Comment les escrocs en ligne utilisent le sentiment d’urgence ou l’appel de masse pour piéger leurs cibles.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ces offres d’emploi « trop belles pour être vraies » ou ces dons en espèces spécial vacances ne cessent d’apparaître en ligne ? Au cours des dernières années, l’organisme de vérification des faits PesaCheck a mis au jour un réseau d’escroqueries, allant de fausses offres d’emploi dans des entreprises telles Kouroussa Gold Mine en Guinée à des campagnes frauduleuses impliquant des personnalités de premier plan telles que les Présidents Bassirou Diomaye Faye (Sénégal), Patrice Talon (Bénin), Mamady Doumbouya (Guinée), Paul Biya (Cameroun), ainsi que d’autres personnalités, comme l’artiste malien Salif Keita, les athlètes éthiopiens Kenenisa Bekele et Haile Gebreselasie. Alors, qu’est-ce qui rend ces arnaques si convaincantes et comment pouvez-vous les éviter ?
L’appât du gain facile : un terrain de jeu pour les escrocs
La promesse d’argent facile ou d’un emploi de rêve est séduisante. Mais si l’on prend un instant pour réfléchir, on peut constater que quelque chose cloche. Par exemple, une affiche annonçant des postes chez Toyota Kenya présentait tous les signes d’une offre d’emploi authentique, mais elle manquait étrangement de détails. Il en va de même pour ce faux poste d’assistant(e) à la clientèle chez Equity Bank qui, à y regarder de plus près, s’avère être une « annonce » pour un poste différent. Ces arnaques s’appuient sur une image de marque crédible, en usant d’artifices pour paraître légitimes tout en dissimulant des signaux d’alerte évidents… à condition de savoir les repérer.
Les escrocs utilisent ces méthodes comme un écran de fumée pour dissimuler une tromperie plus profonde. Ils mêlent logos authentiques et personnalités populaires à des affirmations frauduleuses, créant ainsi une façade de légitimité.
Repérer les signaux d’alarme : des modèles courants
Les adresses électroniques
Les escrocs utilisent souvent des adresses email qui ressemblent à des adresses officielles d’entreprises comportant, cependant, des modifications subtiles, comme des caractères supplémentaires. Ces modifications visent à échapper à un œil peu attentif. Vérifiez toujours si un email correspond à des communications connues de l’organisation.
Les URL
La manipulation habile des identités numériques est un autre trait caractéristique des escroqueries en ligne. Les outils d’intelligence artificielle (IA) ont facilité la création de sites Web et les escrocs s’en servent pour produire des répliques quasi parfaites de sites officiels. Un indice courant ? Faites attention aux fautes d’orthographe subtiles dans l’URL ou aux domaines récemment enregistrés. Par exemple, cette fausse annonced’emplois chez Rubis Energy au Kenya a été démentie lorsque PesaCheck a remarqué des fautes d’orthographe subtiles dans l’URL du site Web.
Une recherche sur WHO.IS révèle souvent que ces domaines frauduleux ont été enregistrés récemment. Les organisations authentiques ont souvent une présence en ligne bien établie.
L’usurpation d’identité
Les faux profils qui se font passer pour des personnalités connues sont de plus en plus fréquents. PesaCheck a démystifié plusieurs faux profils usurpant l’identité de personnalités éminentes — des Présidents Faye, Doumbouya, Tshisekedi et Biya aux célèbres athlètes comme Kenenisa Bekele et Haile Gebreselasie — afin de donner de la crédibilité à leurs stratagèmes. Ces faux profils, comme celui-ci qui usurpe l’identité d’un député afin de proposer des prêts, utilisent souvent des photos trafiquées ou des images tirées de profils authentiques, et sont courants sur les réseaux sociaux. Ils comportent souvent des témoignages mis en scène pour donner une impression de légitimité.
