Finir l’année en lectures: sept livres marquants de 2025

Pour les fêtes de fin d’année, la rédaction internet de RFI vous recommande sept livres lus et aimés par les journalistes en 2025, à glisser sous le sapin ou à découvrir en attendant la nouvelle année. Cette sélection croise des approches et des genres, pour élargir le regard et pour vous aider, chers lecteurs et chers auditeurs, à penser le monde qui vient.
1 – Le Sud, entre peurs et mystères

Le premier livre de la sélection, Sud sauvage est composé de treize nouvelles qui ont pour cadre l’île de la Réunion. Ce sont des récits campés entre le surréel et le fantastique avec pour ambition de dire la riche vie intérieure de tous ces hommes et femmes qui ont installé leur demeure dans cette île au cœur d’un océan Indien pétri de peurs et de mystères.
Auteure de deux romans, conteuse hors pair, l’autrice Gaëlle Bélem n’est pas une nouvelle venue en littérature. Repérée par la collection « Continents noirs » des éditions Gallimard, elle est une écrivaine remarquable et remarquée, traduite dans le monde entier. Son second roman, traduit en anglais sous le titre « The Strangest Fruit », figure dans la prestigieuse liste des 100 livres remarquables 2025 du vénérable New York Times.
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Sud sauvage, par Gaëlle Bélem. Collection « Continents noirs », éditions Gallimard, 163 pages, 19 euros.
2 – « Huckleberry James » ou classique revisité

S’il y a un roman à ne pas rater de la rentrée littéraire 2025, c’est James, le nouveau roman de l’Américain Percival Everett. James, c’est l’histoire revue et corrigée de Jim, compagnon noir du héros blanc dans Les Aventures de Huckleberry Finn, devenu un monument de la littérature américaine. La version revisitée du compagnonnage du duo renouvelle la perspective du récit de Mark Twain en donnant la parole au protagoniste noir, réduit dans l’original à une présence sans substance, ni histoire ni voix. Dans sa relecture du parcours de son personnage noir arraché à son statut d’homme dominé, Everett pose un regard brûlant et incisif sur la société américaine contemporaine, où la démocratie est régulièrement menacée par le resurgissement du principe de l’inégalité des races profondément ancré dans le psyché impérial. C’est cette menace que combat Percival Everett à travers le récit poignant de quête de liberté et de dignité de son héros Jim/James.
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James, par Percival Everett. Traduit de l’anglais par Anne-Laure Tissut. Editions de l’Olivier, 288 pages, 23,50 euros.
3 – Mosaïque poétique de l’Afrique subsaharienne

« Je suis ce poète à langue d’oiseau/ Fils d’Afrique lointaine/ Petit-fils de griot et de paysans / Et descendant premier de Césaire et de Senghor… » Ce descendant premier de Césaire et de Senghor a pour nom Falmarès. Ce Guinéen de 24 ans est le plus jeune poète à figurer dans l’anthologie des poètes subsahariens que publie cette année le critique littéraire Bernard Magnier. Son recueil est une version augmentée du volume paru il y a 30 ans. L’ambition de base demeure la même : réunir les voix poétiques africaines qui ont marqué les imaginaires. La version 2025 de cette mosaïque poétique est augmentée de 80 nouvelles voix contemporaines. Elles viennent enrichir le corpus avec de nouvelles thématiques, de nouvelles sensibilités (textes pour scène, slam, écologie…), tout en affirmant leurs liens avec les ancêtres, les griots et les modernes, comme le rappelle le Guinéen Falmarès dans son poème énonçant la grammaire poétique de sa génération. Entre résonances et renouveau.
Poésie d’Afrique du Sud du Sahara (1945-2025). Textes réunis et présentés par Bernard Magnier. Collection dirigée par Alain Mabanckou. Éditions du Seuil, 516 pages, 14,90 euros.
4 – Drame d’adolescence meurtrie dans le Haïti des années 1930

