Soudan: deux mois après la chute d'El-Fasher, la crise humanitaire s'aggrave au Darfour

Le 26 octobre dernier, la ville soudanaise d’El-Fasher, capitale de la province du Darfour du Nord, tombait entre les mains des Forces de soutien rapide (FSR) après plusieurs mois de blocus et d’intensifs combats. Deux mois après, l’ONU et les ONG s’inquiètent du sort des civils qui vivent aujourd’hui sous le joug des paramilitaires du général Mohamed Hamdan Daglo, aussi appelé « Hemedti ».
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Meurtres de sang-froid, viols, actes de torture, séquestration… Si les dizaines de milliers de témoins qui ont fui pendant et au lendemain de la chute d’El-Fasher ont rapporté des témoignages glaçant des journées qui ont suivi le 26 octobre, une inconnue suscite aujourd’hui une vive inquiétude chez les observateurs de la « pire crise humanitaire au monde », selon les Nations unies. Les réseaux étant coupés, peu d’informations filtrent depuis la capitale du Darfour du Nord.
D’après le réseau des médecins soudanais, près de 19 000 personnes seraient aujourd’hui détenus à Nyala, ville à 200 km au sud d’El-Fasher, QG des forces de soutien rapide (FSR). « Il s’agit de militaires, de policiers… », explique le Dr. Mohamed Faisal, membre du réseau des médecins soudanais, au micro d’Alexandra Brangeon « mais au moins 5 000 de ces détenus sont aussi des civils, ramenés d’El-Fasher après la dernière attaque d’octobre. »
Il y a des militaires, des policiers…… mais au moins 5000 de ces détenus sont des civils, qui ont été ramenés d’El-Fasher lors de la dernière attaque en octobre. Il y a deux prisons officielles à Nyala .. Degrif et Kober. Mais, en plus, les FSR utilisent de nombreux bâtiments civils comme centre de détentions : des maisons, des écoles. Certains de ces civils détenus sont des membres de familles de militaires, de policiers. Leurs femmes, leurs enfants sont accusés de soutenir l’armée soudanaises. Ils ont également arrêté de nombreuses familles de militaires au Kordofan. Parmi les autres il y a des gens importants, des journalistes et des médecins. Nous avons pu comptabiliser 73 personnels de santé. De nombreux médecins ont été pris en otage à El-Fasher et les FSR demandaient à leur famille des rançons. Les paramilitaires utilisent ces détenus civils comme une source de financement.
Dr. Mohamed Faisal, membre du réseau des médecins soudanais
Selon le médecin, la plupart des détenus sont des membres des familles des forces de l’ordre et de sécurité soudanaises, souvent accusés de soutenir l’armée. « Mais il y a également des journalistes, ou des médecins », déplore Dr. Mohamed Faisal, « nous avons pu comptabiliser 73 personnels de santé et de nombreux médecins ont été pris en otage à El-Fasher, les FSR demandant des rançons à leurs proches pour les libérer. »
Les informations en provenance d’El-Fasher sont souvent lacunaires. À ce jour, aucun bilan précis n’a pu être établi. D’après le laboratoire de recherche humanitaire de l’université de Yale, plusieurs milliers de personnes ont été tuées depuis la chute de la ville. Depuis l’espace, des images prises par satellite montraient des taches de sang sur le sol, signe des massacres.
Une situation humanitaire déplorable
Depuis, l’ONU et les ONG ne cessent de réclamer l’ouverture d’un couloir humanitaire. Le 20 décembre, le Premier ministre du gouvernement soudanais, Kamil Idris, s’est rendu à New York pour rencontrer les responsables de l’ONU, sans que l’on connaisse les conclusions des discussions.
« Il semblerait que très peu de personnes soient restées à El-Fasher », observe Caroline Bouvard, directrice de l’ONG Solidarités internationale au Soudan, au micro de David Baché, « mais pour le moment, aucune ONG, ni les Nations unies, ni la Croix-Rouge, n’ont eu accès à la ville donc il est difficile d’établir un bilan. »
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Aujourd’hui, la plupart des personnes qui ont été jetées sur les routes se sont réfugiées dans les camps autour de la ville de Tawila, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest d’El-Fasher, qui abritent près de 800 000 d’entre eux dans des conditions rudimentaires. « On estime que l’on couvre à peu près 40% des besoins en eau », développe Caroline Bouvard, « et, si les distributions de nourriture sont relativement régulières, on fait face à des taux de malnutrition très élevés, surtout chez les enfants. »
Une situation qui pourrait encore s’aggraver. La saison des pluies étant terminée, l’humanitaire s’inquiète du sort des 800 000 personnes déracinées pour les mois qui viennent. « Leurs abris, construits majoritairement de paille et de quelques bâches en plastique, prennent feu dès qu’il fait chaud », alarme la directrice pays. « Ces dernières semaines, plusieurs incendies ont touché plus d’une centaine de familles au total », conclut-elle.
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