pour faire face à cette crise. Deux options se présentent actuellement : l’acquisition d’une barge de production d’électricité en provenance de l’étranger – une solution coûteuse et présentant des risques environnementaux – ou l’utilisation de moteurs mobiles. Il existe un risque que nous allions vers un black-out d’ici la fin de l’année. Je souhaite avoir tort, mais la situation actuelle me donne raison. J’espère me tromper.»

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