Tchad: 20 ans de prison contre Succes Masra

L’issue de son procès ne faisait l’ombre d’aucun doute, vu les multiples chefs d’accusation qui pesaient sur lui. Le 16 mai 2025, Succès Masra, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était d’abord accusé par la justice tchadienne d’incitation à la haine, de complicité d’assassinat, d’incendies volontaires et de profanation de sépultures. La justice lui attribue un rôle dans l’attaque du village de Mandakao, dans le Logone-Occidental, le 14 mai de la même année, qui a fait 42 morts. En juillet 2025, la Chambre a rajouté les chefs d’accusation de « diffusion des messages de nature raciste et xénophobe », d’« assassinat », et d’« association de malfaiteurs ».

Seulement on n’imaginait pas que la peine, 20 ans de prison ferme, serait aussi lourde, surtout qu’il s’agissait d’un procès très imbibé de politique. Finalement, le pool d’avocats constitué n’aura pas pu sauver le soldat Masra. C’est un peu la chronique d’une fin annoncée pour celui qui était la tête de gondole de l’opposition depuis une bonne décennie. Lui qui a d’abord eu maille à partir avec le père, Idrissa Déby, puis avec le fils, Mahamat.

Economiste de formation passé par de prestigieuses écoles (université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé, université catholique de Lille, Sciences-Po Paris, Harvard, Oxford), il obtient un doctorat en économie à la Sorbonne sur l’Afrique face aux défis de l’économie post-pétrole. Et patatras : en 2018, il démissionne de son poste d’économiste en chef à la Banque africaine de développement (BAD) pour se lancer en politique en créant « Les Transformateurs ». Il a tout de suite maille à partir avec le président de l’époque, Idriss Déby Itno.

A la mort de ce dernier en avril 2021, face à Mahamat Itno, Masra n’a finalement eu le salut que par un exil de deux ans, d’abord au Cameroun puis aux Etats Unis, avant son retour au pays, suite à d’âpres négociations à l’internationale, où il a occupé le poste de Premier ministre. Ce qui n’a d’ailleurs pas été du goût d’une bonne partie de l’opposition, qui l’a tout de suite accusé d’avoir marché sur les cadavres de manifestants pour s’acoquiner avec le bourreau.

A la présidentielle du 6 mai 2024, pendant qu’il était à la table du Seigneur, il « gâte tout », comme on le dit familièrement dans le quartier populaire de Farcha à N’Djamena, en se portant candidat, avec à la clé une démission (forcée ?) du premier ministère, signant une nouvelle traversée du désert de sa part qui le conduira tout droit en prison le 16 mai 2025.

Le judiciaire remet ainsi au goût du jour les anciennes accusations à son encontre et aujourd’hui, c’est 20 ans ferme ! Certes, il est condamné pour l’instant en première instance. Reste maintenant l’espoir de l’issue de l’appel, que ses avocats ont, d’ores et déjà, introduit. Espoir maigre, même s’il n’est pas exclu qu’il y ait de petits arrangements et que le prince, dans sa magnanimité, lui accorde la grâce présidentielle ou, à tout le moins, contribue à alléger sa peine. Mais quel qu’en soit le cas, c’est le requiem d’une vie politique qui est en train d’être fait.

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