Au Mali, le chroniqueur Ras Bath et l’influenceuse Rose vie chère restent en prison et seront encore jugés
Ras Bath et Rose vie chère restent en prison. La décision a été prononcée ce mardi 16 décembre par la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako, qui a ordonné un nouveau procès. Youssouf Bathily de son vrai nom, est chroniqueur radio et militant associatif. Rokia Doumbia, à la vie civile, est mère de famille et influenceuse sur les réseaux sociaux. Tous deux sont en prison depuis mars 2023 pour des propos qui ont déplu aux autorités de transition, et pour lesquels ils ont déjà été jugés. Mais leurs déboires judiciaires semblent ne jamais devoir prendre fin.
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Ras Bath retourne dans sa prison de Kenioroba, Rose vie chère dans celle de Dioïla. La chambre d’accusation de la Cour d’appel a déclaré ce mardi matin « suffisamment établis » les chefs d’accusations d’« associations de malfaiteurs » et d’« atteinte au crédit de l’État ». Le troisième, « crime à caractère raciste et religieux », a quant à lui été abandonné. La date du nouveau procès devant la chambre criminelle de la Cour d’appel n’a pas été fixée.
« Nous irons devant la cour », a sobrement réagi leur avocat, qui n’a pas souhaité faire de déclaration supplémentaire. Lorsqu’il avait plaidé le non-lieu devant la chambre d’accusation, le 25 novembre dernier, Maître Kassoum Tapo avait mis en avant ce principe basique du droit : nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits. Ras Bath et Rose vie chère passeront pourtant à nouveau devant le juge pour les mêmes propos.
« Instructions » de la Justice
Ras Bath avait estimé, lors d’une réunion publique, que l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, mort en détention en 2022, avait été « assassiné », sans citer aucun nom. Relaxé en première instance, le chroniqueur radio a ensuite été condamné à neuf mois de prison ferme.
Rose vie chère, elle, avait déploré dans une vidéo l’augmentation des prix, l’insécurité, et qualifié d’« échec » la transition du président Assimi Goïta. Condamnée à un an de prison, elle avait finalement été relaxée en appel.
Tous deux en sont à presque trois ans derrière les barreaux
« Je suis dégoûté mais pas surpris », réagit un membre de leur entourage, « ça n’a aucun sens, mais que peut-on attendre de juges qui ont des instructions ? »
Ousmane Diallo, chercheur à Amnesty International sur les droits humains au Sahel
« C’est une décision qui n’est pas si surprenante, mais qui montre la persécution à laquelle font face Ras Bath et Rose vie chère. Il y a eu des manigances judiciaires. On sent nettement que les autorités actuelles du Mali veulent les garder en prison le plus longtemps possible. C’est très difficile de dire que c’est la justice qui s’est exprimée au regard des différentes péripéties qu’ont connu ces affaires. On a vu les transferts vers des prisons éloignées de Bamako, mais aussi des transferts des dossiers devant les pôles judiciaires spécialisés. Et là, on parle d’un jugement qui sera fait au niveau de la chambre criminelle de la Cour d’appel de Bamako, pour des délits simplement d’opinion. Comme le fait de dire qu’une personne a été victime d’un assassinat [pour le cas de Ras Bath, NDLR], ou bien, dans le cas de Rokyatou Doumbia, de dénoncer la vie chère à Bamako ou l’insécurité ambiante. Ce sont des réalités que tout le monde peut voir au Mali à l’heure actuelle. On peut donc dénoncer un acharnement des autorités. »



