
Il y a des silences qui trahissent. Et des mots qui révoltent. Alors que la politique migratoire des États-Unis suscite l’indignation grandissante sur le continent africain, marquée par des expulsions brutales et une stigmatisation systématique des ressortissants africains, le Soudan du Sud, lui, choisit de tendre la main… non pas à ses compatriotes en détresse, mais à Washington, en quémandant des faveurs en échange de l’accueil d’expulsés américains. Même l’indécence semble avoir trouvé sa capitale.
Selon un rapport publié par Politico, Juba aurait proposé à l’administration Trump d’accepter davantage de migrants renvoyés de force par les États-Unis, une offre pour le moins embarrassante, voire immorale, lorsqu’on apprend que parmi les huit derniers expulsés, un seul était véritablement sud-soudanais. Derrière cette générosité de façade, la réalité est moins altruiste : des demandes en retour, parmi lesquelles la levée de sanctions contre un haut responsable, la restauration de privilèges bancaires et même un soutien juridique contre le vice-président Riek Machar. En clair : nous acceptons vos rebuts, à condition que vous interveniez dans nos affaires internes. Le chantage est grossier, la manœuvre honteuse.
Quand l’hospitalité devient une monnaie d’échange
Le Soudan du Sud ne cherche ici ni à défendre des principes humanitaires, ni à protéger ses ressortissants. Il instrumentalise une politique migratoire injuste pour s’acheter les faveurs d’une puissance qui a, pourtant, affiché son mépris vis-à-vis du continent. L’interdiction de visa imposée aux détenteurs de passeports sud-soudanais par le secrétaire d’État Marco Rubio, en avril dernier, sous prétexte de non-coopération, n’a suscité aucune protestation digne de ce nom de la part de Juba.
Pire : la réponse a été de supplier pour que cette punition soit levée… en échange d’une soumission encore plus flagrante. Alors que le pays est englué depuis plus d’une décennie dans une guerre civile atroce, miné par la corruption, l’insécurité et l’impunité, le gouvernement choisit de se concentrer sur des tractations diplomatiques dignes d’un marché de seconde zone. Offrir l’asile à des expulsés, dont la plupart ne sont même pas des citoyens sud-soudanais, en espérant retirer quelques bénéfices personnels, est une trahison pure et simple des responsabilités régaliennes de l’État.
Une voix dissonante sur le continent
Contrastons cette attitude avec celle de plusieurs pays africains qui, au contraire, ont exprimé leur rejet catégorique de la politique migratoire américaine. Le Nigeria, par exemple, a vivement protesté contre les expulsions arbitraires de ses ressortissants sans procédure équitable. L’Afrique du Sud a dénoncé les discriminations systématiques envers les migrants africains et appelé à une réforme des politiques migratoires internationales fondées sur le respect des droits humains.
Même l’Union africaine, souvent critiquée pour sa lenteur, a rappelé dans plusieurs communiqués que les expulsions de masse et le traitement réservé aux migrants africains aux États-Unis constituaient des violations des conventions internationales. À l’heure où un minimum de dignité collective est exigé, le Soudan du Sud fait cavalier seul, non pas par courage, mais par appât du gain.
Une diplomatie au service d’intérêts personnels
L’aspect le plus troublant de cette affaire reste sans doute la nature des contreparties demandées par Juba. Il ne s’agit pas d’un soutien au développement, ni d’une aide humanitaire d’urgence pour les populations déplacées, mais d’exigences ciblées : un accès bancaire pour un dignitaire sanctionné, un soutien juridique dans les rivalités politiques internes, et une réhabilitation diplomatique de figures du régime. Tout cela dans le plus grand mépris des principes de souveraineté, de transparence et de justice.
Comment un État qui peine à garantir un semblant de sécurité dans ses provinces peut-il s’ériger en partenaire crédible dans la gestion de flux migratoires aussi sensibles ? Quel message envoie-t-on à une jeunesse sud-soudanaise déjà privée d’espoir, lorsqu’on brade la dignité nationale pour des intérêts claniques ? Le précédent que crée le Soudan du Sud est alarmant. Si d’autres régimes fragiles s’engagent sur cette voie, c’est toute l’Afrique qui risque de se transformer en zone de déportation externalisée pour les puissances occidentales.
Une politique honteuse, un précédent dangereux
Ce modèle de diplomatie humiliée, troquant la misère contre des faveurs temporaires, ne peut être toléré. Il est temps que les leaders africains parlent d’une seule voix pour défendre la dignité de leurs peuples, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs frontières. Il est également temps que le peuple sud-soudanais demande des comptes à ceux qui, au sommet de l’État, préfèrent négocier leur survie politique avec Washington plutôt que celle de leur propre nation.