En Côte d'Ivoire, des liqueurs locales à mettre sur les tables des fêtes [2/5]

En Côte d’Ivoire, le marché des vins et spiritueux reste largement dominé par les produits importés. Le pays était en 2024 le deuxième importateur africain de vin en valeur, derrière l’Afrique du Sud. Mais de petites entreprises ivoiriennes font le pari du local, en vendant des vins, liqueurs et autres alcools fabriqués à partir de fruits et céréales ouest-africains. Des alcools mis en avant en cette période de fêtes.

Avec notre correspondante à Abidjan, Marine Jeannin

Que serait un marché de Noël sans boissons festives ? À celui de l’hôtel Ivoire, l’entrepreneuse franco-ivoirienne Audrey Nanou tient un stand avec son frère pour vendre les produits de leur petite entreprise familiale, les Versants d’Aghien. Des vins de bissap, d’ananas, ou de passion, qui remportent un beau succès auprès des badauds qui s’aventurent à y goûter. Une petite production de deux cents bouteilles par mois, qu’ils écoulent grâce au bouche à oreille, et qu’ils espèrent doubler l’an prochain.

« Pour les fêtes, pour se faire plaisir, les gens aiment bien, se réjouit Audrey Nanou. Il faut juste que les gens goûtent, il faut que les gens découvrent, parce que tous ceux qui goûtent aiment ! Enfin, presque tous. C’est original et les gens qui goûtent sont étonnés. Donc je pense qu’on a notre place sur le marché. Mais c’est vrai qu’il faut amener les gens à consommer ivoirien, et changer les habitudes en fait. »

Un peu plus loin se dresse un autre stand de boissons: Vinqueur, sans A. En plus des vins et liqueurs élaborés à partir de produits locaux, ils proposent des sirops non alcoolisés et des spiritueux classiques revisités à l’ivoirienne, énumère Ginette Bailly, la directrice administrative et financière : « On a notre whisky, le whisky Ivoire, notre gin, Abidjan Gin, notre rhum, pastis… La liqueur Chérie Coco qui est un peu comme du Baileys, mais à l’ivoirienne, qui est faite avec du lait de coco. Et la vodka de foufou, qui est à base de banane plantain, avec de l’huile rouge. »

À 30 km de là, à l’entrée de la ville côtière de Grand-Bassam, le cofondateur de Vinqueur, Terah De Jong, ouvre aux visiteurs les portes de sa micro-distillerie qui transforme près de 75 différentes matières premières ouest-africaines. « J’ai eu l’idée de faire la distillation de jus d’Afrique de l’Ouest en 2017, raconte-t-il. On a commencé avec des jus de bissap, de fruits de la passion, on a fait plus de 300 essais. Certains étaient très bons, d’autres vraiment horribles. » Avec le temps, Terah De Jong et sa femme Mariame Ouattara ont élaboré un catalogue de 35 produits.

Potentiel de création d’emplois

« Je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup d’épices, d’herbes et de produits médicinaux en Afrique de l’Ouest qu’on pouvait mettre dans des boissons, poursuit l’entrepreneur. Donc, notre premier spiritueux a été Abidjan Gin, avec 21 épices et écorces locales. On utilise plus de 75 matières premières d’Afrique de l’Ouest. On n’achète pas d’alcool, on fermente tout depuis zéro. Pour notre whisky, au lieu du blé et de l’orge, on utilise le sorgho, le mil et le maïs. On utilise des jus de canne à sucre fraîchement pressés pour faire nos rhums blancs agricoles. On a aussi des eaux-de-vie », explique le producteur. « Par exemple, avec la pomme de cajou, qui est un déchet agricole ici, qui n’est pas utilisé après la récolte mais qui existe en abondance, on fait différentes choses, comme des sirops ou un spiritueux qu’on appelle Tekilah, avec K. C’est un peu comme un mezcal, c’est très fumé. C’est aussi la base pour notre Kognac, avec K également, pour ne pas avoir de problèmes [le cognac étant une appellation d’origine contrôlée (AOC), son nom est légalement protégé, ndlr]. C’est 20 % de mangue et 80 % de pomme de cajou », précise-t-il.

Avec leur microbrasserie, Terah de Jong et Mariame Ouattara nourrissent des ambitions multiples : « Il y a certes l’enjeu de création d’emploi local, souligne-t-il. On pense que le potentiel en termes de croissance économique dans les villages est assez important. Et ce sont aussi des produits avec une belle histoire qu’on peut raconter autour. Mais l’enjeu pour nous est aussi d’apporter un regard différent sur la richesse des ingrédients, la richesse des épices et du terroir ouest-africain. De montrer aussi ce qu’on peut faire avec cette richesse, au-delà d’exporter les matières premières brutes. » En Côte d’Ivoire, les produits agricoles représentent la moitié des exportations nationales, mais seulement 14,4 % du PIB, faute d’une industrie de transformation locale suffisamment développée.

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