Afrique: Une coopération sanitaire renforcée entre les Émirats arabes unis et l'Afrique

Depuis quelques années, les Émirats arabes unis (EAU) multiplient les initiatives pour renforcer leur coopération avec les pays africains dans le domaine de la santé. Au-delà de l’aide humanitaire, se développe une relation davantage axée sur l’innovation, le transfert de compétences et la co-construction.
Deux entreprises émiraties, G42 Healthcare et NMC Healthcare, occupent un rôle d’acteurs majeurs, chacune à sa manière. Leur présence illustre une nouvelle manière d’envisager les partenariats Nord-Sud, dans un secteur hautement stratégique.
Une diplomatie du soin réinventée : entre solidarité et innovation
En janvier 2025, 25 ambulances ont été remises à l’Angola par les autorités émiriennes. Ces gestes s’inscrivent dans une trajectoire de long terme. L’aide sanitaire devient un vecteur d’ancrage diplomatique pour Abu Dhabi. En Côte d’Ivoire comme en Sierra Leone, les ministères de la Santé échangent désormais expertise, données et ambitions e-santé. La santé devient un espace de co-construction stratégique, au service des besoins locaux.
G42 Healthcare illustre cette logique à travers plusieurs initiatives. Créé à Abu Dhabi, ce groupe allie technologies de pointe et ambitions de développement. En 2023, il engage un investissement d’un milliard de dollars au Kenya, en partenariat avec Microsoft, pour construire un centre de données géothermique et une région cloud Azure. Objectif : accélérer le développement de solutions de santé prédictive et connectée.
La filiale Presight, bras analytique du groupe G42, étend progressivement sa présence en Afrique. Déjà active en Tanzanie, au Togo, en Angola ou encore aux Seychelles, elle accompagne les administrations dans l’usage de la donnée pour éclairer la décision publique et renforcer les compétences locales. Ses équipes travaillent notamment sur la modélisation de flux épidémiologiques et sur l’optimisation de la gestion hospitalière, avec un recours accru à l’intelligence artificielle. Cette approche, présentée comme adaptable au contexte local, vise à co-construire des outils avec les autorités plutôt qu’à exporter des solutions préconçues.
Dans le même temps, G42 Healthcare s’inscrit dans l’ambition plus large des Émirats arabes unis de se positionner sur la médecine personnalisée. Ses travaux en génomique et en santé de précision pourraient ouvrir la voie à de nouveaux projets pilotes sur le continent, notamment en matière de prévention, de télémédecine et de formation de spécialistes. Des perspectives qui résonnent avec les défis d’une Afrique marquée par une transition démographique rapide et une évolution des profils épidémiologiques.
Des opérateurs privés en soutien aux systèmes de santé africains
NMC Healthcare, plus discret, intervient sur un registre complémentaire. Spécialisé dans l’hospitalisation privée, le groupe s’est installé dès 2018 à Nairobi avec une clinique dédiée à la fertilité. Il répond à une demande croissante de soins spécialisés dans une région en plein essor démographique. Ce type d’infrastructure attire non seulement une classe moyenne locale en quête de services de qualité, mais aussi une diaspora africaine en retour, soucieuse d’un accès local aux soins de haut niveau.
Malgré les turbulences financières rencontrées en 2020, NMC continue de considérer l’Afrique comme un axe de développement stratégique. En Égypte, où il gère déjà l’Alexandria Medical Centre, il projette de renforcer sa présence en lien avec les autorités sanitaires. Le groupe étudie aussi les opportunités dans des pays à fort potentiel comme le Ghana ou le Maroc. Cette stratégie vise à créer des pôles médicaux régionaux capables de proposer des traitements spécialisés sans que les patients aient à se rendre en Europe ou au Moyen-Orient.
Le groupe travaille également à des modèles hybrides mêlant soins physiques et consultations à distance, une approche particulièrement adaptée à certaines zones rurales ou sous-dotées du continent. NMC entend ainsi proposer des services à la fois accessibles et qualitatifs, tout en contribuant à l’émergence de filières de santé privées locales, créatrices d’emplois et de compétences.
Dans ces coopérations, les interactions entre secteur public et secteur privé sont étroites. G42 agit comme bras technologique stratégique, avec l’appui de fonds souverains. NMC s’appuie sur un maillage diplomatique pour accompagner les besoins médicaux croissants. Ensemble, ils contribuent à renforcer les capacités locales, tout en respectant les priorités des pays partenaires.
En misant sur une approche collaborative, ces partenariats émiratis s’inscrivent dans les efforts de modernisation des systèmes de santé africains. Ils proposent des dispositifs qui visent à répondre à des défis critiques : manque d’infrastructures, pénurie de personnel formé, inégalités d’accès. Ils créent également des passerelles entre innovation et souveraineté sanitaire, un thème récurrent dans les prises de parole officielles des acteurs impliqués.