Paru en 2000, Dans la maison du père est le premier roman de l’Haïtienne Yanick Lahens. La force poétique et politique de ce roman d’apprentissage au féminin, dont l’action se déroule dans le Haïti des années 1930, sous l’occupation américaine, a permis d’asseoir la renommée littéraire de l’auteure. Celle-ci s’est imposée comme l’une des voix majeures des lettres haïtiennes, au fil d’une œuvre construite autour du destin de la femme caribéenne. Auteure aujourd’hui d’une œuvre fictionnelle empreinte d’un sens profond du tragique, Lahens vient de se voir décerner le prestigieux Grand prix du roman de l’Académie française pour son septième roman Passagères de nuit paru cet automne.
Les thématiques d’émancipation féminine, de métissage, de destins individuels et collectifs piégés par les convulsions de l’Histoire que la romancière explore d’un roman à l’autre étaient déjà présentes dans son premier roman, annonciateur d’un destin littéraire exceptionnel. Ce premier roman, réédité cette année, est une magnifique porte d’entrée dans l’œuvre de Yanick Lahens.
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Dans la maison du père, par Yanick Lahens. Editions Sabine Wespieser, 192 pages, 18 euros.
5 – Laszlo Krasznahorkai, virtuose et envoûtant

Laszlo Krasznahorkai est le lauréat du prix Nobel de littérature 2025. Il est l’auteur d’une vingtaine de romans, de récits de voyage, de nouvelles et de textes théoriques. Son œuvre, qui se caractérise par sa veine épique et ses phrases interminables et rigoureuses, a été caractérisée par le jury Nobel de « fascinante et visionnaire qui, au milieu de la terreur apocalyptique, réaffirme le pouvoir de l’art ». C’est une œuvre réputée difficile et sombre.
Guerre et guerre, le sixième opus du prix Nobel, est sans doute l’un des titres les plus accessibles. Ce roman raconte l’histoire d’un manuscrit ancien trouvé dans un centre d’archives poussiéreux, situé à une centaine de kilomètres de Budapest. Son message, que l’archiviste Korim, principal protagoniste du roman, s’est donné pour mission de délivrer au monde, consiste à préparer l’humanité à l’extension inexorable du règne de la violence. Apocalypse now, apocalypse demain !
Tout est limpide dans ce récit où l’auteur nous prend par la main, non sans nous aménager quelques surprises au détour de son phrasé aussi essoufflé que sensuel.
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Guerre et guerre, par Laszlo Krasznahorkaî. Traduit du Hongrois par Joëlle Dufeuilly. Editions Cambourakis/Babel pour le format poche, 338 pages, 9,30 euros.
6 – Dessiner le corps bafoué des femmes dans l’Iran des mollahs

L’artiste iranienne Mansoureh Kamari, exilée à Paris depuis 13 ans, livre avec Ces lignes qui tracent mon corps son premier album en bande dessinée. Elle y met en scène son exil et sa propre « libération féministe » vécue comme une thérapie psychique. La thérapie passe par le dessin, par la prise de conscience de la normalité du corps nu… Elle fait remonter à la surface les traumatismes du passé, les tabous que font peser une société patriarcale sur les imaginaires. Aux lumières de la renaissance s’opposent les ténèbres du passé.
La grâce des dessins atténuant la violence du vécu est, on peut dire, la marque de fabrique de cette dessinatrice talentueuse. Mansoureh Kamari, retenez ce nom .Vous en entendrez parler !
Ces lignes qui tracent mon corps, par Mansoureh Kamari. Éditions Casterman, 200 pages, 24 euros.
7 – Liberté, « j’écris ton nom »

Le Palestinien Nasser Abu Srour est sorti de prison en octobre dernier après 32 ans passés dans les geôles israéliennes. Aux dires de l’intéressé, c’est en prison qu’il est devenu écrivain afin de dialoguer avec lui-même et le monde à travers son journal de prison. C’est ce récit carcéral dont l’auteur avait réussi à passer clandestinement le manuscrit à son éditeur, qui vient de paraître en traduction française cette année.
Je suis ma liberté n’est pas un roman, mais un récit, qui se situe au carrefour du personnel et de la géopolitique. Incarcéré depuis 1993, l’auteur raconte dans ces pages sa propre histoire et celle de son peuple prisonnier sur ses propres terres. Leurs rêves de liberté sont au cœur du récit incandescent d’Abu Srour. « C’est une écriture d’acier et de ciment », écrit l’auteur, révélant comment tout au long de ces longues années d’incarcération, il a gardé ses yeux fixés sur les quatre murs de sa cellule, les transformant en support de ses songes.
Il est question dans ces pages d’injustices, de la barbarie de l’occupant et de ses geôliers, mais aussi d’amour. L’âpreté du vécu carcéral n’exclut pas des envolées lyriques ni des rêves de bonheur. Véritable hommage au pouvoir émancipateur de la littérature, Je suis ma liberté est un livre incontournable car il parle de nous, de notre condition d’homme failli face à la barbarie.
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Je suis ma liberté, par Nasser Abou Srour. Collection « Du monde entier », éditions Gallimard, 304 pages, 22,50 euros.



