Afrique: Trente ans des Clubs RFI – Une «communauté» d'auditeurs «complètement passionnés»
Les Clubs RFI s’apprêtent à fêter leurs trente ans. Les festivités organisées au Bénin pour l’occasion vont mettre à l’honneur la grande communauté formée par ces collectifs d’auditeurs de la radio mondiale. Retour sur trois décennies d’engagement de bénévoles réunis autour de RFI.
« On est le seul média au monde à avoir cette communauté », se félicite Sébastien Bonijol. Énergique, le coordinateur des Clubs RFI est pleinement impliquée dans les festivités qui marquent les 30 ans de leur création. Des dizaines de membres des différents Clubs africains se retrouvent en effet pour l’occasion au Bénin.
Au programme, des conférences, des séminaires, mais aussi l’enregistrement de plusieurs émissions spéciales du « Club RFI » – l’émission hebdomadaire éponyme – animées par Eric Amiens. « Le Club RFI, de loin l’émission la plus proche », comme elle est définie par ceux qui la font vivre, tire son nom du premier regroupement d’auditeurs africains de RFI.
Trente ans d’histoire
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Apparu spontanément en 1995, dans la ville de Cotonou, au Bénin, le premier Club RFI était un rassemblement autonome d’auditeurs. L’émission du Club RFI est fondée la même année, « avec Jean Legrand comme animateur », explique Eric Amiens, qui lui a succédé en 2010.
Année après année, de nombreuses communautés de passionnés de RFI ont suivi l’exemple béninois. Radio France Internationale ne les a pas instaurés, mais participe, depuis leur création, à donner de la visibilité à leurs diverses actions tout en les soutenant matériellement.
Ces regroupements d’auditeurs ont vu le jour à différents endroits du globe, mais le continent africain en concentre l’écrasante majorité. « Si aujourd’hui, 90 % des Clubs se créent en Afrique, c’est qu’il y a dans ces pays un attachement complètement passionné et passionnel avec la RFI », remarque Sébastien Bonijol.
Chaque semaine, Eric Amiens met à l’honneur, dans son émission, une action locale d’un des Clubs parmi la cinquantaine de ce vaste réseau international de bénévoles. « Je ne suis que le passeur de ce que les Clubs font », insiste affectueusement l’animateur. « Ce que leurs membres accomplissent a du sens. »
Promotion de la francophonie, professionnalisation des jeunes, lutte contre la désinformation… les activités des Clubs sont légion. Au vu de leur nombre, impossible de toutes les inclure dans l’émission hebdomadaire, remarque Audrey Iattoni, la deuxième coordinatrice des Clubs. « Il y a beaucoup de choses que font les Clubs dont personne d’autre, à part Seb, Eric et moi, n’a conscience », souligne-t-elle.
Francophonie, socle commun
Les activités autour de la langue française ont été les premières à voir le jour. Qu’il s’agisse de concours d’éloquence ou de dictées, ou encore de préparation à des certifications de langue, elles ont des résultats concrets, selon Gilbert Niyongabire, président du Club RFI Bujumbura, au Burundi.
« Beaucoup nous disent qu’ils sont vraiment parvenus à s’habituer à s’exprimer en public grâce à ces initiatives du Club RFI ». Adhérent depuis 2010, il ajoute que le Club « encadre les élèves » à la préparation au TCF (Test de connaissance du français), qui « n’est pas organisé en classe, au Burundi ». Ce certificat ouvre ensuite les portes d’autres pays francophones, comme le Canada ou la France, aux étudiants burundais.
Même son de cloche en République démocratique du Congo où les ressources du « talisman brisé » – une série de podcasts bilingues initiée par RFI – ont été beaucoup utilisées par Zacharie Bashwira, représentant des Clubs de la RDC, et les autres bénévoles. Elles ont particulièrement servi pendant « la période du Covid » pour que les enfants « continuent d’apprendre, même s’ils ne partaient pas à l’école », se souvient l’avocat, adhérent depuis 16 ans.
