Afrique: Investir dans le tourisme et l'hôtellerie – Le continent face au défi de la croissance par l'humain

Le panel consacré à l’investissement dans le tourisme et l’hôtellerie aux MEDays a révélé le paradoxe africain : un potentiel de croissance sans égal, juxtaposé à des obstacles persistants, qu’ils soient logistiques, sécuritaires ou financiers. La conclusion est unanime : le tourisme est un catalyseur de croissance essentiel, à condition de miser sur l’humain et l’unité continentale.
L’immense potentiel : le tourisme comme solution à l’emploi des jeunes
L’Afrique ne reçoit que 70 millions de touristes par an pour l’ensemble du continent, une statistique dérisoire comparée à la seule Espagne ou à la France, qui en accueillent près de 100 millions chacune. Pour Mossadeck Bally, Président et Fondateur d’Azalai Hotels Group, cette disparité est une opportunité en or pour répondre au défi démographique majeur.
« La population africaine est à 70 % de jeunes. Ça veut dire qu’on a près de 800 millions de jeunes aujourd’hui sur le continent… et où sont les jobs ? Le tourisme peut être justement un outil pour créer une très bonne partie de ces emplois », a-t-il affirmé.
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Cette industrie est d’autant plus essentielle qu’elle est un formidable vecteur social. Fadimatou Noutchemo, Country Director chez AFRIJET/FLYGABON, a insisté sur le fait que la vraie valeur du tourisme ne réside pas uniquement dans le béton et les infrastructures : « C’est le volet humain. C’est ce sourire, cette chaleur humaine qui nous fait revenir dans nos pays. » Le tourisme est le point de rencontre entre la culture, les valeurs et la chaleur de l’accueil, des atouts immatériels irremplaçables.
Des obstacles concrets : de la mobilité aux risques perçus
Si le potentiel est immense, les freins au développement du secteur sont nombreux et complexes. Les panélistes ont ciblé quatre principaux obstacles systémiques qui entravent l’essor du tourisme africain.
1. La fragmentation aérienne et les barrières de visa
Le tourisme africain est entravé par son manque de connectivité interne. Fadimatou Noutchemo a mis l’accent sur l’interdépendance des secteurs : « Mon industrie qui est l’aéronautique est une industrie de support aux autres industries. » Or, l’Afrique est pénalisée par ses propres barrières internes.
Contrairement à l’Europe, où « 27 pays qui, avec un visa, peuvent se déplacer facilement » grâce à un marché unique, le continent est ralenti par la difficulté de mobilité à cause des visas et le retard pris dans l’adhésion au Marché Unique du Transport Aérien Africain (MUTAA). De plus, comme l’a noté Mossadeck Bally, « l’activité aérienne [est] très compliquée et c’est très cher », ce qui mine la compétitivité du secteur.
2. Le défi structurel du risque et du financement
Le défi de l’investissement ne réside pas dans la demande, mais dans la perception du risque et la disponibilité des fonds.
Mossadeck Bally a dénoncé l’écart entre la perception et la réalité. Son groupe, qui a traversé sept coups d’État sans fermer ses portes — contrairement à la pandémie de COVID-19 qui a été plus dévastatrice —, prouve que « la perception du risque africain chez les investisseurs internationaux est encore beaucoup plus élevée que la réalité du risque ». Il a illustré l’enjeu par la différence d’appétit au risque : « Mon appétit pour le risque africain est infiniment plus élevé que l’appétit de [banques] qui sont des plus européennes. »
Ce risque surévalué se traduit par une difficulté d’accès au capital. « Le financement, c’est un défi énorme en Afrique pour financer les hôtels », a témoigné le Président d’Azalaï, qui privilégie des partenariats locaux et fait appel à des institutions de financement du développement pour surmonter l’hésitation des bailleurs traditionnels.
3. Les obstacles de gouvernance et de formation
Le manque de vision politique à long terme et un système éducatif inadapté freinent la croissance. Mme Noutchemo a souligné que « le système éducatif ne correspond pas aux besoins du développement de nos pays », créant un décalage entre les besoins en main-d’œuvre qualifiée et la réalité du marché. Elle a également appelé le secteur privé à prendre les devants car, dans un contexte où les politiques changent souvent, « un ministre en gouvernance, ça change tout le temps… n’a aucune notion sur le rôle réel du tourisme ».
4. La priorité sécuritaire
Enfin, la sécurité reste un préalable incontournable à l’investissement touristique. L’exemple de la Somalie, par la voix de son Ancien Ministre d’État H.E. Dr. Abdifatah Nour Ahmed, rappelle que des défis sécuritaires persistent. Le Gouvernement Fédéral Somalien mène « une guerre féroce contre les groupes terroristes qui ont constitué un obstacle à la réalisation dans de nombreux domaines » et exprime sa détermination à faire de la Somalie une destination touristique. Cette lutte illustre l’engagement du continent pour rétablir la stabilité nécessaire au secteur.
De la vision à l’action : le rôle du secteur privé
Pour concrétiser ce potentiel, la voie à suivre est celle d’une collaboration plus étroite et plus éclairée.
Fadimatou Noutchemo a interpellé les participants sur la nécessité pour les experts du secteur privé de guider les politiques publiques. L’industrie doit s’organiser pour imposer des conversations concrètes et des plans à long terme aux décideurs.
En conclusion, le message fort des MEDays est un appel à la résilience et à la passion entrepreneuriale africaine. Le tourisme est bien le catalyseur de croissance recherché, à condition de lever les freins administratifs et de persévérer face à la perception du risque, en faisant de l’hospitalité humaine et de la connectivité les vrais moteurs de la réussite continentale.

