Sénégal: Sonko face au Parlement – L'heure de la clarification

Partiellement boycottée par l’opposition, l’Assemblée nationale a tenu hier, vendredi 21 février, la troisième séance de questions d’actualité de la 15ème législature, installée le 2 décembre 2024. Face aux députés, le Premier ministre Ousmane Sonko et son gouvernement ont été invités à clarifier plusieurs points relatifs aux lenteurs constatées dans la reddition des comptes, aux tensions au sein de l’exécutif, aux opérations de déguerpissement des marchands ambulants ainsi qu’à la situation politique particulièrement instable en Guinée-Bissau.
Le Premier ministre, Ousmane Sonko, et son équipe gouvernementale se sont de nouveau présentés hier, vendredi 28 novembre, devant l’Assemblée nationale dans le cadre de la troisième séance de questions d’actualité. Boycottée par les députés de l’opposition du groupe Takku Wallu et par certains non-inscrits, cette première séance de questions d’actualité au gouvernement de la session ordinaire unique de l’Assemblée nationale pour l’année 2025-2026 a permis d’interpeller le chef du gouvernement sur divers sujets de l’actualité nationale.
Au-delà des préoccupations liées à la la situation économique difficile aggravée par la dette non déclarée héritée de l’ancien régime, les députés ont exhorté le Premier ministre à s’exprimer sur les lenteurs observées dans les dossiers de reddition des comptes, sur la nature de ses relations avec le chef de l’État, les opérations d’évacuation de la voie publique menée dans plusieurs villes et sur les développements politiques récents en Guinée-Bissau.
L’exécutif ne s’immisce pas dans les affaires judiciaires
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Intervenant sur la question de la reddition des comptes, le Premier ministre a reconnu « quelques lenteurs », tout en rappelant que les procédures judiciaires doivent être conduites avec « rigueur, sans précipitation ni volonté de régler des comptes ». « Je ne sais pas pourquoi les dossiers sur la reddition des comptes sont lents, car l’exécutif ne se mêle pas de la justice. La séparation des pouvoirs n’est pas une simple clause institutionnelle, mais un principe intangible de notre gouvernement », a-t-il martelé, avant d’ajouter : « Nous avons l’obligation de veiller au bon fonctionnement du service public de la justice. Nous nous y attelons chaque jour. »
Il a poursuivi, en rappelant que « le temps de la justice n’est pas le temps des politiques », tout en soulignant que cette réalité « ne doit pas exclure la célérité ». Il a exhorté l’appareil judiciaire à traiter avec rigueur, sérieux et promptitude les dossiers des personnes en détention préventive depuis plusieurs mois, ajoutant que celles-ci doivent être jugées dans les délais raisonnables ou libérées, si l’instruction demeure infructueuse. Il a réaffirmé que le gouvernement n’est engagé dans aucune logique de règlement de comptes, mais que tous les dossiers doivent être traités dans des délais raisonnables et l’instruction doit se dérouler comme le prévoit la loi », a-t-il conclu.
« Il n’y a rien d’autre que la paix entre nous » et « aucun contexte politique ne nous empêchera de travailler ensemble »
Interpellé sur ses relations avec le président de la République lors de cette séance, le Premier ministre a tenu à rassurer qu’« il n’y a rien d’autre que la paix » entre lui et Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Il a insisté sur la solidité de leurs rapports précisant : « Si quelqu’un pense qu’il y a un problème insurmontable, ou que nous ne nous adressons plus la parole, il se trompe. Il n’y a que paix entre nous deux. Le président Bassirou Diomaye Faye et moi entretenons de très bons rapports. Nous travaillons dur ensemble, nous sommes tout le temps ensemble, nous passons la journée et nous mangeons ensemble. Il n’y a aucun problème », a assuré le Premier ministre.
Revenant sur son tera-meeting du 8 novembre, il a expliqué qu’il s’agissait d’une démarche de clarification politique en soulignant que le président Diomaye Faye conserve toute la latitude « d’avoir ses propres choix politiques». « Il fallait poser des actes menant à cette clarification. J’avais dit qu’il y aurait un avant le 08, un le 08, et un après le 08. Je pense qu’après le 08, il y avait un diafour national. Désormais, tout est clair », a-t-il martelé avant d’ajouter.
« En politique, chacun peut suivre sa propre route. Ce que les gens ne savent pas, cependant, c’est que je ne travaille pas pour le président Diomaye Faye : je travaille pour les Sénégalais. Mais ce travail est sous la responsabilité de Diomaye Faye et sera comptabilisé dans son mandat. Donc, je fais tout ce que je considère bon pour le Sénégal. Aucun contexte politique ne nous empêchera de travailler ensemble ».
« Ce qui s’est passé en Guinée-Bissau, nous savons tous que c’est une combine… »
A propos du coup d’Etat en Guinée-Bissau, le Premier ministre a rappelé qu’il ne pouvait s’étendre sur un sujet relevant des prérogatives constitutionnelles du président, tout en livrant une appréciation personnelle. Selon lui, les événements observés relèvent « d’une combine », ce qu’il juge « anormal ». Il a appelé au respect du processus électoral, à la préservation du verdict des urnes et à la libération des personnes arrêtées, avant d’ajouter qu’il a déjà exprimé publiquement son opinion sur la CEDEAO.
Me Bamba Cissé renvoie le député Pape Djibril Fall aux lois votées par l’Assemblée nationale sur l’occupation de la voie publique
L’un des autres points de friction a porté sur les opérations de désencombrement et de déguerpissement dans plusieurs villes, notamment à Dakar. Le député Pape Djibril Fall a dénoncé des mesures « non accompagnées de solutions de recasement ».
Invité par le Premier ministre à répondre, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, Me Bamba Cissé , a rappelé aux députés qu’ils doivent assumer les lois qu’ils ont eux-mêmes votées. Il a insisté sur le fait que ces opérations ne visent ni à entraver les activités commerciales ni à pénaliser les jeunes, mais à faire respecter la légalité en matière d’occupation de la voie publique, en luttant contre l’insalubrité, l’insécurité et l’encombrement anarchique.
Il a précisé que ces opérations n’ont pas pour objectif « d’entraver les activités commerciales », mais de faire respecter la loi en luttant contre l’insalubrité, l’insécurité et l’occupation anarchique des sols, en coordination avec les gouverneurs. « Le gouvernement n’interdit pas aux jeunes de travailler, mais il ne peut pas tolérer que la voie publique soit occupée illégalement. Le trottoir est pour les piétons, la chaussée pour la circulation, et le marché pour les marchands.
C’est ainsi qu’un pays fonctionne », a-t-il insisté avant de rappeler qu’une circulaire a été adressée aux gouverneurs pour identifier les zones encombrées et envisager leur dégagement conformément à la loi n°67-50 du 20 novembre 1967 réglementant l’occupation de la voie publique. Revenant sur ce point, le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé que le gouvernement prévoit, dans le cadre des mesures d’accompagnement, un centre commercial moderne au Cices, un autre au marché Kermel, ainsi que des projets similaires dans d’autres localités du pays.


