Est de la RDC: des combattants de l'AFC/M23 aperçus dans Uvira

En République démocratique du Congo, l’escalade militaire qui a suivi la signature des accords de paix de Washington a encore provoqué des mouvements de population. Plusieurs dizaines de milliers de réfugiés ont fui le Sud-Kivu en direction du Burundi voisin. L’objectif est de se mettre à l’abri des violents affrontements qui se sont rapprochés ces dernières heures de la ville d’Uvira, qui était devenue la capitale provinciale depuis la prise de Bukavu. Déjà mardi soir, les combattants de l’AFC/M23 étaient signalés du côté de Kavimvira, dans la banlieue nord d’Uvira. Ils ont fait leur entrée dans la ville peu avant midi, mercredi 10 décembre.

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Des combattants de l’AFC/M23 étaient signalés du côté de Kavimvira, dans la banlieue nord de la ville, depuis hier mardi. Des habitants joints par RFI évoquent la présence d’hommes armés dans le nord de la ville. Des hommes qu’ils identifient comme étant du groupe armé AFC/M23, soutenu par le Rwanda qui aurait, selon le dernier rapport des experts des Nations unies, déployé entre 6 000 à 7 000 hommes sur le territoire congolais.

Plusieurs habitants disent les avoir vus, ce mercredi en milieu de matinée, progresser à pied. Des vidéos authentifiées par RFI les montrent clairement devant le bâtiment du Gouvernorat, à Kiromoni, tout près de la frontière burundaise. Dans plusieurs quartiers, des tirs ont été signalés, notamment là où des combattants Wazalendo restent visibles. Des échanges de tirs ont aussi été rapportés à Mulongwe. L’AFC-M23 a d’ailleurs revendiqué le contrôle de la ville, à la mi-journée.

Une ville au ralenti

Ces informations ont été démenties par le gouverneur de la province, Joint dans la matinée par téléphone. Jean-Jacques Purusi expliquait être actuellement à Bujumbura, au Burundi donc. Il a accompagné des blessés que les hôpitaux d’Uvira, déjà saturés, ne pouvaient plus prendre en charge. Il prévoit de se rendre dans la journée du côté des camps de réfugiés avant de revenir à Uvira, explique notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi.

Uvira était considérée comme un bastion Wazalendo, des responsables de ces groupes comme Makanaki, Yakutumba ou René Itombwa, y avaient installé leurs bases. Mais selon plusieurs sources, ils ne sont plus dans la ville.

Ce mercredi, Uvira tourne au ralenti : pas d’école, marchés timides, très peu de motos, et les prix des courses ont doublé, parfois triplé. Certains habitants ont tout de même tenté de sortir, mais beaucoup ont pris la route de la frontière. Plusieurs milliers de personnes ont traversé tôt ce matin vers le Burundi, à moto, en voiture, en bus ou à pied.

À Kinshasa, des réunions ont eu lieu autour de la Première ministre, et d’autres sont prévues à l’état-major pour organiser la riposte. Une communication officielle est attendue.

La RDC et le Burundi accusent Kigali de violer l’accord de paix

Le Rwanda rejette les accusations des gouvernements congolais et burundais, qui accusent le pays de violer l’accord de paix de Washington. Selon le gouvernement de Kigali, « la responsabilité des violations du cessez-le-feu, des attaques en cours et des combats en province du Sud-Kivu en RDC ne peut être imputée au Rwanda ». Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères condamne les actions des armées congolaises et burundaises et de leurs alliés, qui « bombardent systématiquement des villages civils proches de la frontière rwandaise à l’aide d’avions de chasse et de drones d’attaque, ce que l’AFC/M23 affirme être contraint de contrer. »

La porte-parole, Yolande Makolo, avait déjà qualifié mardi soir de « mensonges » les accusations contre le Rwanda de son homologue congolais Patrick Muyaya, rappelle notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud. « La RDC ne peut être le garant du cessez-le-feu alors qu’elle est en réalité la première à le violer », lui répondait-elle sur les réseaux sociaux. 

Ce matin, le communiqué rwandais va plus loin : « il est désormais clair que la RDC n’a jamais été prête à s’engager pour la paix », affirme le gouvernement rwandais, appelant à un retour à la mise en œuvre complète des accords signés la semaine dernière à Washington.

Pourquoi une telle offensive maintenant ?

Le timing de cette nouvelle offensive interroge les observateurs. Une source sécuritaire avoue ne pas comprendre l’objectif de cette montée de tension sur le terrain au moment même de la signature des accords de paix à Washington. « Mettre la pression sur Kinshasa avant un nouveau round de discussions à Doha, cela s’est déjà vu, estime notre source, mais il y a quand même un risque d’humilier le président Trump ».

Pour un autre spécialiste de la région, « les Américains ont des moyens de pression pour faire retomber l’escalade militaire », ajoutant « vont-ils les mettre en œuvre ? » « Ils font passer des messages », croit savoir l’un de ses collègues.

Après la chute de Goma et de Bukavu, plusieurs responsables rwandais avaient été visés par des sanctions américaines et européennes. Du côté des diplomaties occidentales, ces dernières semaines, on estimait — en dépit des demandes de Kinshasa – qu’une nouvelle salve de sanctions n’était pas à l’ordre du jour pour ne pas « perturber » les négociations de paix. Mais en coulisse, on prévenait tout de même qu’une évolution sur le terrain pouvait changer la donne. 

C’est une surprise que la ville d’Uvira soit prise de manière spectaculaire par le M23…

Josué Kayeye, membre de la société civile du Sud-Kivu

Florence Morice

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