Mettre fin à la violence numérique : le prochain chapitre pour l’égalité en Afrique

violences faites aux femmes
Violences faites aux femmes

La violence numérique envers les femmes et les filles est l’une des formes d’atteinte aux droits humains les plus répandues à notre époque. Si les 16 Jours d’activisme (du 25 novembre au 10 décembre) sont un puissant rappel annuel, la lutte pour la justice et la sécurité doit être quotidienne, s’étendant désormais de l’espace physique à l’espace en ligne.

En Afrique, où les technologies offrent un potentiel immense, l’enjeu est de s’assurer qu’elles servent l’égalité plutôt que de devenir de nouvelles armes d’oppression. Comme l’affirme Nyaradzayi Gumbonzvanda, directrice exécutive adjointe d’ONU Femmes : « La violence numérique contre les femmes et les filles n’est pas inévitable ; elle est évitable. »

Quand le numérique devient une nouvelle ligne de front

L’espace numérique est devenu la nouvelle frontière de la lutte pour l’égalité. Les technologies, qui devraient être des outils d’autonomisation, sont de plus en plus militarisées pour harceler, réduire au silence et nuire. Les cibles sont variées : femmes politiques, journalistes, activistes subissant des menaces et de la désinformation ciblée, ou jeunes filles victimes de harcèlement. Plus grave encore, des photos privées sont volées et manipulées par l’intelligence artificielle pour créer des deepfakes à caractère pornographique, un phénomène dévastateur.

Il est crucial de comprendre que ce qui se passe en ligne n’est pas « virtuel » ; c’est une violence réelle qui détruit des vies et des carrières. La violence numérique n’est pas une nouvelle forme d’abus, mais bien une vieille inégalité (le patriarcat) transposée dans l’espace numérique, reflétant les mêmes déséquilibres de pouvoir qui définissent l’expérience des femmes hors ligne.

La double peine de la fracture numérique

En Afrique, la violence numérique est exacerbée par une profonde fracture numérique. Seulement 38 % des personnes sur le continent sont utilisatrices d’Internet, et ce chiffre tombe à seulement 31 % pour les femmes. En effet, ces dernières font face à des obstacles supplémentaires : un accès limité à des appareils et des données abordables, ainsi que des normes sociales qui restreignent leur utilisation des technologies. Par conséquent, la violence numérique prend racine dans l’inégalité numérique : moins les femmes ont accès, plus elles sont vulnérables. Pour beaucoup de jeunes, le coût des données, les appareils partagés ou le manque d’intimité rendent difficile la dénonciation des abus ou la recherche d’aide, les exposant davantage à l’exploitation ou à la coercition.

Combler le fossé de l’impunité et l’appel à l’action

Malgré les progrès, la justice reste insaisissable. Trop peu de pays africains disposent de lois spécifiques traitant efficacement de la violence numérique, et même là où elles existent, leur application reste un défi. L’absence de protection légale et d’application crée une culture de l’impunité, où les auteurs se cachent derrière des écrans, les victimes sont blâmées et le droit est dépassé par le rythme de l’innovation technologique. Pour combler cette lacune, il faut non seulement renforcer la législation, mais aussi appliquer les lois existantes relatives à la violence « dans la vie réelle » de manière équivalente au monde numérique. La nouvelle Convention de l’Union Africaine sur l’élimination de la violence contre les femmes et les filles fait un pas majeur en reconnaissant explicitement le cyberespace comme un site à protéger.

Transformer la technologie en une force pour l’égalité

Face à cette « pandémie numérique silencieuse« , des initiatives locales se multiplient. Au Maroc, par exemple, le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) a organisé une caravane nationale de sensibilisation spécifiquement dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles dans l’espace numérique. Cette initiative, menée durant les 16 Jours d’activisme, a parcouru plusieurs régions, installant un espace interactif pour informer le public. L’objectif est double : aider les victimes à comprendre que le harcèlement ou la diffusion non consensuelle d’images en ligne sont des crimes réels, et encourager le signalement en dépit des difficultés qu’elles rencontrent souvent. Ces campagnes, tout comme le travail d’ONU Femmes et de ses partenaires (WARDC au Nigeria et au Kenya) pour renforcer les lois et développer la résilience numérique des femmes, illustrent un mouvement continental crucial : la justice ne doit pas s’arrêter après la période de campagne.

La technologie détient un immense potentiel pour l’Afrique, de l’éducation à l’entrepreneuriat. C’est pourquoi les gouvernements doivent investir dans la littératie numérique et les espaces en ligne sûrs. Les entreprises technologiques doivent être tenues responsables du contenu qu’elles hébergent et les jeunes doivent être impliqués pour refaçonner la culture numérique afin de rejeter la misogynie. La violence numérique contre les femmes et les filles est évitable. Faisons de cette génération celle qui réapproprie la technologie comme une force d’égalité, garantissant que l’avenir numérique de l’Afrique soit un lieu où chaque femme et chaque fille peut se connecter — en toute sécurité, librement et avec dignité.

Africa Renewal (Nyaradzayi Gumbonzvanda, UN Women)

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