Le recrutement à grande échelle
L’un des thèmes les plus courants de ces escroqueries est l’exagération. Avez-vous déjà vu une offre d’emploi qui promet des dizaines de postes à pourvoir pour une seule fonction en une seule fois ? C’est généralement un signe que quelque chose ne vas pas. Un exemple notoire est celui d’une fausse annonce du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui prétendait offrir 800 dollars au nom de l’agence des Nations unies pour les réfugiés, une affirmation qui défie les normes des grandes organisations. De même, des escroqueries persistantes sur WhatsApp promettant des centaines d’emplois — comme celle-ci qui prétend être Air Sénégal — profitent d’un marché de l’emploi désespéré où les vraies opportunités sont rares.
Les choix étranges de communication
Ensuite, il y a des choix étranges de communication. Alors que les processus de recrutement légitimes s’appuient sur des méthodes formelles, les escrocs doivent recourir à des canaux informels, tels que WhatsApp ou les messageries gratuites, pour éviter d’avoir à répondre de leurs actes.
L’effet saisonnier : escroqueries festives et canulars des fêtes
Les escrocs savent que le timing est très important. Les promesses de crédit téléphonique et forfaits internet gratuits, ou même de dons en espèces, se multiplient sur les plateformes en ligne pendant les vacances et les occasions spéciales. Par exemple, une escroquerie prétendant offrir des forfaits internet gratuits a fait le tour du continent. De même, de fausses campagnes telles que le parrainage du Hajj par le prince héritier saoudien exploitent les sentiments religieux, tandis qu’une organisation non gouvernementale — WF-AID, offrirait un forfait de secours pour le Ramadan de 2025, ou encore celle du supermarché Carrefour, tire parti de l’urgence saisonnière. D’autres sont tout simplement ridicules, comme cette escroquerie censée émaner du Président guinéen Mamady Doumbouya ou celui du Bénin, Patrice Talon, qui offrirait des subventions pour la fête de Nöel, certaines exigeant des « frais d’inscription » douteux. Ces escroqueries sont conçues pour exploiter l’optimisme collectif de la saison.
Quelques exemples concrets
Jetons un coup d’œil à quelques cas concrets
- Une publication, issue d’un site Web attribué au Président béninois, Patrice Talon, prétendait offrir une subvention de Noël de 85 000 francs CFA aux Béninois. Le porte-parole du gouvernement béninois a déclaré qu’il s’agissait d’une arnaque.
- Un autre post prétendait que le Ministère camerounais du Travail et de la Sécurité Sociale offrait de primes particulières aux fonctionnaires ayant été en service entre 1990 et 2024. Une pure escroquerie. En Guinée, un compte Facebook prétendait partager un avis public annonçant que le ministre guinéen de l’économie et des finances avait lancé une « session d’investissement en ligne » à l’intention du grand public en collaboration avec les entreprises de crypto-monnaies. Le ministère a démenti cette affirmation trompeuse.
- La ruse ANPE : ce post prétendait que l’Agence Nationale Pour l’Emploi du Burkina Faso (ANPE) avait lancé cet avis de recrutement. Les vérificateurs de faits ont enquêté et révélé des incohérences dans le domaine et une absence flagrante de coordonnées vérifiables.
- La Commission électorale indépendante (CENI) guinéenne recrute? Ce site Web prétendant être la plateforme de recrutement de la CENI en Guinée n’est qu’un canular. La commission a dénoncé le site, le qualifiant de faux, et a précisé que la commission n’était plus opérationnelle en avril 2025.
- Offre de données mobiles gratuites : cette escroquerie, celle-ci ou encore celle-ci, exploite l’attrait des données mobiles gratuites, une tactique couramment utilisée dans les escroqueries par hameçonnage pour recueillir rapidement des informations personnelles des gens.
- Cette autre publication prétendait que la Société nationale d’électricité du Sénégal (SENELEC) offrait des unités électriques gratuites. La vérité? Rien qu’une arnaque.
- Ce site Web canularesque prétendait que le Programme Alimentaire Mondial (PAM) avait lancé un recrutement pour l’année 2024. Son contenu affirmait que l’offre d’emploi vise plusieurs pays dont le Bénin, le Cameroun, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Gabon, le Niger, la France, le Canada, la Belgique et bien d’autres. Plusieurs autres publications promeuvent des jobs faciles, comme on peut le voir ici, ici et ici.
