Afrique: Minéraux et Souveraineté – Fin de la logique du pillage

L’ère des guerres territoriales est révolue. À l’occasion du forum MEDays, l’affrontement mondial, at-on souligné, se joue aujourd’hui autour des matières premières vitales, propulsant les minéraux stratégiques au cœur de l’échiquier géopolitique.
Le panel sur l’Énergie, les minéraux et la souveraineté a levé le voile sur cette nouvelle réalité : l’Afrique est le réservoir stratégique de l’économie de demain dont le contrôle est grossièrement disputé. Les experts ont déclaré l’omerta qui entoure l’exploitation des richesses du continent, affirmant sans détour que l’autonomie africaine est activement freinée par la menace qu’elle représente pour les parts de marché des grandes puissances. La résilience exige désormais d’arracher le contrôle de la chaîne de valeur, des mines à la certification.
L’Afrique, enjeu de la « nouvelle économie de guerre »
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L’équation est posée d’emblée : la rivalité mondiale n’est plus classique, elle est matérielle. Le professeur Roudani Cherkaoui (expert en géopolitique des ressources critiques) a affirmé que « la guerre mondiale peut se décrocher aujourd’hui non pour des territoires, mais pour des ressources vitales », soulignant que le contrôle des matériaux stratégiques est désormais synonyme de contrôle de l’histoire.
Cette course est d’autant plus urgente que, comme l’a noté Fabian Zuleeg, Économiste en chef du Centre de politique européenne, l’Europe est désormais guidée par la « militarisation de l’interdépendance », cherchant désespérément à sécuriser ses approvisionnements pour construire sa propre défense et sa résilience.
L’enjeu est si crucial qu’il remet en question la souveraineté des États. M. Cherkaoui a insisté sur le fait que la souveraineté des États est posée en question dans les régions riches comme la RDC ou le Sahel, où des enjeux géostratégiques dépassent la vision des populations locales. Cette fragilité est aggravée, selon Franz Joseph Marty, Business Advisor en affaires mondiales, par l’absence d’un service géologique local, laissant la cartographie des ressources aux mains des multinationales qui possèdent l’expertise.
Le « non-dit » et le cynisme de l’exploitation
Face à l’immense richesse du continent, le député sénégalais Guy Marius Sagna (parlementaire de la CEDEAO) a lancé un réquisitoire cinglant contre la logique de la dépendance et le rôle des puissances étrangères. « La souveraineté de l’Afrique signifie moins de parts de marché pour des pays… C’est de ça dont il s’agit », at-il déclaré, fustigeant une situation qui « n’a pas de sens ». Il a martelé : « Nous ne demandons pas la charité. Nous n’avons pas besoin d’assistance. »
Sagna a souligné l’enjeu géopolitique majeur de la région, affirmant que le Congo est le point névralgique du continent. Dès lors, at-il conclu, les puissances extérieures veilleront à ce que les nations africaines ne parviennent pas à contrôler totalement cette zone stratégique, ce qui explique l’instabilité chronique.
Zahabi Ould Sidi Mohamed, ancien ministre des Affaires étrangères du Mali, a corroboré ce constat en dénonçant l’omerta qui entoure les minerais de conflit : « Tous ces pays où il y a des conflits, c’est autour des ressources minières et ça ne se dit pas. » at-il déclaré. Le cynisme est révélé par le fait que les guerres (RDC, Sahel) n’interrompent jamais l’exploitation et que les pays acheteurs (Europe, Chine) ne sont jamais sanctionnés, alimentant ainsi directement la violence.
Les piliers de l’autonomie stratégique
Face à ce système de prédation, la libération passera par la maîtrise de la chaîne de valeur et une révolution culturelle.
Amine Laghidi (Expert international en commerce extérieur) a insisté sur le fait que la valeur finale n’est pas dans le minéral brut, mais dans le « matériel » : l’ingénierie, la certification, la formation et la R&D. Il a appelé à la création de clusters de formation et de certification en Afrique pour que les entreprises locales puissent capter cette richesse, au lieu de se contenter d’exporter des matières premières.
Le Maroc a été cité comme un exemple de recherche d’autonomie stratégique en utilisant ses ressources, notamment le Phosphate, crucial pour la sécurité alimentaire. Le Pr. Cherkaoui a mis en lumière l’initiative de souveraineté partagée du Maroc, où, à travers des accords bilatéraux, la fertilisation des terres agricoles de plusieurs pays africains (RDC, Éthiopie) crée une interdépendance bénéfique et contrant la dislocation.
Enfin, face aux menaces extérieures, le continent doit s’attaquer à ses faiblesses internes. L’un des intervenants a souligné qu’il est « trop facile de dire les [étrangers] », car les pays africains doivent vaincre un défi culturel en cessant de faire systématiquement appel à l’expertise extérieure (l’« homme blanc ») et en faisant ressortir activement les talents africains (Égypte, Maroc…) pour leurs projets, et en faisant les sacrifices nécessaires pour s’autonomiser, plutôt que de faire systématiquement appel à l’extérieur.
Chris Hegadorn (Ancien diplomate américain et expert en sécurité alimentaire) a d’ailleurs plaidé pour une approche Nexus liant l’énergie, l’eau et l’alimentation, soulignant que l’Afrique est « the best place » pour l’énergie solaire et qu’elle doit renforcer la résilience des communautés.