Si ces démarches francophones constituent le socle commun des Clubs chacun d’entre eux est libre de monter localement des initiatives spécifiques. « On s’appuie sur eux pour être le plus adapté à la population, parce qu’ils connaissent bien mieux le terrain », note Sébastien Bonijol.
Au plus proche du terrain
La diversité des actions locales n’empêche pas les Clubs de garder en tête une cible spécifique : la jeunesse de leurs pays respectifs. « Les Clubs sont ouverts à toute mutation » insufflée par leurs jeunes membres à qui est confié « l’avenir », assure Aman Baptiste Ado, président du Club RFI d’Abidjan.
En Côte d’Ivoire, où le littoral est mis à rude épreuve par la hausse progressive des températures, le Club local a, entre autres, réalisé plusieurs « courtes vidéos à destination de la jeunesse pour montrer les initiatives de jeunes Ivoiriens qui travaillent à protéger l’environnement », développe Aman Baptiste Ado.
Nouveau volet d’activité des Clubs depuis quelques années, la lutte contre la désinformation est également dirigée vers la jeunesse. Ingénieur des médias, Aman Baptiste Ado raconte qu’en mai, des bénévoles et lui ont sillonné une dizaine d’écoles ivoiriennes pour « former des élèves à détecter une fausse information », dans un contexte de désinformation exacerbée par la période électorale du pays.
Mais pour beaucoup de Clubs, l’idée est aussi d’accompagner ceux qui s’apprêtent à rentrer dans la vie active. Le Club de Goma a formé 30 jeunes, « reconnus comme orphelins de guerre » à « la soudure, à la coupe-couture, aux métiers de l’esthétique et de la mécanique automobile », se réjouit Zacharie Bashwira, qui tient à pérenniser cette initiative.
Travail humanitaire
Une place que les Clubs n’occupaient pas à leurs débuts. Mais « avec le temps, on a évolué jusqu’aux actions humanitaires », constate Zacharie Bashwira. À tel point que, dorénavant, « lorsque l’ambassadeur de France ou d’Allemagne arrive à Goma, nous sommes parmi les premiers acteurs contactés », affirme l’avocat.
Qui plus est, depuis 2014, certains Clubs se sont formés dans des camps de réfugiés de régions sinistrées du continent africain. Leur apparition, sur des terrains aussi difficiles, « signifie que les déplacés conservent un lien affectif, une attache familiale à la radio, qu’ils ont besoin de retrouver quand ils se réinstallent, bien souvent dans un autre pays que le leur », observe Audrey Iattoni. Ces Clubs entretiennent un « lien à la langue française qui, dans les camps de réfugiés, est souvent la seule langue que les différentes communautés réunies ont en commun », conclut-elle.
Au sein des camps, les actions entreprises sont, de nouveau, extrêmement diverses. Certaines missions, purement matérielles, consistent à construire des infrastructures durables, comme des latrines à destination des réfugiés. Dans d’autres circonstances, certains refuges ont vu la mise sur pied d’un réseau d’accompagnement psychologique à destination des femmes victimes d’agressions sexuelles.
C’est enfin au sein des camps de réfugiés que le plus universel des langages, le football, permet de venir à bout des antagonismes. Le sport, mais principalement celui du ballon rond, « est un outil de pacification qui recrée des liens et renforce l’esprit d’entraide et de solidarité » explique Sébastien Bonijol.
Fréquemment mobilisé par les Clubs, le football agit comme « rassembleur de communautés », selon lui. La CAN (Coupe d’Afrique des Nations) est l’occasion, pour les Clubs, d’organiser chaque année de nombreux tournois, à travers le continent. Il s’agit, pour Aman Baptiste Ado, « d’utiliser le prétexte de la CAN et du football pour sensibiliser aux valeurs de vivre ensemble et de paix entre les différents pays africains ». Un message d’unité sous le signe duquel seront placées les célébrations des 30 ans d’existence des Clubs.



