Malgré les progrès, la «cuisson propre» en Afrique reste un défi sanitaire et climatique

Deux milliards de personnes dans le monde – soit un quart de la population mondiale – cuisinent encore aujourd’hui en utilisant du charbon, du bois ou du fumier séché. En Afrique, quatre ménages sur cinq utilisent ces modes de cuisson traditionnels qui émettent pourtant des fumées nocives pour la santé et sont à l’origine d’une déforestation massive. Lors du sommet de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) l’année dernière, 2,2 milliards de dollars ont été promis et une dizaine de pays d’Afrique se sont engagés à mettre en place de nouvelles politiques pour remédier au problème. Un an après, l’AIE publie un premier bilan.

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Depuis 2010, il y a eu d’immenses progrès en Asie et en Amérique latine pour permettre à la population d’accéder à des modes de cuisson propres, « mais l’élan n’a pas suivi en Afrique », note le rapport de l’Agence internationale de l’énergie.

Aujourd’hui, presque un milliard de personnes sur le continent continuent donc à cuisiner avec des fourneaux rudimentaires, au bois, au charbon ou avec du fumier séché et respirent chaque jour des fumées toxiques, ce qui contribue aux décès prématurés de 815 000 personnes chaque année.

Les femmes et les enfants sont les plus affectés et passent « en moyenne quatre heures par jour à chercher des combustibles au lieu d’aller à l’école ou de développer une activité économique rémunératrice ».

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Le bois de cuisson ou de chauffage contribue aussi massivement à la déforestation. Environ 1,3 million d’hectares de forêt chaque année partent en fumée, ce qui représente un quart des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie en Afrique aujourd’hui, estime l’AIE.

470 millions de dollars décaissés

Fours électriques, au gaz ou au bioéthanol… Les solutions existent, mais encore faut-il y avoir accès, notamment au gaz qui représente la majorité des alternatives. Mais il faut aussi pouvoir développer les filières, construire les usines et les infrastructures nécessaires et pour cela, le « manque de financements reste un frein », déplore le rapport.

Mais depuis le sommet sur la cuisson propre organisé l’année dernière, l’AIE souligne des progrès. Sur les 2,2 milliards promis l’année dernière, « 470 millions de dollars ont ainsi été décaissés ». Une quarantaine de lois ou de mesures ont été mises en place par huit des dix pays africains qui s’étaient engagés à le faire. « La Tanzanie et le Kenya ont réalisé le plus de progrès », se félicite l’Agence internationale de l’énergie. En 2023, les investissements privés en faveur d’une cuisson propre ont aussi atteint un record à 675 millions de dollars.

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Un désastre environnemental et sanitaire évitable

Autre signe positif, en 2024, la cuisson propre a été mentionnée dans les déclarations des dirigeants du G7 italien et du G20 brésilien – une première – et le G20 sud-africain a fait du sujet une priorité.

Les experts veulent donc croire que l’élan est enfin lancé. Ils estiment qu’il est possible de viser un accès généralisé à une cuisson propre en Afrique d’ici à 2040. Cela permettrait d’éviter la mort de 4,7 millions personnes, de préserver une zone forestière équivalente à la taille de l’Équateur et d’éviter ainsi l’émission de centaines de millions de tonnes de gaz à effet de serre.

«La fumée fait partie de notre vie» : à Lubumbashi, la cuisine au bois de chauffage continue, faute d’alternatives

Les conséquences sanitaires de cuissons « non propres » sont lourdes. A Lubumbashi par exemple, de nombreuses familles cuisinent encore avec du bois de chauffage malgré les risques.

Au village de Kashimbala, à l’ouest de Lubumbashi, Jocelyne Manda prépare le repas du soir. Dans sa cuisine, un feu de bois fait bouillir l’eau d’une casserole remplie de haricots. La fumée envahit sa maison. Son bébé entre les mains, la jeune femme ne s’en plaint pas. « Ici, nous cuisinons au bois de chauffage, que ce soit du poulet ou de la viande de chèvre. La fumée fait partie de notre vie. Même si j’ai des maux de tête, ils finissent par passer sans traitement », raconte-t-elle.

Plus loin, Thérèse Mumba, la cinquantaine, est plutôt consciente des conséquences de la fumée sur la santé : « Avec le bois de chauffage, la cuisine se fait à l’extérieur pour éviter d’inhaler la fumée. Elle provoque la toux et peut affecter les poumons. »

Dans ce village, les maladies liées à l’exposition prolongée à la fumée domestique sont nombreuses, confirme de son côté Baudouin Mibanga, infirmier au centre de santé Saint-Philippe. « Nous recevons beaucoup de malades présentant des problèmes de vision, des troubles respiratoires comme l’asthme. Nous avons aussi des cas de tuberculose osseuse. Quand on s’interroge, on constate que cela est causé par l’utilisation du bois de chauffage », explique-t-il.

Malgré tout, les habitants du village de Kashimbala continuent d’utiliser le bois de chauffage, car le charbon coûte cher et il n’existe ici aucune autre source d’énergie.

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