Tunisie: Contrôle économique – Assez de complaisance avec les fraudeurs !

Le diagnostic est sévère : tel qu’il se pratique aujourd’hui, ce qu’on appelle contrôle économique a un impact très limité sur les opérateurs.
De là à préconiser sa révision, voire sa remise en cause, il n’y a qu’un pas que l’on ne doit pas hésiter à franchir.
Devant la dérive sans précédent dans les prix et dans les pratiques spéculatives, la nécessité d’opérer des transformations « chirurgicales » s’impose.
Impact minime
Les différents observateurs et même le simple consommateur se rendent à l’évidence que les mesures et les dispositions réglementaires en vigueur n’opèrent plus ou restent sans l’efficience recherchée.
Les chiffres publiés par les services du contrôle économique visent à montrer les efforts des agents à traquer les fraudeurs, les escrocs et les spéculateurs.
Sans remettre en cause le travail des équipes qui opèrent sur le terrain, il nous paraît que rien n’a changé dans le paysage.
Les infractions sont les mêmes, les pratiques illégales sont, toujours, vivaces, les prix ne cessent d’augmenter même lorsqu’il y a des mesures de plafonnement.
S’il s’agit de fixer un prix plafond pour les pommes de terre, celles-ci disparaissent des circuits réglementés et se retrouvent dans les circuits parallèles à des prix bien plus élevés.
Quant aux produits subventionnés comme le sucre ou l’huile de cuisine, ils sont soumis au bon vouloir des commerçants qui ont pignon sur rue.
Le sucre en poudre, lui, est rationné dans les grandes surfaces selon des arrivages aléatoires. Mais l’huile subventionnée, elle, est introuvable. Il faut être un vrai connaisseur des pratiques spéculatives pour l’acquérir. Le citoyen lambda, lui, est obligé d’acheter d’autres marques qui coûtent jusqu’à quatre fois le prix de l’huile végétale.
En dépit des chiffres importants annoncés par les services du contrôle économique qui parlent de dizaines de milliers d’infractions et de plusieurs autres milliers de sanctions et de mesures répressives, les résultats ne sont pas au niveau des attentes des consommateurs. Nous ne voyons pas la nécessité de rapporter des statistiques que tout le monde connaît. Tout au plus, se contenterait-on de remarquer qu’il n’y a aucun impact sur le comportement ou les agissements des principaux acteurs dans l’espace commercial. Ou, dans le meilleur des cas, cet impact reste minime.
Le consommateur est en butte aux mêmes abus et dépassements. Quand nous parlons de consommateurs, nous devons savoir que le pays en compte, au moins, 20 millions. Soit la population tunisienne et les millions de touristes et autres visiteurs.
Malgré tout, rien ne semble bouger. Même dans les marchés municipaux, les marchands fixent leurs règles du jeu. C’est vrai qu’ils prennent en compte les visites impromptues des services de contrôle qui, soit dit en passant, ne sont pas si impromptues qu’on le croit. Par expérience, ces gens sont organisés et disposent de leur propre réseau d’information.
Dès que les agents du contrôle pointent, ils se passent immédiatement l’alerte. Et, en un clin d’oeil, tous se mettent aux normes quitte à présenter de vraies-fausses factures et autres papiers et quittances. Mais, une fois « l’orage passé » tout redevient comme avant. Plus d’affichage des prix, fardage de la marchandise, pesage douteux et on en passe.
Frapper plus fort
Sur un autre plan, il ne faut pas croire que l’agriculteur est à mettre hors de cause. Tant s’en faut. Lui aussi bénéficie de ce climat. Il s’accommode bien de cette situation puisqu’il peut, ainsi, vendre sa marchandise sur place aux nombreux intermédiaires et à des prix avantageux. Ce qui lui évite de la transporter lui-même vers les marchés de gros. Heureusement, qu’il y a, encore, une certaine résilience de la part d’une bonne partie de nos agriculteurs. Mais la tentation est là et elle est, toujours, capable d’attirer les amateurs de gains faciles.
En vérité, ce que chacun peut remarquer c’est que les spéculateurs et les profiteurs s’adaptent à toutes les situations et parviennent à contourner, pratiquement, toutes les mesures prises à leur encontre.
Ils évoluent dans le milieu comme un poisson dans l’eau.
Par contre, nos agents de contrôle économique s’en tiennent à des dispositions réglementaires strictes qui, parfois, les empêchent d’aboutir aux résultats recherchés.
Nos intermédiaires, spéculateurs, marchands et commerçants malhonnêtes et profiteurs de tout acabit y trouvent leur compte.
C’est pourquoi, nous semble-t-il, il faut adopter d’autres approches et d’autres méthodes plus dissuasives et plus percutantes. Les sanctions actuelles n’ont pas donné l’effet escompté. Le nombre de récidives est significatif. Ce qui fait dire à quelques-uns que le système n’a pas atteint le top de l’efficacité.
Car il est difficile d’expliquer les agissements de certains commerçants qui ne tiennent pas compte des sanctions, déjà, prises à leur encontre. Ils n’hésitent pas à récidiver quitte à être sanctionnés de nouveau.
En effet, le coût de l’infraction n’est rien à côté de ce qu’ils peuvent gagner.
D’un autre côté, il est important de montrer que le commerce parallèle contribue fortement au maintien des prix en hausse Les étals installés aux ronds points ou devant les grandes surfaces n’arrangent rien.
Les services municipaux ont beau les chasser de ces endroits, ils reviennent quelques minutes plus tard comme si de rien n’était.
Ce jeu du chat et de la souris ne doit pas s’éterniser. Il n’y a que les mesures décisives qui peuvent en venir à bout. Les contrevenants doivent signer des engagements les obligeant à respecter les avertissements des services de contrôle ou des services municipaux.
Autrement, il faudra frapper très fort dans les portefeuilles. Car on constate que nos agents font preuve de trop de souplesse à l’égard de gens qui ne le méritent pas.