Burkina Faso, aides au développement : le gouvernement rejette les soutiens jugés « dégradants »

Jean Emmanuel Ouédraogo
Jean Emmanuel Ouédraogo

Dans une note officielle en date du 28 novembre 2025, rendue publique ce mardi, le Premier ministre burkinabè, Jean Emmanuel Ouédraogo, a appelé l’ensemble des institutions et des ministres à refuser toute forme de soutien financier ou matériel jugé « dégradant », contraire aux valeurs nationales ou incompatible avec la ligne idéologique de la Révolution progressiste populaire (RPP). Une directive qui s’inscrit dans la stratégie du régime de transition visant à redéfinir en profondeur les partenariats internationaux du Burkina Faso.

Le Burkina Faso vient d’opérer un changement de cap en ce qui concerne la question de l’aide au développement. Le pays n’est plus disposé à accepter un soutien qu’il soit de l’extérieur ou de l’intérieur pour peu qu’il le juge dégradant ou incompatible avec les valeurs prônées par le RPP. 

Un appel à « défendre l’honneur et la dignité du peuple burkinabè »

Dans sa note, le chef du gouvernement estime qu’il est désormais impératif de « recadrer et recentrer les partenariats » sur les projets prioritaires et structurants, alignés sur la vision du Président Ibrahim Traoré. Il invite ainsi les responsables publics à passer au crible toute forme de don ou de financement, qu’il provienne de partenaires nationaux ou internationaux, avant de l’accepter.

Le Premier ministre insiste : « Je vous invite à décliner tout soutien qui serait de nature dégradante, contraire aux valeurs d’honneur et de dignité du peuple burkinabè, ou qui ne s’inscrirait pas dans la vision de la RPP ». Cette directive marque une nouvelle étape dans la volonté du régime d’affirmer sa souveraineté et de rompre avec les partenariats jugés intrusifs, paternalistes ou contraires à ses priorités politiques.

Une politique d’austérité diplomatique et de recentrage souverainiste

Depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2022, le capitaine Ibrahim Traoré a engagé une refonte radicale des alliances internationales du Burkina Faso. Le retrait progressif de plusieurs programmes de coopération occidentaux, la rupture avec l’Union européenne sur certains dossiers, et la montée en puissance d’alliances alternatives – notamment au sein de l’AES (Alliance des États du Sahel) – traduisent cette volonté d’indépendance diplomatique. Les nouvelles instructions de Jean Emmanuel Ouédraogo s’inscrivent dans ce climat de recentrage souverainiste, officiellement destiné à restaurer la dignité du pays et à éviter les conditionnalités jugées humiliantes ou contraires aux intérêts nationaux.

Plusieurs observateurs voient dans cette mesure une manière de réduire la dépendance aux financements extérieurs, tout en renforçant le contrôle du gouvernement sur les sources et les modalités de coopération. Si la démarche séduit une partie de l’opinion burkinabè, attachée à l’idée d’une souveraineté retrouvée, plusieurs spécialistes s’inquiètent de son impact à moyen terme. Le pays dépend encore fortement des appuis extérieurs pour financer : la lutte contre le terrorisme, les infrastructures de base, les programmes sociaux, la réponse humanitaire pour plus de deux millions de déplacés internes. Un refus trop large des soutiens internationaux pourrait fragiliser davantage un État déjà sous tension.

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Des implications concrètes pour les projets et ONG

Cette directive pourrait avoir des conséquences importantes pour les bailleurs internationaux, les ONG et les institutions qui soutiennent des programmes de développement, d’aide humanitaire ou d’appui institutionnel au Burkina Faso.

D’abord, les ministères sont désormais tenus d’opérer une évaluation préalable stricte de chaque financement. Ensuite, les partenariats devront démontrer leur conformité aux priorités stratégiques du régime, notamment la sécurité, la mobilisation citoyenne, la souveraineté économique et l’autosuffisance. Enfin, les projets perçus comme imposant des critères externes – par exemple en matière de gouvernance, de droits humains ou de conditionnalités économiques – pourraient être facilement écartés. 

Dans les coulisses, plusieurs ONG déjà confrontées à des restrictions administratives craignent que cette nouvelle politique ne réduise encore leur marge d’action, notamment dans les secteurs sensibles comme l’éducation, la santé ou la lutte contre la faim.

Un message diplomatique adressé aux partenaires traditionnels

Au-delà de la gestion pratique des aides, cette note s’interprète comme un signal politique adressé aux partenaires occidentaux, souvent accusés par les autorités burkinabè de chercher à influencer la transition ou à imposer leurs priorités.  Le Burkina Faso privilégie désormais des coopérations dites « non-intrusives », notamment avec la Russie, la Chine, la Turquie ou encore ses voisins de l’AES.

En qualifiant certains soutiens potentiels de « dégradants », le Premier ministre renforce la ligne discursive du régime : l’indépendance et la dignité nationales priment sur les bénéfices matériels, même dans un contexte de crise sécuritaire et économique aiguë. Le gouvernement burkinabè confirme ainsi son orientation : s’affirmer comme un État souverain, aligné sur une idéologie révolutionnaire et moins dépendant des partenaires traditionnels.

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