Soudan: Guerre au pays – La pression diplomatique s'intensifie

Des propositions pour une trêve sont sur la table pour mettre fin aux combats et améliorer l’accès à l’aide humanitaire. Mais les belligérants résistent.

Dans une proposition de résolution adoptée ce jeudi (27.11), le Parlement européen condamne fermement les graves violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme commises au Soudan tant par les Forces armées soudanaises (FAS) que par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), ainsi que par les milices et les groupes armés qui leur sont affiliés. Ces violations pourraient, selon les députés européens, constituer des actes génocidaires.

Dans ce texte, le Parlement dénonce notamment « le ciblage délibéré des civils » ainsi que « le recours à la famine comme méthode de guerre ». Il rappelle les nombreux rapports qui font état de massacres, de meurtres à caractère ethnique, de torture et de violences sexuelles généralisées.

Aussi, la résolution constate l’impuissance de la communauté internationale, dont l’Union européenne, face à ces atrocités.


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Le Parlement envisage de suspendre un accord de libre-échange avec les Émirats Armés Unis (EAU) suite à des allégations selon lesquelles des armes européennes seraient revendues via Abou Dhabi aux forces paramilitaires. Les Émirats arabes unis sont considérés comme un principal soutien des FSR, une affirmation que le gouvernement émirati dément.

La pression internationale s’intensifie

La guerre civile au Soudan a éclaté à la mi-avril 2023, dans un contexte de lutte de pouvoir entre généraux sur l’intégration des combattants paramilitaires dans l’armée régulière. Si les efforts diplomatiques ont échoué pour le moment, les efforts internationaux pour tenter de trouver une résolution s’intensifient.

Mais malgré la pression du président américain Donald Trump qui se dit « horrifié » par cette guerre, la dernière proposition de trêve, présentée au nom du Quad, un groupe composé de représentants des États-Unis, d’Égypte, des Émirats arabes unis et d’Arabie saoudite, a été qualifiée d’« inacceptable » par le général à la tête de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane.

Et si le chef des FSR, Mohamed Hamdane Daglo, a lui annoncé lundi une trêve humanitaire unilatérale de trois mois, cela n’a pas empêché ses hommes, d’après l’armée, d’avoir mené un « assaut » contre la base d’infanterie dans la ville de Babanusa, au Kordofan, région voisine du Darfour.

Quel rôle jouent les Émirats arabes unis au Soudan ?

Les Émirats arabes unis sont considérés comme le principal soutien des FSR, même si Abou Dhabi dément officiellement toute implication. Des groupes d’experts de l’Onu et diverses organisations de défense des droits humains ont fait état de livraisons de matériel militaire aux FSR. De nombreuses preuves témoignent de l’utilisation par les paramilitaires d’armes et de munitions d’origine émiratie.

Les Émirats font toutefois face à une pression diplomatique de plus en plus forte.

« Sans la couverture régionale et le soutien militaire des Émirats arabes unis, les FSR seraient en réalité poussées à parvenir à un accord et à déposer les armes », estime le Soudanais Yasir Zeidan, expert des questions militaires, dans une interview à la DW.

Cette opinion est partagée par Amgad Fareid Eltayeb, directeur du think tank soudanais Fikra for Studies and Development. Selon lui, toute tentative de négociation d’un cessez-le-feu durable doit prendre en compte le rôle central des Émirats arabes unis. « Sans tenir les Émirats unis responsables en les exposant publiquement, une pression du Congrès, des sanctions ou un contrôle financier, tout engagement des FSR risque de rester un outil pour entretenir un récit plutôt que de mener vers une retenue opérationnelle », a-t-il expliqué à DW.

Pourquoi les deux camps continuent-ils à se battre ?

La guerre civile en cours a poussé ce pays riche en ressources au bord d’une nouvelle partition. Alors que les paramilitaires contrôlent la majeure partie de la région ouest du Darfour et certaines zones dans le sud, les forces armées soudanaises contrôlent la majeure partie du centre, du nord et de l’est du Soudan.

En mars, les FSR et des groupes armés alliés ont formé l’Alliance fondatrice du Soudan dans le but de former un gouvernement parallèle. En face, le général Al-Burhane refuse de reconnaître les paramilitaires comme entité juridique.

Or, les deux parties ambitionnent de prendre le contrôle de l’ensemble du pays.

« L’acceptation par les FSR de [la dernière proposition de cessez-le-feu] est une mesure tactique », estrime Leena Badri, chercheuse en politique soudanaise basée à Londres. « C’est un effort pour se positionner comme une entité capable de gouverner, et pour créer un sentiment de légitimité, ce qui est en quelque sorte leur objectif principal depuis qu’ils ont développé leur propre gouvernement parallèle. »

Les forces armées soudanaises, en revanche, ont à plusieurs reprises souligné leur rôle d’acteur souverain de l’État qui combattrait des milices soutenues par l’étranger, note Leena Badri, ajoutant que « pour cette raison, elles ne considèrent pas un cessez-le-feu ou un processus politique comme une occasion de renforcer leur légitimité ».

Les civils continuent de subir les conséquences

Les FSR sont accusées d’avoir commis de graves atrocités et des exécutions sommaires de civils dans la capitale régionale du Darfour, El-Facher, fin octobre, après 18 mois de siège.

Les témoignages de civils ayant réussi à fuir font état d’une violence généralisée, d’une famine instrumentalisée et d’abus sexuels ciblés.

La Cour pénale internationale (CPI) a depuis lancé une enquête sur ces horreurs et déclaré que de tels actes, s’ils étaient prouvés, pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Le chef des FSR, Mohamed Hamdane Daglo, affirme que seule une poignée d’individus seraient responsables des violences de masse contre les civils, et qu’ils seraient tenus pour responsables.

Les organisations de défense des droits et l’Onu restent préoccupées par la situation des milliers de civils encore présents à El-Facher. La communication directe avec les personnes sur place est rendue quasiment impossible par les FSR qui contrôlent l’accès aux télécommunications.

Mercredi (26.11), Jan Sebastian Friedrich-Rust, directeur de l’antenne allemande de l’ONG Action contre la faim, a expliqué à la DW, depuis une commune rurale du centre du Darfour, à environ 100 kilomètres d’El-Facher, qu’« un médecin avec trois assistants de santé s’occupaient d’une communauté de 25 000 personnes ». Il a ajouté qu’environ 200 enfants de la région souffrent de malnutrition aiguë.

« Alors que 30 millions de Soudanais dépendent de l’aide humanitaire, un seul sur dix peut être atteint, car le financement humanitaire de l’Allemagne et d’autres pays donateurs est loin d’être suffisant », rappelle Jan Sebastian Friedrich-Rust.

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