Gambie: l'interdiction de l'excision remise en cause devant la Cour suprême

En Gambie, le débat autour de l’excision refait surface. La Cour suprême a entamé, le 18 décembre, l’examen d’un recours qui conteste l’interdiction de cette pratique, en vigueur depuis dix ans. Une question hautement sensible dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, où l’excision reste très répandue malgré son interdiction.

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La nouvelle offensive judiciaire a été lancée à la mi-avril 2025 contre l’interdiction de l’excision en Gambie. Le député Almameh Gibba, accompagné de deux militantes et de plusieurs organisations religieuses a saisi la Cour suprême pour demander l’annulation de la loi adoptée en 2015.

Les plaignants invoquent la défense des traditions et des pratiques culturelles du pays. Parmi eux, l’imam Abdoulie Fatty qui affirme que l’excision ne doit pas être assimilée aux mutilations génitales féminines et soutient qu’elle serait conforme aux préceptes de l’Islam, la religion majoritaire en Gambie. Selon lui, les familles qui souhaitent y recourir devraient pouvoir le faire librement.

Malgré son interdiction depuis dix ans, la pratique demeure très répandue. D’après l’Unicef, 73 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont été excisées, ce qui place la Gambie parmi les pays les plus touchés par les mutilations génitales féminines.

Ces pratiques ont des conséquences graves et durables sur la santé physique, reproductive et mentale des femmes. Les victimes sont souvent très jeunes. En août dernier, un nourrisson est décédé des suites d’une excision, soulevant une vague d’émotion et d’indignation dans le pays. Ce n’est pas la première tentative de remise en cause de la loi.

En 2024, le Parlement gambien avait déjà rejeté un projet de texte porté par le même député, visant à légaliser l’excision.


La mobilisation reste forte dans le pays

Depuis des années en Gambie des organisations de défense des droits des femmes comme Will se mobilisent pour sensibiliser la population aux dangers de l’excision et des mutilations génitales. Ce nouveau combat n’est pas si nouveau pour elles, comme l’explique Sirah Touray, responsable juridique pour l’ONG, qui répond à Juliette Dubois, du service Afrique de RFI. 

RFI : Que signifie pour vous l’examen par la Cour suprême de ce recours qui conteste l’interdiction de l’excision ?

Sirah Touray : Le combat que nous avons mené l’an dernier, en 2024, à l’Assemblée nationale pour empêcher l’abrogation de la loi est aujourd’hui de nouveau mis à l’épreuve devant la Cour suprême de Gambie. Cela signifie que tout ce pour quoi nous nous sommes battus est à nouveau en jeu.

L’excision est encore très pratiquée dans le pays malgré l’interdiction de 2015. Quels sont les obstacles que vous rencontrez ?

Le principal obstacle, ce sont les personnes qui affirment que c’est une question de culture et de religion. En travaillant pour une organisation comme Will, nous échangeons beaucoup avec elles : nous les écoutons, nous dialoguons. Et la seule chose qu’elles nous disent, c’est que cette pratique existait bien avant elles. La seule raison pour laquelle elles continuent, c’est parce que c’est ce qu’on leur a appris. Elles pensent que les mutilations génitales féminines sont une bonne chose, que cela fait partie de leur culture, que c’est ce avec quoi elles ont grandi. Que les plaignants soutiennent que l’interdiction de l’excision viole leur droit constitutionnel de pratiquer leur culture et leur religion est quelque chose sur lequel nous devons réellement nous interroger.

Pouvez-vous rappeler les conséquences pour les femmes et les filles qui subissent ces mutilations ?

Dès le moment où elles sont excisées, cela affecte leur équilibre psychologique. Elles endurent la douleur, les saignements, certaines développent ensuite des infections. Il y a aussi le traumatisme. Certaines, encore aujourd’hui, lorsqu’elles voient un couteau ou une lame de rasoir, sont replongées dans ce traumatisme. Pour d’autres, qui ont été cousues, on observe qu’au moment du mariage, la nuit même où elles sont censées consommer le mariage, elles doivent retourner voir l’exciseuse pour faire retirer les points. C’est une nouvelle source de traumatisme. Puis, si elles tombent enceintes, elles doivent affronter l’accouchement. Dans de nombreux cas, on constate qu’elles développent de graves complications de santé pendant l’accouchement, comme des fistules, et parfois cela peut même entraîner la mort.

Quel message voulez-vous envoyer à la Cour suprême cette semaine ?

Nous ne pouvons pas être le premier pays au monde à interdire les mutilations génitales féminines, et puis revenir sur notre parole et tenter d’abroger une loi qui protège les droits des femmes et des filles dans notre pays. Nous n’abandonnerons pas. Comme en 2024, nous recommencerons en 2025. Nous nous rassemblerons, nous ferons ce que nous savons faire le mieux : nous unir et nous battre pour nos droits.

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