Pourquoi les arnaques fonctionnent-elles ? La psychologie derrière la tromperie
Les escroqueries s’appuient souvent sur des émotions profondément ancrées. Par exemple, dans certains pays, on pense depuis longtemps qu’il faut payer pour obtenir un emploi. Les escrocs le savent et l’utilisent à leur avantage en demandant aux victimes d’envoyer de l’argent en guise de « frais d’inscription » ou même de pots-de-vin pour obtenir un poste, une pratique qui n’est pas rare dans certains processus de recrutement. Avec des taux de chômage élevés sur le continent, l’attrait d’une solution apparemment facile peut être irrésistible. Les escrocs instaurent un sentiment d’urgence et d’exclusivité — « agissez vite, avant qu’il ne soit trop tard » — capable de court-circuiter le jugement rationnel.
Des études comportementales ont montré que les personnes en situation de stress financier sont plus susceptibles de négliger des signaux d’alerte évidents en échange d’un soulagement rapide.
Comment rester en sécurité dans un monde d’escroquerie numérique ?
Que faire face à ces escroqueries ?
- Vérifiez les détails : si une offre d’emploi ou une promesse de gain semble trop belle pour être vraie, c’est probablement le cas. Consultez le site officiel de l’organisation, vérifiez le nom de domaine et recoupez les informations avec des sources fiables comme PesaCheck.
- Rester attentif à ce qui est inhabituel : les canaux de communication inhabituels (comme les entretiens sur WhatsApp) et les URL dont l’orthographe est étrange sont des signaux d’alarme. Une recherche sur WHO.IS peut être un outil pratique pour vérifier la date d’enregistrement d’un domaine — si elle est récente, soyez très prudent.
- Se fier aux sources vérifiées : en cas de doute, fiez-vous aux pages de réseaux sociaux et aux sites web officiels. Les organisations authentiques ont une présence en ligne cohérente et bien établie. Un simple coup d’œil sur la page Facebook ou LinkedIn vérifiée d’une entreprise peut vous éviter bien des ennuis.
- Faites passer le mot : le partage d’informations vérifiées sur les escroqueries provenant d’organisations de vérification des faits comme PesaCheck peut contribuer à protéger d’autres personnes. Vous pouvez également rejoindre notre canal WhatsApp ici, qui partage régulièrement notre contenu vérifié, ou vous abonner à notre bulletin d’information hebdomadaire sur WhatsApp ici.
- Apprenez à utiliser les outils d’IA : à mesure que les arnaqueurs perfectionnent leurs méthodes, les techniques et outils nécessaires pour déjouer leurs pièges évoluent aussi. Se familiariser avec les outils d’intelligence artificielle et les techniques de criminalistique peut aider à identifier les contenus erronés et manipulés. PesaCheck a démystifié cette vidéo qui prétendait montrer le porte-parole d’Al Shabaab offrant un cadeau au Président somalien Hassan Sheikh Mohamud, grâce à une analyse détaillée des incohérences de mouvement et des indices d’éclairage. De même, de fausses vidéos montrant les athlètes Kenenisa Bekele et Haile Gebreselassie dévoilant une nouvelle application mobile ont été signalées après que nous ayons remarqué des expressions et des mouvements peu naturels. Hive Moderation, un outil de détection de deepfake, a également signalé que la vidéo avait été générée par une IA. Les images du pape François en soins intensifs générées par l’IA ont été détectées à l’aide de l’outil Fake Image Detector, conçu pour signaler les contenus produits à l’aide d’algorithmes génératifs. Vous pouvez également utiliser des outils simples, notamment des recherches d’images inversées, pour vérifier si une partie d’une image ou d’une vidéo a été manipulée.
Pour conclure : La vigilance est votre meilleure défense
Les arnaqueurs deviennent de plus en plus rusés, utilisant des déclencheurs émotionnels, l’urgence et des déguisements apparemment infaillibles pour piéger leurs victimes. Que ce soit des offres d’emploi frauduleuses dans des entreprises célèbres, des distributions d’argent pendant les vacances ou des promesses de clics sur les réseaux sociaux, l’objectif reste le même : l’exploitation.
Une petite pause, un peu de recherche et une bonne dose de scepticisme peuvent vous éviter de tomber dans ces pièges.