Africa Foto Fair: la photographie ivoirienne (et africaine) s'expose à Grand-Bassam

Pour sa quatrième édition, l’Africa Foto Fair a dépassé les limites d’Abidjan pour gagner la ville balnéaire de Grand-Bassam, où les œuvres de photographes du monde entier, mais surtout de talents émergents africains, ont été affichées dans quatre sites différents, tous en libre accès. Une manière de faire descendre la photographie contemporaine dans la rue et, pour les artistes ivoiriens, en particulier, de se réapproprier leur iconographie.
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De notre envoyée spéciale à Grand-Bassam,
Sur le site principal de l’exposition Africa Foto Fair, la Maison Rose, les photographies s’étalent par dizaines sur des panneaux dressés au milieu du jardin. Les photographes ivoiriens sont là pour présenter leur œuvre. L’un d’eux, Josué Kakou, explique aux visiteurs sa série consacrée à l’évangéliste libérien William Wadé Harris. En commençant par l’étonnant portrait d’un homme marchant sur l’eau.
« C’était un prophète à l’ancienne, ancré dans la culture africain », indique-t-il. « En 1912, les religions catholique et protestante étaient en Côte d’Ivoire, mais ils n’arrivaient pas à convaincre beaucoup de personnes, en ce temps. Et lui, puisqu’il avait déjà la culture africaine, c’est lui qui a développé le christianisme en Côte d’Ivoire. Il a baptisé des féticheurs… Cette œuvre est simplement pour rappeler qu’on a notre culture, et qu’il faudrait que tout un chacun revienne toujours à sa culture. »
« Nous aussi, nous avons le droit de raconter des histoires »
À quelques mètres, Jean-Yves Gauze présente une collection de photographies d’archives retouchées de sa mère disparue. Un peu plus loin, la série symbolique de Yvann Zahui, pensée comme un memento mori, est intitulée Yako, la formule avec laquelle on adresse ses condoléances en Côte d’Ivoire. Ailleurs encore, Abraham Kodja propose des photographies de scènes du quotidien à Abidjan, tout comme Aya N’zué, dont la série est intitulée Juste des gens.
« Nous aussi, nous avons le droit de raconter des histoires. Nous aussi, nous avons le droit de parler de nous-mêmes. Avant, les Blancs, les Européens, les Occidentaux venaient parler de nous-mêmes à notre place. Je trouve important que maintenant, nous Ivoiriens, nous Noirs, puissions raconter nos propres histoires. »
Diversifier les points de vue et corriger les représentations du continent
Pour l’organisatrice Aida Muluneh, l’ambition de l’Africa Foto Fair est avant tout de permettre aux jeunes talents africains d’émerger sur la scène internationale, pour diversifier les points de vue et corriger les représentations, souvent biaisées, du continent.
« Nous devons être capables de raconter nos propres histoires », soutient Aïda Muluneh. « Moi, par exemple, je viens d’Éthiopie. Je vis ici, en Côte d’Ivoire, mais je ne pourrai pas raconter les histoires de ce pays dans leur totalité. Parce que je ne suis pas né et que je n’ai pas grandi ici, mon point de vue sera différent de celui de quelqu’un qui est né et a grandi ici. Et cette personne aura accès à des choses auxquelles je n’ai pas accès. »
En tant qu’Africains, nous devons être capables de capturer nos propres images et, en même temps, de partager avec le monde ce à quoi ressemblent nos réalités. Souvent, lorsque je voyage, je constate que la plupart des gens pensent que l’Afrique n’est pas sûre, qu’elle n’a pas ceci et cela, et cela provient vraiment des médias de masse et de l’image de nous qu’ils projettent.
Aida Muluneh, organisatrice de l’Africa Foto Fair
L’exposition restera en place jusqu’au 7 décembre.
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