La Préhistoire commence avec les premiers outils manufacturés munis d’un tranchant aménagé. Mais le problème est qu’ils apparaissent avant le genre humain ! Plus tard, une autre culture lithique, l’Oldowayen, s’est développée. Qui est son artisan ? Une nouvelle étude relance le débat.
À Lomekwi 3, au Kenya, ont été retrouvés des éclats retouchés datés de 3,3 millions d’années (Ma). Sur le site de Dikika, en Éthiopie, des stries de découpe sur des ossements datés de 3,39 Ma constituent également une preuve indirecte d’outils aménagés. Mais le plus ancien humain connu (Ledi-Geraru, Éthiopie), date d’environ 2,8 Ma ! Cela signifie-t-il qu’il existe un Homo plus ancien non encore découvert ? Ou que les premiers artisans furent des kenyanthropes ou des paranthropes ?
L’Oldowayen et ses humanités
Les préhistoriens parlent ensuite de « techno-complexes », où le matériau lithique est envisagé au sein d’un système d’exploitation rationnel et normalisé, allant de la recherche de la pierre jusqu’à son exploitation finale, en passant par plusieurs méthodes et techniques de débitage, intégrant les logiques économiques et la gestion du territoire. Le premier identifié est l’Oldowayen (d’Oldoway, l’ancien nom d’Olduvai, en Tanzanie), actif entre 2,9 et 1,2 Ma. Il s’agit essentiellement de galets aménagés en outils (choppers et chopping tools) ou en nucléus, c’est-à-dire en supports pour obtenir des éclats ensuite retouchés. Là encore, la question se pose : qui en est l’artisan ? Un homme ou un paranthrope ? D’autant qu’il y a plusieurs variantes d’Oldowayen, ce qui pourrait suggérer différentes traditions, et pourquoi pas, différentes humanités. En 1961, à Olduvai, des outils avaient été retrouvés en compagnie des restes d’un humain et d’un paranthrope (Paranthropus boisei, anciennement appelé le zinjanthrope). Louis Leakey, leur découvreur, préféra les associer à celui qu’il appellera Homo habilis, sans aucune autre justification que les caractères osseux et le volume crânien : « pour affirmer son humanité, on a retiré les outils des mains du Zinjanthropus pour les attribuer à Homo habilis. Ce “changement de mains” fait l’homme… », selon Pascal Picq et Hélène Roche. Mais rien ne le prouvait !
Capacités cognitives à l’étude
Des chercheurs ont repris le problème en étudiant les capacités cognitives des deux espèces, analysant 1 878 restes fossiles (souvent quelques dents), ainsi que les 88 sites découverts depuis 1961 (avec outils et/ou traces de boucherie), datés d’entre 3,5 et 1,5 Ma, essentiellement en Afrique de l’Est. Conclusion ? L’Oldowayen fut pratiqué à la fois par Homo habilis, Homo rudolfensis et Paranthropus boisei. Le genre Homo étant apparu avant boisei, les humains ont-ils pu apprendre au second la pratique de la taille ? Ou bien s’agit-il d’une convergence technologique ? Quoi qu’il en soit, boisei continuera à façonner de l’Oldowayen longtemps encore avant sa disparition vers 1,2 Ma, alors que les humains (des Homo ergaster) étaient déjà passés à l’Acheuléen, autre techno-complexe, rendu célèbre par son outil fétiche : le biface.