Est de la RDC: au procès de l’ex-chef de guerre congolais Lumbala, les plaidoiries des parties civiles

Au procès de l’ex-chef de guerre congolais Roger Lumbala à Paris, c’était l’heure des plaidoiries des parties civiles, ce 11 décembre 2025. Ces dernières semaines, des victimes congolaises se sont succédé à la barre, venues raconter les atrocités durant l’opération « Effacer le tableau » qui s’est déroulée dans une partie de l’est de la RDC, de septembre à décembre 2002. Compte-rendu.

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Pour Maître Vincent Brengarth, une condamnation par cette cour d’assises serait historique et un message pour lutter contre l’impunité. Tour à tour, les parties civiles ont développé leurs arguments.

Pour Maître Claire Deniau, il fallait mettre l’accent sur les crimes économiques organisés. « Roger Lumbala a opérationnalisé le pillage de son pays en s’entendant avec des Ougandais pour extraire les diamants et ces minerais étaient pour lui un passeport politique, a-t-elle affirmé. Ces minerais permettaient d’avoir le contrôle de territoires et c’est le contrôle de territoires qui permettait de démontrer, dans le cadre des accords congolais, qu’il avait finalement une sorte de capacité de nuisance ».

Les miliciens ont commis des crimes multiples : viols, esclavage sexuel, travail forcé, mutilations, exécutions sommaires, mais pas seulement, comme l’explique de son côté Maître Henri Thulliez : « Il est important d’insister sur ce point du pillage pour que le pillage soit reconnu comme un acte inhumain, constitutif d’un crime contre l’humanité, afin que Roger Lumbala, et d’autres seigneurs de guerre après lui, puissent être condamnés pour des faits de pillages. »

Autres cibles dans les territoires administrés par le mouvement politico-armé Rassemblement des Congolais démocrates et nationalistes (RCD-N) : les populations Nande et les Bambuti, peuples autochtones des forêts. Pour Maître Jeanne Sulzer, au-delà des crimes atroces dont ils ont été victimes, c’est leur statut qu’il faut faire connaître au monde. « Ils n’ont jamais accès à la justice, assure-t-elle. C’est une communauté qui est stigmatisée, déshumanisée, de façon systémique, au Congo, que ce soit en 2002 ou aujourd’hui ».

Le verdict attendu le 15 décembre

Les parties civiles considèrent que si Roger Lumbala ne portait peut-être pas l’arme mais qu’il encourageait et laissait faire les hommes sous son contrôle.

La plaidoirie de Maître Clémence Bectarte, représentante des victimes de viols et de deux ONG, a porté, elle, sur les crimes de viols et sur la guerre qui sévit actuellement à l’est de la RDC. « C’était très important de rappeler ce qu’il se passe à l’heure actuelle dans l’est de la République démocratique du Congo, où les massacres font rage, la guerre continue, souligne-t-elle. Des dizaines de milliers de civils sont à nouveau condamnés à fuir. Et donc, c’était très important de montrer que le verdict que va rendre cette Cour d’assises sur des faits qui sont pourtant anciens, va tout de même lancer un signal contre l’impunité. C’est ça qu’il était important de rappeler ».

Interrogé sur la manière dont les victimes de viols ont vécu l’absence de Roger Lumbala à son procès, Clémence Bectarte explique : « Le fait que Roger Lumbala décide en quelque sorte de boycotter son procès, ça a été vécu comme une énième insulte faite aux victimes. Et c’est ce que de nombreuses parties civiles que je représente m’ont dit. C’était pour elles extrêmement insultant, choquant, que Roger Lumbala ne fasse pas face à ses juges et aux parties civiles qui étaient là, venues de République démocratique du Congo, pour livrer leur témoignage en sa présence. Si Roger Lumbala est absent, c’est parce qu’il a peur de la vérité. »

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Roger Lumbala est jugé en France en vertu de la compétence universelle pour association de malfaiteurs et complicité de crimes contre l’humanité dans le nord-est de la RDC, ce que repousse l’intéressé, qui dénie à la justice française toute légitimité pour le juger. Il a récusé ses avocats et celui commis d’office ne s’est pas présenté.

Roger Lumbala a été interpellé en décembre 2020, mis en examen le 4 janvier 2021 et inculpé en 2023. Il est jugé depuis le 12 novembre 2025 à Paris, devant la Cour d’assises, pour complicité de crimes contre l’humanité et association de malfaiteur en vue de préparation d’un crime contre l’humanité pour des faits commis à l’est de la RDC, notamment en 2002.

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Le président de la Cour d’assises, les deux vice-procureurs, examinent le rôle de cet ancien chef rebelle du RCD-N, accusé d’avoir participé à l’opération « Effacer le tableau » avec l’actuel vice-Premier ministre de la RDC et ancien chef rebelle Jean-Pierre Bemba, alors dirigeant du Mouvement de libération du Congo. Une opération marquée par des massacres, des viols et des actes de torture, essentiellement contre les populations civiles Batwa et Nande. Roger Lumbala n’avait jamais fait l’objet de poursuites judiciaires.

Ce vendredi 12 décembre, ce sont les avocats généraux du ministère public qui vont faire leur réquisitoire. Le verdict est attendu lundi.

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