Afrique: L'Atlantique africain, nouvel espace stratégique intégré

L’avenir stratégique et économique du continent passe par l’Atlantique. C’est le message fort délivré au Forum MEDays 2025 à Tanger, où les dirigeants et experts ont dessiné les contours d’un espace de coopération intégré. De l’ouverture vitale vers l’océan pour les pays du Sahel à la mutualisation des moyens contre l’insécurité maritime, cette discussion a mis en évidence le rôle central des grandes infrastructures et de l’intégration digitale pour consolider la co-prospérité africaine.
Désenclavement du Sahel : un « plan B » vital
L’initiative royale marocaine d’offrir un accès à l’océan Atlantique aux pays enclavés du Sahel (Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad) a été saluée comme une opportunité historique. M. Bakary Yaou Sangaré, Ministre des Affaires étrangères du Niger, a qualifié cette offre de véritable « Plan B » pour son pays, particulièrement après les sanctions ayant entraîné un isolement total.
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La réussite de cette intégration dépend de la mise en place d’infrastructures lourdes. Cela nécessite non seulement la réhabilitation et la construction de routes et de voies ferrées, mais aussi l’aménagement de ports secs, qui serviront de plateformes logistiques intérieures pour le commerce. De plus, ce projet stratégique doit créer des synergies avec le gazoduc Nigeria-Maroc, qui permettrait notamment aux pays sahéliens d’exporter leurs propres ressources gazières. M. Sangaré a toutefois identifié deux obstacles majeurs à la concrétisation de ces projets : la sécurité des corridors de transit et le financement conséquent nécessaire à ces infrastructures.
Sécurité et Défense : composante cruciale de l’espace atlantique
La dimension sécuritaire a été présentée comme essentielle à la viabilité de l’espace atlantique. S.E.M. Luis Felipe Lopes Tavares, ancien ministre cap-verdien des Affaires étrangères et de la Défense, a rappelé la gravité des menaces dans le corridor maritime : piraterie, trafic de drogue, traite des êtres humains et pêche illégale.
Il a souligné l’importance de mutualiser les moyens de défense et de sécurité entre les États riverains, citant l’exemple de la coopération nécessaire avec des partenaires comme le Brésil et l’Argentine. Cette composante sécuritaire est indissociable du développement économique et du transport aérien, comme en témoignent les projets touristiques découlant des vols réguliers entre Casablanca et le Cap-Vert. Le Cap-Vert a d’ailleurs accueilli, en 2023, la réunion ministérielle des 23 États côtiers atlantiques, qui a entériné l’engagement politique envers ce projet visionnaire.
L’impératif de l’intégration digitale et du financement
Au-delà des infrastructures physiques et de la sécurité, les experts ont insisté sur la nécessité de l’intégration des systèmes pour vaincre la fragmentation.
M. Laurent Lamothe, ancien Premier ministre d’Haïti, a déploré la perte d’efficacité due aux multiples systèmes de douane et aux manifestes non harmonisés, qui peuvent causer jusqu’à 40 % de pertes sur les marchandises. La solution réside dans l’intégration de systèmes digitaux unifiés et dans l’utilisation de technologies comme la blockchain et l’IA pour le suivi en temps réel des échanges.
Du point de vue de l’investissement, M. Antonio Henrique Da Silva a souligné que le capital privé exige prévisibilité, transparence et des institutions fiables. L’obstacle majeur reste la fragmentation et le manque de données précises. Il a affirmé que c’est en créant des infrastructures interconnectées que l’on génère les données nécessaires pour établir la confiance, rendre les projets viables et attirer les investissements massifs requis.


