Shein et Temu: comment les géants asiatiques du e-commerce ont conquis l'Afrique du Sud

En France, la plateforme d’e-commerce Shein est dans le collimateur de la justice pour la vente de produits illégaux, mais c’est son modèle économique même qui suscite l’inquiétude au-delà des frontières. En Afrique du Sud, le géant asiatique et son concurrent Temu ont conquis le marché local de la mode en ligne, au détriment des commerçants et de l’emploi.
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En 2020, Shein et Temu étaient encore inconnus en Afrique du Sud. Quatre ans plus tard, ces deux géants asiatiques dominent le marché du commerce en ligne. Selon une étude du Fonds de soutien à la localisation (LSF), près de quatre vêtements achetés en ligne sur 10 proviennent désormais de ces plateformes.
Ensemble, les deux sites internet représentent 3,6% du marché sud-africain du commerce de détail, de l’habillement, du textile, des chaussures et du cuir (CTFL), soit un chiffre d’affaires de 7,3 milliards de rands (environ 350 millions d’euros).
Des prix imbattables
Leur succès repose sur une stratégie bien rodée : des prix imbattables. « Pour de nombreux Sud-Africains, le prix est un facteur clé. Ils ont le sentiment que les détaillants locaux n’offrent pas assez de variété, explique Kevin Lings, économiste en chef chez Stanlib Asset Management. Shein et Temu proposent un choix plus large d’articles à des prix bien inférieurs. Les consommateurs sud-africains privilégient souvent le prix à la qualité. »
Une robe à moins de 5 euros, une paire de baskets à 8 euros… Pour proposer ces tarifs aussi bas, Shein et Temu s’appuient sur des chaînes de production locales en Asie à bas coût, et jusqu’à récemment sur une exemption de taxes sur les petits colis. Pendant des années, des millions de paquets ont ainsi pénétré le marché sud-africain sans TVA ni droits de douane, désavantageant les commerçants locaux.
Un coût social et économique
Cette concurrence, qualifiée de « déloyale » par les acteurs locaux, a un impact direct sur l’emploi. Selon la même étude, l’arrivée de Shein et Temu a déjà entraîné la suppression de 8 000 emplois dans le secteur textile.
« En quatre ans, Shein et Temu ont supplanté des marques établies comme H&M, Zara ou Cotton On, explique Simon Eppel, membre du syndicat des travailleurs de l’habillement. Leur taille sur le marché sud-africain est désormais plus importante que ces enseignes. Si rien n’est fait, l’étude prévoit la suppression de 35 000 emplois d’ici à 2030. »
Des réformes difficiles à appliquer
Pour contrer cette menace, le gouvernement sud-africain a réagi. En 2024, il a supprimé les exemptions de TVA sur les petits colis et relevé les droits de douane sur les vêtements importés (passant de 20% à 45% pour certains produits). Mais ces mesures se heurtent à un problème majeur : leur mise en application.
Comme ailleurs dans le monde, les douanes peinent à contrôler les milliers de colis qui arrivent chaque jour. Résultat : malgré les réformes, Shein et Temu continuent de prospérer, au détriment d’une économie locale déjà fragilisée.
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